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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

L'Affaire Seznec et la famine en Russie 1920-1922.

Laissons Paris et ses Russes blancs...

Pour aller voir d'un peu plus près au bord de la Volga.

Où sévit une famine meurtrière qui causera la mort de plusieurs millions de personnes.

Les Etats-Unis vont aider la Russie.

Via l'A.R.A. American Relief Administration 

 

Contexte de la famine à travers quelques images d’archives de la BDIC

De l'été 1920 à la récolte de 1922, le jeune État bolchévique est confronté à une famine de masse. Précédée par des disettes locales, elle […] 
prolonge la Première Guerre mondiale et la Révolution durant des années qui laisseront sans doute autant de traces dans le pays que ces deux autres événements. (in : Adamets, Sergueï, Guerre civile et famine en Russie […], 2003, p. V).

Ne serait-ce que par la place prise par certains éléments déclencheurs que l'on retrouve par la suite, ce désastre alimentaire s'apparente à une “répétition générale” de la grande famine – souvent évoquée par le terme ukrainien de holodomor (extermination par la faim) – qui frappe l’Ukraine et le Kouban entre 1931 et 1933. Une dizaine d'années sont passées et voici que ressurgit à l’identique, sous le régime de Joseph Staline, la volonté de mettre définitivement au pas la paysannerie.
 

Cependant, malgré la présence à la BDIC d’une riche documentation sur la catastrophe des années 1930 ainsi que sur le contexte économico-politique la précédant – situation de l’agriculture, fin de la NEP, collectivisation –,  nous avons choisi de n'évoquer que la famine de 1920-1922. Les sources primaires de cette époque conservées à la BDIC sont déjà d’une ampleur insoupçonnée. En outre, elles renferment un ensemble spécifique qui, relatif à l’aide internationale aux affamés russes, permet de découvrir le fonctionnement des organisations impliquées, leurs méthodes de communication et de collecte humanitaires et leur engagement dans les régions sinistrées de la Russie.
 
Géographie de la famine, causes

D’ampleur nationale, la catastrophe alimentaire touche principalement trois régions de la Russie :

•    le bassin de la Volga
•    le Nord Caucase
•    la partie est de l'Ukraine, pourtant connue comme « le grenier à blé » de l’Europe.

 

Les causes cumulées de la famine sont d'origines multiples : climatiques, économiques et politiques:

•    L'agriculture russe reste archaïque : ses difficultés chroniques sont héritées de l'ancien régime. Le monde rural prédomine et la paysannerie, illettrée, est équipée de matériels rudimentaires.

•    Le conflit de 1914-1918 entraîne une baisse de production dans le secteur civil de l'économie (produits alimentaires) car les usines, reconverties, sont dirigées vers l'effort militaire.

•    Outre la désorganisation des transports, la guerre civile (1917-1921) aggrave la crise agricole, précipitant la baisse des rendements et du cheptel. Pour se nourrir, les armées combattantes – rouges ou blanches  – se servent chez les paysans qui, naturellement, hésitent à produire plus.

 

•    Le « communisme de guerre » provoque, à l'échelon local, des déficits de production et de réserves. Introduite après la révolution de 1917 et maintenue jusqu'en mars 1921, cette politique confère à l'État un monopole sur les céréales et instaure la réquisition des produits agricoles à des tarifs fixes dérisoires.

Ce régime centralisateur se durcit à partir du printemps 1918. La faim s'est emparée des villes dès les lendemains d'Octobre. Or, pour les bolchéviques, le ravitaillement de la population urbaine – base de la Révolution – et de l'armée est prioritaire. Les koulaks – catégorie de paysans définis comme « riches » et susceptibles de détenir des excédents – sont particulièrement visés par les armées alimentaires du Narkomprod, le Commissariat du peuple à l'approvisionnement.


•   Enfin, la sécheresse de l'été 1920 marque le début de la famine meurtrière qui causera la mort de plusieurs millions de personnes : dans la zone des terres noires et de la moyenne Volga, les récoltes sont très faibles. Quant à l'été 1921, il sera pire encore.

« Qui moissonnera le blé ? ». Les koulaks et les propriétaires terriens ?
Le pouvoir demande aux ouvriers de soutenir la paysannerie pauvre grâce à la création
de détachements d'aide à la moisson et au rachet d'une partie des céréales,
redistribuée ensuite aux populations démunies. [1918]. Coll. BDIC 

Les autorités russes face à la crise 

Entre 1921 et 1922, le gouvernement soviétique imagine une variété de moyens de lutte contre le Tsar Golod (Sa Majesté la Faim).

Avec l'entrée en vigueur de la NEP (Nouvelle économie politique) en mars 1921 – l'objectif étant de restaurer « l'alliance », passablement ébranlée, entre la paysannerie et le pouvoir –, il est mis fin à la réquisition des produits agricoles.

D'autres mesures, plus ou moins pérennes, sont décrétées : collectes de dons volontaires, taxation frappant les non-actifs et les lieux de divertissement, jumelages entre gouvernements sinistrés et épargnés, confiscation des biens de l'Église, programmes de ravitaillement (excluant les paysans)... Ces stratégies ne portent pas les fruits escomptés.
Dépassés par l'ampleur de la crise, le gouvernement dirigé par Lénine se résout à faire appel à l'aide internationale.



L'aide internationale et les secours aux affamés 

En juillet 1921, le gouvernement soviétique permet la création du Comité civil pan-russe d’aide aux affamés, réunissant autour de Gorki des personnalités du monde intellectuel et des figures connues à l’étranger.

Son existence est fugace –  dissous en août, il est remplacé par la commission centrale Pomgol (Aide aux affamés) –, mais utile au pouvoir. Relayé auprès de la Société des Nations, son appel, « A tous les gens honorables »,  provoque une intense émotion à l’international et déclenche une mobilisation intensive des organisations d'aide aux affamés.


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Le 25 juillet 1921,
Maxime Gorki adresse un appel aux Français via L'Humanité du 14 août 1921 :« Citoyens
français ! Une famine sans précédent sévit en Russie. Votre aide est nécessaire au peuple russe.
[…] ». Coll. BDIC

Le 20 août 1921, la première organisation d’aide à signer un accord avec la Fédération de Russie est l'American Relief Association.

Un accord similaire est signé, peu de temps après, avec Fridtjof Nansen. Le Norvégien représente les organisations bénévoles européennes et son Comité chapeaute la plupart des Croix-Rouges nationales.

Dès le mois de septembre 1921, les opérations internationales d'aide à destination de la Russie se succèdent : acheminement de produits céréaliers, de vêtements, de médicaments, d'équipements ; création sur place de cantines pour les enfants, de dispensaires pour les victimes des épidémies... 
Elles se prolongent jusqu'au mois de juillet 1923.


 

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À l’extrême gauche, devant : Fridtjof Nansen (1861-1930), Haut commissaire pour les réfugiés pour la Société des nations,. Photographie-carte postale éditée par le Comité français de secours aux enfants [vers 1921-1922]. Coll. BDIC


 

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Dossier documentaire sur ses activités et ses liens institutionnels rassemblé par le Comité français de secours aux enfants. [fin 1921-1922]. Coll. BDIC (Fonds Gabrielle Duchêne)



 

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Cartes à perforer : matériel de collecte de fonds diffusé par le Comité français de secours aux enfants. [non daté]. Coll. BDIC (Fonds Gabrielle Duchêne)



 

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Feuillet diffusé par la Société de secours aux régions éprouvées par la famine en Russie : une de ses sections a pour vocation de collecter des restes de pain dans les hôtels,restaurants, maisons privées. Ces “croûtes” sont transformées en biscottes par les Quakers afin d’alimenter leurs cantines pour enfants en Russie. [non daté]Coll. BDIC (Fonds Gabrielle Duchêne)


 

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Lettre signée par Anna Serguievna Milioukova, membre du bureau du Comité russe en France de secours [...]. Sous le régime impérial, Pavel Nikolaievitch Milioukov, son mari, est un des chefs du Parti constitutionnel démocratique. Dans le Gouvernement provisoire issu de 1917, il sera ministre des affaires étrangères [1923]. Coll. BDIC (Fonds Famine en URSS)

Un rapport avec notre affaire Seznec ?

Mais oui...

Dans la thèse du complot international de Denis Seznec...

En page 232 :

"La misère est totale. (…) Ce qui manque le plus, c'est une infrastructure et des moyens de transport. On importe donc non seulement des machines-outils et des produits fabriqués, mais des automobiles et des camions, ces véhicules étant destinés également à équiper les armées face aux derniers soubresauts des forces contre-révolutionnaires ou autonomistes. C'est l'époque où, sous l'impulsion de Léon Trotsky, le gouvernement des Soviets se constitue une solide armée, la fameuse Armée rouge.

Des véhicules, la France en a des centaines de milliers à vendre : ceux des fameux stocks américains, dont la  gestion est directement placée sous la haute responsabilité de l'Etat, en particulier celle du ministre des Finances, Klotz, et de son "sous-secrétaire d'Etat à la liquidation des stocks de guerre restés sans emploi", Yves Le Trocquer. Seulement voilà, le commerce avec les "Rouges" est interdit, d'autant que l'Union soviétique n'a pas été reconnue de jure. Le gouvernement français ne peut se permettre d'enfreindre ses propres directives… officiellement tout au moins.

Il se produit comme une sorte d'appel d'air. D'un côté l'or laissé par les tsars et de l'autre ce matériel qui fait si cruellement défaut. On peut imaginer qu'un certain nombre de personnes, hommes politiques, marchands, grands et petits intermédiaires, s'y engouffrent. Cet argent que les Russes sont prêtes à donner contre des armes et des véhicules, c'est vraiment trop tentant ! Alors un trafic s'organise, avec la complicité probable des autorités supérieures et peut-être même sous leur direction.

(…)

Ces trafics sont bien évidemment surveillés par la Sûreté qui compte des indicateurs parmi ces fournisseurs à tout faire. Exemple, à l'Agence commerciale des Soviets, rue Bassano (dont le concierge est un inspecteur de police judiciaire chargé d'en surveiller les allées et venues), quantité de négociations sont entreprises en réalité sous le contrôle de la Secrète. Il s'agit pour elle de pénétrer le milieu adverse.

Tandis que le commerce international considère les Soviets avec défiance et boycotte toutes ces tractations, à Paris des activistes, des provocateurs, des fricoteurs et leur cortège d'escrocs de tout poil trafiquent allégrement, une certaine impunité les couvrant."

On est en plein Tintin au pays des Soviets...

Non, non, rassurez-vous...

Moi je n'y crois pas à ce complot.

Mais, on me dit dans l'oreillette gauche que du côté de Saint-Eloy….

Le complot international a encore fait un émule.

 

Liliane Langellier

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