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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Affaire Seznec : 15 juin 1923 : Entrée en scène d'André de Jaegher

"Au moindre coup de Trafalgar
C'est l'amitié qui prenait l'quart
C'est elle qui leur montrait le nord
Leur montrait le nord
Et quand ils étaient en détresse
Qu'leurs bras lancaient des S.O.S.
On aurait dit les sémaphores
Les copains d'abord."
Georges Brassens

Le 15 juin 1923...

à 17 heures...

André de Jaegher raconte qu'il était chez Seznec pour leur affaire commune de diffamation contre Me Croissant.

La Dépêche de Brest du 12 octobre 1923.

En juin 1923...

Les affaires de André de Jaegher, 48 ans, ne vont pas fort...

Vraiment pas fort.

Mais il tape l'incruste chez son pote Guillaume.

On le voit à Traon ar Velin, le 4 juin, quand Jenny Quémeneur vient prendre des nouvelles de son frère...

Oui,de Jaegher il glande...

Mais on s'aperçoit très vite que c'est un glandeur très protégé...

in Bernez Rouz en page 133 :

"Les deux hommes sont en procès en 1922 pour une somme conséquente. Le dossier d'instruction garde trace d'une reconnaissance de dettes de 24 000 francs datée du 27 janvier 1921, d'un courrier du 28 janvier 1922 où Quéméneur se plaint d'être obligé de règler ses comptes avec Querné, qui exploite les bois de Traou Nez, alors que de Jaegher est absent. Le 24 mai 1922, il porte plainte pour abus de confiance auprès du procureur de la République de Morlaix pour un impayé de 72.302 francs. Cette plainte fera l'objet d'un non lieu en juillet, à cause de la liquidation judiciaire qui affecte les biens du courtier maritime. Quéméneur dans une lettre du 30 mars 1923, précise "j'ai subi une perte de 64.862 francs à cause de la faillite de Jaegher".
 
"Le compte rendu de la chambre des mises en accusation comporte cette affirmation "Il n'avait pas d'ennemis". Ce litige avec de Jaegher pouvait faire penser que Quéméneur n'avait pas que des amis. Ceci se savait sur la place de Morlaix et ce courtier mauvais payeur est désigné sans être cité dans L'Ouest-Eclair dès le 28 juin 1923. "M. Quéméneur qui brassait des affaires importantes, n'était pas toujours payé régulièrement. Un de ses courtiers qui faisait le trafic des poteaux de mines se montrait assez souvent récalcitrant et des traites de 10 000 et de 15 000 francs restaient longtemps impayées". La justice s'occupe de ce point particulièrement délicat, conclut le journaliste. Pourtant aucune enquête ne permet d'en savoir plus sur les affaires que brasse de Jaegher."
 
Dans Ouest-Eclair du jeudi 28 juin 1923 en page 2 :
 
"Un payeur récalcitrant
 
M. Quémeneur qui brassait des affaires importantes, n'était pas toujours payé régulièrement. Un de ses courtiers qui faisait le trafic des poteaux de mines se montrait assez souvent récalcitrant et des traites de dix mille et quinze mille francs restaient longtemps impayées.
Le nom de ce débiteur ? N'en disons pas plus long. On comprendra que dans ce drame (le mot, hélas ! n'est pas trop fort) nous soyons plutôt réservé. Quoiqu'il en soit, la justice s'occupe de ce point particulièrement délicat."
 
La justice s'en occupe tellement...
 
Que les policiers vont veiller à bien embarquer le dossier de Jaegher dans leur perquisition chez Pierre Quémeneur, à Ker Abri Landerneau le vendredi 29 juin.
 
Pas vu pas pris !
 
J'ai longtemps pensé que le gars de Jaegher faisait partie des R.G. (Renseignements Généraux).
 
Mais avec cette histoire de cadavre à emporter loin de Morlaix...
 
Cela signifierait que de Jaegher joue sur les deux tableaux : celui de l'amitié et celui de la police.
 
Vous vous souvenez bien que l'avocat du gars André en 1917, lors de l'affaire des charbons, n'était rien moins que Pierre Laval...
 

R.M. André de Jaegher

Depuis février/mars 1923 Laval est maire d'Aubervilliers.
 
Il a déjà le bras long en politique.
 
Lire le livre de Fred Kupferman :
 
 

in Herodote :

"Avocat après des études d'autodidacte, Pierre Laval brille néanmoins dans les rangs de l'extrême-gauche révolutionnaire avant d'être élu en 1914 député socialiste d'Aubervilliers. Proche des humbles et habile manoeuvrier, il devient maire de cette cité ouvrière des environs de Paris et le restera presque sans discontinuer jusqu'à sa chute.

Réformé pendant la Grande Guerre, il ne cesse de militer en faveur d'une paix de compromis. Après le conflit, il quitte la SFIO (le parti socialiste de l'époque) et se fait réélire sous l'étiquette de socialiste indépendant en 1924, lors des élections qui voient la victoire du Cartel des Gauches.

Et puis...

La mère d'André, Laure Marie Elisabeth Le Febvre, a un neveu, Charles Le Febvre, fils de son frère Ferdinand, qui a été maire de Morlaix de 1908 à 1912.

Il est avocat et socialiste.

Son demi-frère, Yves Le Febvre et avocat, homme politique et écrivain.

Peut-on penser que c'est, par leur intermédiaire, que André a pu prendre Pierre Laval comme avocat ?

La famille de Jaegher est très connue à Morlaix.

Son père, Eugène de Jaegherfréquentait la Haute...

Eugène, en plus d'être président du Cercle Radical, était membre correspondant pour Morlaix de l'Union des Yachts Français dont le président était Félix Faure et le vice-président le baron de Rotschild (in page 149 de "Union des Yachts Français", années 1896 à 1899).

Est-ce à la suite du naufrage du navire "La Juliette" (décembre 1897), dont il était armateur, qu'Eugène fait faillite en 1901?

(cf Vente aux enchères publiques sur la Dépêche de Brest du 16 janvier 1901).

Eugène de Jaegher meurt le 5 avril 1901.

En 1913, André est quand même élu conseiller municipal (avec la liste socialiste) au deuxième tour avec 1.117 voix sur 2.036 votants.

Et puis,c'est Théodore Picard qui est procureur de la République,en novembre 1916, lors de l'affaire des charbons...

Ils ont été voisins quai de Léon.

Toute les membres de cette petite bourgeoisie de province grenouillent entre eux.

Il y a deux pouvoirs incontournables à Morlaix en cette  belle année 1923 :

1. La religion catholique.

Les Seznec sont de purs et vrais calotins.

Lire : Guillaume Seznec était-il vraiment catholique ?

2. La franc-maçonnerie.

 La Franc-Maçonnerie dans la maison poulaga

"À la Place Beauvau, Bauer sera pour son ami (Manuel Valls) un discret et efficace ouvreur de portes. Il faut dire qu'il dispose à son trousseau de la clef trois points, véritable passe-partout dans ce ministère. Les policiers sont attirés par les lumières des temples francs-maçons telles les lucioles par les lanternes. De tous les ministères, c'est la Place Beauvau qui compte le plus de « frères ». À tous les étages, dans tous les bureaux, et d'autant plus qu'on grimpe dans la hiérarchie. Près de 10  % des commissaires seraient maçons."

"La maison poulaga ressemble à l'Inde avec ses castes. On est de la PP ou du ministère, du 36 ou de la DSPAP, de la DGSI ou de la DRPP, en même temps, on appartient au clan des gardiens de la paix, des officiers, des commissaires, des contrôleurs et inspecteurs généraux, des directeurs ou des préfets, sans oublier l'étiquette « de droite » ou « de gauche ». Dans ce monde hyper-cloisonné où l'information, c'est le pouvoir, la franc-maçonnerie permet de faire circuler l'info. Et plus encore lorsqu'on est membre d'une « fraternelle », ces associations loi 1901 qui regroupent par profession des francs-maçons de toutes les obédiences. À la Place Beauvau, c'est le club La Reynie – du nom du premier « préfet » de police de Paris sous Louis XIV – qui se voit reprocher de tirer les ficelles.

(...) Favier est à peine intronisé directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) que frappe à sa porte un étrange émissaire. Le président d'honneur de la fraternelle de la gendarmerie ! C'est une tradition : chaque fois qu'un nouveau patron est nommé, le représentant des pandores francs-maçons vient se présenter à lui, et délivrer quelques messages. « Parce qu'il n'est pas franc-maçon, Favier a été considéré comme un obstacle dès le début, raconte une éminence de la fraternelle. On lui a envoyé un général cinq étoiles pour lui dire en substance : “Tu ne nous fais pas la guerre, on ne te fait pas la guerre.” Ça n'a pas marché, alors on a arrêté la danse des sept voiles pour essayer de le “réduire”, comme on dit en franc-maçonnerie. En clair “réduire” sa capacité de nuisance supposée en lui bridant ses moyens d'actions Même échec. On a alors pensé : “On va le contourner.” Peine perdue. Comme c'était impossible de faire sans lui, en fraternelle, on s'est donc mis d'accord : même s'il n'est pas “franc-maçon friendly”, on va aider le DGGN à influencer la Place Beauvau. Notre objectif était simple : que la franc-maçonnerie participe coûte que coûte aux prochaines réformes. Et aide la gendarmerie face à la police. »

Le poids des frères dans la gendarmerie est plus discret que dans la police, mais tout aussi important. Chez les flics, être passé sous le bandeau facilite mutations et promotions. Chez les pandores, la fraternelle, qui regroupe un bon millier de membres parmi lesquels beaucoup d'officiers supérieurs et une pluie d'étoiles, défend d'abord l'institution."

in Bienvenue Place Beauvau.

 

André de Jaegher il a vraiment le profil idéal à la fois du franc-maçon, et de la balance des R.G.

Balancer pour survivre...

A la mode des Ripoux.

Ce qui lui permet de survivre à sa faillite frauduleuse.

C'est arrivé ici avec l'un de mes petits cousins éloignés, Jean-Paul, menuisier, compagnon, puis franc-maçon qui a fait une mauvaise faillite.

La loge a fait le nécessaire pour que lui et sa famille soient reçus dignement au Canada.

Il a pu recommencer sa vie professionnelle là-bas.

Sans laisser de traces ici.

Oui, vous lisez bien : une mauvaise faillite.

Ceux qui appartenaient aux R.G. le faisaient pour deux raisons :

- le fric, rémunérant les renseignements,

- le patriotisme qui les poussait à défendre la nation française.

"Lorsque l'information directe n'est pas possible, il faut faire appel à d'autres techniques.

La plus classique est le recrutement d'informateurs ou d'honorables correspondants. Le rôle des uns et des autres est le même, mais alors que les premiers sont rémunérés les autres ne le sont pas.

Les informateurs et les correspondants

Les informateurs se recrutent dans les milieux à surveiller - ils sont les meilleurs, car mieux informés- ou dans les milieux hostiles : leur emploi est alors plus délicat car il faut tenir compte de la déformation qui peut résulter de leur attitude d'opposants.

La rémunération en argent n'est pas la seule possible : des services peuvent leur être rendus en contrepartie de leur concours : obtention plus facile d'une carte de séjour pour un étranger, classement du procès-verbal d'une infraction au code de la route..."

in Mémoires d'un directeur des renseignements généraux de Jean-Emile Vié.

"Les dossiers des Renseignements généraux sont archivés dans une douzaine de lieux différents.

(...) Autre coffre aux trésors, celui du directeur central des RG lui-même. On entre au 11, rue des Saussaies, on va au fond de la cour à gauche, on franchit une volée de marches jusqu'à l'ascenseur et on monte au 4e. Il suffit alors de s'engager dans le couloir qui fait face et de passer la deuxième porte calfeutrée à gauche, en face des toilettes privées du patron. Le coffre bleu d'environ 150 x 100 cm, aux angles arrondis, trône dans le coin gauche de la pièce, entrouvert pour la journée. Y reposent les dossiers dit "Confido", les plus chauds du moment, sur les grands de ce monde et les terroristes. Dans le bureau des secrétaires, des armoires métalliques classiques ("armoires confido")abritent aussi d'autres documents sensibles."

in "Leurs dossiers RG" de Julien Caumer.

Et oui, il a été malin André...

Il a su donner l'impression à Seznec qu'il lui était indispensable...

Mais, si c'est vraiment lui "le marchand de charbon" évoqué par Jean-Yves Seznec, pour avoir aidé Guillaume à transporter le corps...

Il a su se taire sur l'essentiel.

Liliane Langellier

P.S. Oui, je sais, il y a aussi Alphonse Querné.

Qui bossait justement chez de Jaegher...

Lire : Alphonse Kerné, l'âme damnée de l'affaire Seznec.

P.S. 2 Les dernières giries de Langlois in Ouest-France du 15 juin.

Alors, soit Quémeneur il est enterré dans le cellier de Morlaix,

soit il est brûlé dans la chaudière...

Mais pas les deux !

Les cendres de la chaudière avaient déjà été analysées en 1923.

Ce sont des cendres de bois puisque la chaudière de Seznec fonctionnait au bois.

Les scories trouvées lors des fouilles de février dernier viennent certainement de restes de combustion des poêles Godin de la famille Seznec.

C'est triste de nuire ainsi à l'affaire Seznec et à d'éventuelles demandes de révision des petits-fils Seznec...

Tiens, by the way, ce n'est pas l'arrière-petit-fils qui a demandé cette analyse #JDCJDR

Affaire Seznec. Une analyse de cendres demandée au procureur

Lors du second chantier de fouilles dans la maison des Seznec, à Morlaix (Finistère), des bénévoles avaient découvert des cendres et scories. L’ancien avocat de la famille, Denis Langlois, demande une analyse judiciaire de ces éléments.

Denis Langlois, ancien avocat de la famille Seznec, indique avoir demandé au procureur de la République de Brest de bien vouloir faire procéder à l’analyse officielle des cendres et scories qui ont été découvertes, le 3 mars dernier, par une équipe de chercheurs bénévoles, dans l’ancienne propriété des Seznec à Morlaix (Finistère). Cela afin « d’explorer jusqu’au bout cette dernière piste ».

« Ces cendres et scories ont été photographiées et répertoriées minutieusement par les chercheurs, mais ceux-ci n’ont pas la possibilité de les faire analyser avec toutes les garanties souhaitables », précise l’ancien avocat.

Brûlé dans la chaudière ?

« Selon le témoignage de Petit-Guillaume, l’un des fils de Guillaume Seznec, Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, aurait été tué involontairement en mai 1923 par Marie-Jeanne Seznec, l’épouse de Seznec, qui repoussait ses avances, rappelle Denis Langlois. Le corps aurait été dissimulé sur place et Petit-Guillaume a indiqué l’endroit où, d’après lui, ses parents ont « mis » le cadavre de Quémeneur : « une sorte de cellier » en dehors de la maison. »

Pour vérifier cette théorie, une équipe de bénévoles passionnés par l’affaire avait débuté un chantier de fouilles fin février, stoppé avec la découverte de deux os, finalement d’origine animale.

 

Lors de la reprise du chantier, ils avaient creusé plus profondément et découvert « cette couche insolite de cendres et de scories », souligne Denis Langlois, qui s’interroge : « Seznec aurait-il brûlé le corps de Quémeneur dans la chaudière de sa scierie, comme des voisins l’en avaient accusé en 1923 ? »

........................

 

In Cyrano, 26 octobre 1924, page 17.

Morlaix. Le port.

Morlaix. Le port.

Perquisition de Ker Abri. Le dossier de Jaegher.

Perquisition de Ker Abri. Le dossier de Jaegher.

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