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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Affaire Seznec : 9 Juillet 1923 / 12 Mars 1924 : Instruction du juge Campion...

Un bon juge est celui qui a acquis une connaissance de l'injustice.
Platon

"Entendu 67 fois, confronté à 30 reprises aux témoins par la police, Guillaume Seznec se contredit à maintes reprises, ment, manque d’alibi et tente de soudoyer des témoins. La découverte de fausses promesses de vente d’une propriété de Quéméneur, au bénéfice de Seznec, achève d’en faire le suspect numéro 1."

Michel Pierre in Paris Normandie du 19 mai 2023

9 juillet 1923.

C'est la date que nous donne Bernez Rouz...

En page 101 :

"L'instruction est confiée dans un premier temps au juge Binet de Brest ; c'est lui qui signe le mandat d'arrêt le 30 juin, et après transport de l'accusé lui signifiera on inculpation le 7 juillet. Mais dès le 9, il est dessaisi pour des raisons géographiques en faveur d'un juge d'instruction de Morlaix, Emile Campion."

Le "après transport de l'accusé" est faux car Seznec n'est arrivé à Morlaix que le 16 juillet.

Denis Langlois en page 57 :

« Seznec étant soupçonné d'avoir fabriqué les faux à Morlaix, c'est un juge de ce tribunal qui est finalement désigné : M. Emile Campion. »

Alors deux questions :

- Pourquoi le parquet de Morlaix et non celui de Brest, lieu dont dépend Landerneau le domicile de Quémeneur ?

- Qui était le juge Campion ?

1/ Le dessaisissement du parquet de Brest reste une énigme.

Le juge Binet et le procureur Guilmard avaient-ils été échaudés par l'affaire Cadiou ?

Et ont-ils profité d'une faille de l'été et du relâchement des grandes vacances pour refiler la patate chaude au parquet de Morlaix ?

Est-ce, comme certains le pensent, une habile manoeuvre judiciaire pour que Seznec soit jugé à Morlaix, lieu de son habitation où il était plutôt mal vu ?

À noter que Binet et Guilmard étaient en quelque sorte en conflit d'intérêt, André Binet ayant épousé Marie Guilmard en décembre 1921.

2/ Le juge Emile Campion

Emile Campion est né le 20 mai 1875 à Plestin-Les-Grèves dans les Côtes du Nord.

Ses parents Jeanne Marie Brigant et Etienne Campion semblent être de riches propriétaires.

Il a deux frères aînés.

Il est de la Classe 1895. R.M. 532 Guingamp.

Mais dispensé en tant qu'étudiant en droit, il n'effectue son service militaire que le 2 novembre 1896.

Jusqu'au 18 septembre 1897.

Il est de taille moyenne (1 m 69).

Avec des cheveux châtains et des yeux bleus. Malicieux, les yeux, si,si...

Il est diplômé docteur en droit le 20 juillet 1901.

En mars 1903, il habite Guingamp.

Où il est avoué.

Il se marie avec Elisabeth Tellier le 14 novembre 1910.

Il est mobilisé le 1er août 1914.

Brancardier à la 19ème Division du 10e Corps.

Il est démobilisé le 13 février 1919.

Annuaire Rétrospectif de la Magistrature

Il est nommé juge au Puy le 29 avril 1919.

Puis juge à Morlaix le 13 novembre 1920.

Et enfin juge d'instruction (toujours à Morlaix) le 13 juin 1922.

A lire sur le Rieux Nédelec en pages 81/82 :

"Aux environs de Morlaix, où Seznec avait la réputation d'être un fin renard, les langues allaient leur train.

Quant au magistrat instructeur, le Campion de la vérité, comme le nommait un reporter en mal de jeux de mots, nous avons eu la chance de rencontrer l'un de ses contemporains, un jeune agrégé de lettres... de 84 ans. Fanch Gourvil qui garde présents à la mémoire les détails de l'affaire. Dans sa maison de Pleyber-Chrit, dans un décor bien actuel, il a su préserver tout le passé.

(...)

- J'étais alors journaliste à Morlaix et j'ai suivi l'affaire de près. J'ai très bien connu le juge Emile Campion, chargé du dossier Seznec. Originaire du pays (ndlr ????), il connaissait la psychologie des habitants, leur langue et leur habitudes. Ancien avoué à Guingamp, entré dans la magistrature, il occupait depuis peu le poste de juge d'instruction. C'était un homme loyal et franc, scrupuleusement honnête et pas du tout désordonné comme ses détracteurs ont voulu le dépeindre. Sacrifiant ses vacances, en cet été 1923, il s'était consacré, corps et âme, à son dossier, un dossier qu'il avait d'ailleurs transmis à la Chambres de mises en accusation en un temps record. L'affaire Seznec était sa première grande affaire criminelle.

- Croyez-vous sans réserve à la culpabilité de Seznec ?

- Tous les faits étaient contre lui. Il n'a sûrement pas tout dit et il a eu du cran car on ne l'a guère ménagé."

Chez Serge Douay en page 111 :

"Le juge chargé d'instruire la procédure, M.Emile Campion, était un ancien avoué de Guingamp, entré tardivement dans la magistrature. Originaire de Plestin-les-Grèves, dans le terroir de Trégor, s'exprimant volontiers en breton, M. Campion, avec ses épaisses moustache et ses yeux rieurs, jouissait de la considération de se collègues. Sympathique, spirituel et parfois malicieux, ce magistrat consciencieux deviendra par la suite conseiller à la Cour d'Appel d'Orléans."

Denis Seznec pages 151/152 (toujours dans la critique... Et le complot national et international contre son papy martyrisé...) :

« C'est un nouveau juge qui vient de prendre la succession du juge Binet, car le parquet de Brest a été dessaisi au profit de celui de Morlaix. Il s'appelle Émile Campion. Cet ancien avoué de Guingamp est devenu magistrat après la guerre et à surtout été chargé jusqu'ici d'affaires de droit civil. C'est son premier dossier criminel important. Emile Campion est plutôt sympathique, avec sa corpulence de bon vivant, ses réparties spirituelles. Mais là, il n'est pas dans son élément, d'autant que les pièces du dossier ne lui ont été communiquées que très récemment avec beaucoup de réticences. Les hautes instances de la magistrature ont-elles délibérément choisi cet homme en pensant qu'il serait plus "maniable" ? Je l'ignore. Tout ce que je sais c'est que beaucoup se plaindront de ses méthodes de travail d'une certaine maladresse. »

Chez Denis Langlois en pages 57/58...

On peut lire que Campion est originaire de la région de Morlaix (NDLR ?????????)

Et que c'est un fonctionnaire désordonné (NDLR sources ????????????)

"Il est courtois, souriant même, ne s'emporte que rarement. Un homme apparemment rempli de bonne volonté. Le problème, c'est qu'il ne connait pas grand-chose aux dossiers criminels. Jusqu'ici, il s'est surtout occupé de droit civil, puis de petites affaires correctionnelles - des vols, des escroqueries, des coups et blessures -, jamais d'une affaire où quelqu'un a été tué. Il est d'autant plus désarmé devant l'assurance du commissaire Vidal, grand spécialiste d'affaires criminelles. Dès lors, son travail, même s'il est consciencieux, consiste essentiellement à conforter l'hypothèse de Vidal : l'assassinat de Quémeneur par Seznec quelque part entre Houdan et La-Queue-Les-Yvelines. Comme Seznec nie à peu près tout, même ce qui paraît évident, seule la thèse policière fait l'objet de recherches, les autres pistes ont en grande partie négligées."

.................

Alors ?

Le juge Campion ?

De l'humour...

Très consciencieux...

Sans doute aussi très épaté par l'entregent d'Achille Vidal, le commissaire parisien...

Et face à un morlaisien buté et pas du tout disposé à coopérer...

Reprenons Bernez Rouz, en page 104 :

"Fort de cette analyse du crime après 12 jours d'enquête policière, Emile Campion, persuadé comme les enquêteurs d'avoir en face de lui le coupable idéal, instruit l'affaire selon deux axes : un axe Morlaix-Plouaret-Le Havre, il s'agit de vérifier l'achat par Seznec de la machine à écrire qui a servi à taper le faux acte de vente de Traou Nez. Le deuxième axe cherche à prouver l'assassinat de Quéméneur dans la région de Dreux et Houdan mais aussi de localiser les dollars-or. L'intruction comprend 507 notices et fait l'objet d'une ordonnance en date du 12 mars 1924.

Pendant ces 8 mois, le juge Campion n'a pas chômé. Il a exploré méthodiquement ces 2 axes en délaissant bien d'autres pistes qui auraient pu donner à l'affaire Seznec une toute autre direction. Sans surprise, le 22 mars 1924, le procureur de la République de Morlaix expose les faits de façon très défavorable à Seznec. La chambre des mises en accusation demandera un complément d'informations sur 17 points de détail. L'acte d'accusation tombe le 28 juillet 1924 de la main du procureur général du parquet de la cour de Rennes, Guillot. Le sort de Seznec est scellé, le dossier d'instruction est clos, les jurés de la cour d'assises n'auront pas d'autres versions plausibles des faits."

En mars 1924...

Le juge Campion commence à rédiger son ordonnance de renvoi de Seznec devant la cour d'assises. 

Son instruction a duré le temps d'une grossesse : neuf mois.

Ni plus. Ni moins.

 

Liliane Langellier

P.S. 31 juillet

Savez-vous que l'assassin de Jaurès se nommait Villain (?)

Avec deux L, d'accord...

A lire sur mon blog Chez Jeannette Fleurs

........................... 
 

 

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A
Cher MArco, chère Liliane<br /> <br /> Dont acte.<br /> <br /> Je n'avais pas pris la peine de consulter le Code d'instruction criminelle, ni la Code de procédure pénale, qui sont, en effet, très clairs, sur, notamment, le lieu de" la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction,"<br /> Autrement dit, même s'il s'est agi de "passer la patate chaude", cela a eu lieu en toute légalité.<br /> <br /> Alain
Répondre
M
Bonsoir Liliane et Alain.<br /> <br /> Pour la désignation du juge d'instruction de Morlaix, je crois que c'est la simple application de l'article du Code d'instruction criminelle qui est reprise par l'article 52 du Code de procédure pénale de 1958 :<br /> <br /> Sont compétents le juge d'instruction du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé à l'infraction, celui du lieu d'arrestation d'une de ces personnes, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause.<br /> <br /> L'ordonnance du juge Binet, la première ordonnance de cette affaire, précise les charges contre Seznec :<br /> - tout d'abord, les faits liés à la disparition de Quéméner, en un lieu non déterminé ;<br /> - ensuite, la rédaction du faux (la promesse de vente) le 22 mai 1923 à Brest ou Landerneau.<br /> <br /> En effet, à cette date, l'affaire de la machine à écrire du Havre est totalement inconnue du juge Binet.<br /> <br /> Le 2 juillet, le vendeur de machines porte à la connaissance l'achat imputé à Seznec et le 6 (sous l'autorité du juge Binet) une machine est retrouvée à Morlaix.<br /> <br /> Dès lors, l'hypothèse de la rédaction du faux à Brest ou Landerneau le 22 mai s'effondre t ne reste plus qu'un lieu possible pour l'instruction, Morlaix.
Répondre
A
Sur le dessaisissement du parquet de Brest, je n'ai pas de réponse. Tou au plus une ébauche de raisonnement.<br /> Si l'on suppose Quémeneur tué vers Dreux/Houdan, il y a un problème ; est-ce du ressort de Chartres ou de Versailles ?<br /> En l'absence de cadavre, difficile de trancher. Il y avait déjà la guerre potentielle entre brigade mobile de Rennes et Sûreté générale. On n'allait pas y ajouter un conflit de juridictions.<br /> Donc Brest, dans le ressort duquel se trouve Landerneau, était logique.<br /> Mais l'hypothèse d'une "habile manoeuvre judiciaire pour que Seznec soit jugé à Morlaix, lieu de son habitation où il était plutôt mal vu" n'est pas complètement satisfaisante non plus. En effet, l'affaire allait être instruite à Morlaix, mais, de toutes façons, jugée à Quimper, avec des jurés tirés au sort sur les listes électorales de tout le département. Aux Assises, les parties, pour exercer leur droit de récusation, disposent des éléments suivants ; nom, âge, profession, domicile Lorsque j'ai eu l'honneur, ou le malheur, d'être juré, j'ai vu une personne être récusée par la défense au motif qu'elle vivait trop près des lieux du crime.<br /> <br /> Alain<br /> <br /> PS : sur le piratage, c'était un peu gros. D'abord, nous ne nous tutoyons pas, et, ensuite, la question "où es-tu en ce moment", je l'ai lue une bonne dizaine de fois dans des cas similaires. Je n'en ai moi-même jamais été victime, mais plusieurs de mes ami-es.
Répondre
L
Cher Alain...<br /> Merci de votre commentaire.<br /> Je ne crois pas à un complot contre Seznec et vous le savez.<br /> Mais c'est important de mieux connaître les différents acteurs de notre pièce de théâtre.<br /> P.S. J'en suis au 6ème Giacometti Ravenne...<br /> Je suis "addicted" !!!<br /> Merci encore de m'avoir conseillé ces auteurs.