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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

La Presse d’Armor : 100 ans de mystère en Bretagne : le manoir de l'affaire Seznec a-t-il livré tous ses secrets ?

En Bretagne, une propriété fut au coeur de l'affaire Seznec. Mobile supposé d'un meurtre sans corps, le domaine de Traou Nez, près de Paimpol, a-t-il livré tous ses secrets ?

Le Manoir de Traou Nez, au bord du Trieux, en Bretagne nord est aujourd’hui la propriété du Conservatoire du littoral. Il est actuellement en réfection. Il appartenant à Pierre Quémeneur, négociant en bois, mystérieusement disparu en mai 1923. ©Magali LELCHAT/ La Presse d’Armor

Par Magali Lelchat 

Ce dimanche 29 novembre 1953, une agitation inhabituelle règne à Plourivo, petit bourg tranquille de Bretagne-nord, près de Paimpol.

Depuis quelques jours, la quiétude des lieux est perturbée, particulièrement autour du domaine de Traou Nez.

Des centaines de visiteurs très excités s’y pressent, pendule ou pelle en main. A Plourivo, l’affaire Seznec vient de refaire surface.

Chacun cherche les restes de celui qui fut maître des lieux et dont on a perdu la trace 30 ans plus tôt, le 25 mai 1923 : Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère et négociant en bois.

En 1924, la justice a tranché, le dernier voyage du notable a eu lieu à bord d’une Cadillac américaine en compagnie du maître de scierie morlaisien Guillaume Seznec.

Ce dernier l’a occis entre Brest et Paris, probablement aux environs de Dreux.

Le mobile du crime

Mobile du crime : la propriété bretonne de Traou Nez, au bord du fleuve Trieux, et son « manoir », dont on a retrouvé une promesse de vente –un faux selon les experts- à un prix étrangement modique.

Verdict : les travaux forcés en Guyane pour Guillaume Seznec. Il ne cessera de clamer son innocence.

Problème : jamais le corps de Pierre Quémeneur n’a été retrouvé.

De quoi nourrir toutes les hypothèses. 

Et c’est justement ce qui attire ces milliers de personnes dans les landes et les bois de Plourivo en cette fin 1953 : la dépouille y est enterrée c’est sûr.

Comment le savent-ils ? Il se trouve que l’ex-bagnard vient d’en avoir la vision

« Elle m’a montré sa tombe. Il a été tué de deux balles dans la tête »

En ce mois de novembre 53, Guillaume Seznec, revenu de Cayenne depuis 1947 et qui vit chez sa fille à Paris, vient d’être renversé par un camion qui a pris la fuite.

Il se réveille après deux jours de coma et prononce des paroles troublantes, il a rêvé d’une de ses filles, décédée :

Branle-bas de combat.

Depuis les années 30, l’affaire est devenue très médiatique.

Un journal national titre : « 30 ans après, Seznec dit : « je sais où est caché le cadavre de Quémeneur ».

La police, précédée de la fille de Seznec et suivie d’une foule de curieux, se précipitent donc à Plourivo

« A Traou Nez avec les détectives du dimanche »

La Presse paimpolaise, l’hebdomadaire local, a un envoyé spécial à Traou Nez qui signe « Crédiran ».

Il tirera de ces journées agitées ce qu’on appelle un « papier d’ambiance » très enlevé.

En ce beau dimanche, sur la lande et dans les bois, l’atmosphère est plus proche de la kermesse que de la résolution d’un macabre mystère.

L’article de Crédiran est titré : « A Traou Nez avec les détectives du dimanche ».

Il décrit une enfilade de voitures et de cars, des chercheurs de tous âges et de tous sexes, tous persuadés d’être à 30 cm des ossements.

L’affaire déchaîne la Presse nationale.

L’hebdomadaire Radar, s’assure l’exclusivité de la venue de Guillaume Seznec sur les lieux et des révélations qui suivront.

Mais le vieil homme, malade durant le trajet et parait-il, effrayé par les curieux, renonce et se replie sur Guingamp pour y être soigné… Il décèdera quelques jours plus tard.

Les mystérieuses photos de crâne

Toutefois, sur place, il n’y a pas que des fantaisistes.

Les gendarmes aussi cherchent. Notamment un certain Lepetitcorps, qui commande la brigade de gendarmerie de Paimpol.

Après sa mort, son fils, Daniel, a fait une étrange découverte dans la cantine de son père : trois photographies prises lors des fouilles de 1953 et un bordereau d’accompagnement faisait référence à un procès-verbal numéroté 674 dont on ne retrouvera jamais trace.

L’une des photos montre un objet faisant penser à un crâne.

Il écrira un livre (Seznec, en quête de vérité, ed. Le Télégramme) où il évoque des phrases prononcées par son père, avant sa mort, décrivant Seznec comme « un bouc émissaire, victime de la raison d’Etat ».

Le gendarme retraité affirmera aussi que, pour les fouilles de Plourivo, les ordres venaient directement de Paris… 

Des coups de feu dans la nuit

Un autre personnage avait placé le domaine de Traou Traou Nez au coeur de cette sombre affaire, il s’agit du juge Hervé

Cet ancien responsable des services secrets de l’ouest pendant la Première Guerre mondiale se battra toute sa vie pour la réhabilitation de Seznec et retournera l’opinion bretonne.

 

Pendant le procès, en 1924, il était juge de paix à Pontrieux, un petit port à quelques kilomètres de Plourivo.

En 1934, il se souvient avoir alors recueilli le témoignage de cinq marins de la Marie-Ernestine, une gabarre qui draguait le sable, de nuit, à hauteur du manoir De Traou Nez.

Ils avaient remarqué qu’une pièce était inhabituellement allumée à l’étage et surtout, ils avaient entendu un coup de feu.

Des personnes, dont une femme, s’était approchées de la berge et un deuxième coup de feu avait retenti…

Cette piste fut écartée.

Ce soir là, on mariait la fille du gardien du domaine et des coups de feu avaient été tirés pour l’occasion avait conclu l’enquête.

Erreur de date

Pour le juge : les marins n’avaient pas entendu les coups de feu tirés le jour de la noce mais d’autres, tirés quelques nuits plus tard (le 28 mai, à morte-eau) ; C’est en tout cas, ce qu’un des marins a soutenu dans son testament déposé chez un notaire de Pontrieux.

Les autres n’ont jamais voulu réitérer leur témoignage…

Au même moment, un chauffeur de taxi affirmait aussi avoir pris en charge Pierre Quémeneur de Guingamp jusqu’à Traou Nez.

A la suite des révélations du juge, cinq anciens jurés de la cour d’assises de Quimper ont demandé la révision du procès.

« Au-delà des bobards… »

Les témoignages que le juge Charles-Victor Hervé envoya à la justice ne furent pas pris en compte. D’autant que des troubles mentaux l’avait discrédité et qu’il s’était permis d’échafauder des hypothèses jusqu’à nommer le meurtrier…

Dans La Presse paimpolaise, en 1953, le journaliste Pierre Le Béguec défend toutefois le juge et sa thèse. 

Le 19 décembre, en pleine frénésie à Plourivo, il concluait ainsi son article titré « Au delà des bobards » :

Après la frénésie de fouilles de 1953, Traou Nez a retrouvé son calme.

La forêt s’est refermée sur ses secrets, vrais ou fantasmés, mais il manque toujours un corps à cette histoire…

C’est pourquoi, autour du manoir, il est permis au mystère de flotter encore.

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Magali Lelchat 

 

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