14 Juin 2024
L'homme est de glace aux vérités ; il est de feu pour les mensonges.
Jean de La Fontaine (Le statuaire et la statue de Jupiter)
Si je reprends les affirmations des petits-fils Seznec (Jean-Yves et Gabriel)...
Tout ce que Guillaume Seznec a fait, ou a dit, après cette foutue journée du dimanche 27 mai 1923, était une manipulation pour égarer témoins et policiers.
Mais, hélas, tout ce qu'il a imaginé au départ, lui a totalement nui par la suite...
Pourquoi Le Havre ?
Tout simplement pour faire croire à une fuite de Pierre Quémeneur pour l'Amérique...
Il se serait embarqué au Havre.
Première tentative de preuve : le télégramme envoyé à la famille Pouliquen/Quémeneur.
Ce 13 juin-là, Guillaume Seznec n'est allé au Havre que pour le télégramme.
Oui, je sais, ça en défrise certains qui préfèrent compliquer l'affaire à outrance et discuter des heures sur des points de détail.
Ou hurler au complot de la justice, de la police et des illuminati...
Oui, au complot national et international...
Mettez-vous juste en tête ce qu'a dit Jean-Yves Seznec à l'émission de France 2 :
"L'affaire Seznec, c'est une affaire toute simple qui a été compliquée à outrance !"
.................
Oui mais alors pourquoi Plouaret ?
Alors qu'il avait dit aller à Tréguier pour transporter des pommes de terre ?
"Le 12, André de Jaegher passe à Traon-Ar-Velin : "Je suis allé chez lui pour le trouver un après-midi vers 15 heures. On n'avait d'abord pas pu le trouver, on ne savait où il était. Ce n'est que vers 17 heures qu'il a paru, j'ai remarqué qu'il avait tout un côté de ses vêtements pleins de sciure, sa femme lui a fait la réflexion ! "Tiens, voilà Guillaume qui vient de dormir dans un coin ! " Seznec n'a rien répondu mais j'ai remarqué qu'il avait l'attitude de quelqu'un qui vient de se réveiller... Seznec m'a dit : "Je vais foutre le camp de suite à Tréguier, pour tâcher d'y placer mon camion pour transporter des pommes de terre où Charles Pauvy fait au moins cinq cents francs par jour. Je vais me changer et je pars tout de suite."
in Rouz en page 70.
Pour plus de clarté, j'ai repris ce que m'avait écrit, en janvier dernier, Alain Jacob, petit-fils de Madame Gabrielle Jacob et neveu des témoins Anna et Léon Jacob :
"Seznec à Plouaret
Rappel des faits rapportés par mon oncle Léon Jacob et les autres témoins de Plouaret interrogés par Frédéric Pottecher pour la télévision sur place à Plouaret en 1971 (document disponible à l’INA). J’ai aussi entendu plusieurs fois ce récit de la bouche de mon oncle. Je m’en suis entretenu avec Bernez Rouz.
Le 12 juin 1923 Guillaume Seznec s’est présenté en automobile à la ferme de ma grand-mère, Gabrielle Barbier, veuve Jacob, à Lann Vihan annonçant qu’elle était en panne. Mon oncle lui a dit qu’il y avait un mécanicien au bourg en bas de la côte. Il suffisait de descendre en roue libre. Seznec a préféré la laisser sur place. Mon oncle l’a alors aidé en la poussant dans le chemin vers un verger où elle est restée garée. Guillaume Seznec s’est dirigé vers la gare de l’autre côté du bourg. LannVihan se trouve sur la route venant de Plounerin à environ 2 KMS de l’entrée du bourg.
Au bourg Seznec a dîné à l’hôtel restaurant « des voyageurs » face à la gare, je crois. Là il a demandé à la serveuse de poster un télégramme pour lui le lendemain, en insistant « sans faute demain ». A noter qu’il avait un formulaire sur lui. Il a pris le train de nuit pour Paris.
Le 14 au matin, mon oncle l’a vu revenir de la direction du bourg quelque temps après le passage du train venant de Paris. Il se trouvait dans un champ en bordure de la grand route avant l’entrée du chemin conduisant à la ferme. A cette époque et même pendant quelques décennies les horaires des passages des trains étaient bien connus de la population pour qui ils servaient de repère dans leur journée. Seznec portait un paquet sur l’épaule qu’il n’avait plus en arrivant à la ferme. Mon oncle pensait qu’il l’avait déposé sur le talus pour le reprendre en partant. Seznec a démarré la voiture sans difficulté, sans même ouvrir le capot et a pris la direction de Plounérin pour rejoindre la nationale 12 en direction de Morlaix.
Commentaires et questions :
Tout comme le procureur de Quimper au début des années 2000, Bruno Gesterman, je pense que l’épisode de Plouaret est primordial.
Toute cette démarche est conforme à la manière de faire générale de Seznec qui tout au long de l’enquête, de l’instruction, puis du procès a varié constamment dans ses explications chaque fois qu’il était placé face à des contradictions. Lorsqu’à court d’argument il ne trouvait rien à répondre il dénonçait l’erreur du témoin. Il a même essayé par l’intermédiaire de sa femme de demander des faux témoignages pour aider à sa défense lorsqu’il était en prison à Morlaix. Seznec était un individu retors, au mauvais caractère, peu apprécié de son voisinage et avait eu dans le passé des agissements douteux du fait de l’incendie de son atelier de réparation de cycle à Plomodiern, puis de sa blanchisserie à Brest pour lequel les assurances avaient refusé de payer. Ce qui fait que le commissaire Vidal, alerté de la disparition de Quéméneur a aussitôt réagi en apprenant que Seznec était en sa compagnie peu avant.
La personnalité de l’accusé doit être prise en compte ainsi que son passé trouble de commerçant changeant d’activité fréquemment qui ne donnent pas de lui une image favorable."
Ce que j'en pense...
1/ Seznec raconte qu'il file acheter des pommes de terre à Tréguier...
Mais la route Morlaix / Treguier ne passe pas par Plouaret.
On lit dans l'acte d'accusation :
"Par contre, on sait que Seznec s’y trouvait ce jour-là. Parti de Morlaix en automobile le 12 juin vers 19 heures, sous le faux prétexte de se rendre à Tréguier où nulle affaire ne l’appelait, il abandonne sa voiture, sans motif, dans un verger appartenant à la veuve Jacob, à Lan-Vian, près de Plouaret, prend à la station de ce bourg le rapide 502 qui y passe à 21 h 57 et se trouve le lendemain dans l’expresse 171, de Paris au Havre, qui passe à la gare de Rouen."
2/ Pour brouiller les pistes, il va dire "Saint-Brieuc" et non "Le Havre".
Parce que le Brest-Paris passe par Saint Brieuc.
Le rapide 502
On sait d'autant plus que Seznec est à Plouaret qu'il donne un télégramme (dont il avait, comme par hasard un formulaire dans la poche) à Mlle Nicolas à l'Hôtel des Voyageurs, face à la gare, pour qu'elle l'envoie dès le lendemain matin sans faute à sa femme.
Il n'y avait sans doute pas le téléphone à l'hôtel de voyageurs de Plouaret ?
3/ Pour faire simple...
Guillaume Seznec sait que Pierre Quémeneur est mort et bien mort.
Ce foutu dimanche 27 mai à Morlaix.
Il veut gagner du temps et rassurer la famille Quéméner/Pouliquen.
Les éloigner au maximum de Morlaix.
Et leur faire croire que Pierre s'est embarqué pour l'Amérique.
"Où est Pierre ? demande Jenny (le 4 juin)
- A Paris ou en Amérique, répond Seznec, mais ne vous inquiétez pas il gagne de l'argent..."
C'est sa ligne de défense...
Et il n'en sortira pas !
D'où le voyage au Havre et le texte du faux télégramme.
"Ne rentrerai Landerneau que dans quelques jours, tout va pour le mieux. Quémeneur."
Il a ainsi tenté de gagner quelques jours...
Jusqu'au 20 juin et la découverte de la valise.
Mais pourquoi avoir planqué sa voiture à Plouaret ?
Tout simplement parce que la gare de Plouaret desservait aussi Saint-Brieuc et Paris.
Et qu'il pouvait faire croire à un voyage à Saint-Brieuc alors qu'il allait au Havre via Paris.
C'était son plan.
Pas vraiment machiavélique, juste bordélique...
Pour se sortir d'une vraie galère.
Enfin...
Le 12 juin au soir,on est quand même certain qu'il était à Plouaret.
Et c'est déjà ça.
Liliane Langellier
P.S. Pour les médisants, qui me traitent de fleur bleue attardée...
Je leur suggère de lire ce que j'écrivais déjà le 27 janvier 2015 sur J.A.C.
Voilà ce que vient de me faire parvenir à l'instant même Alain Jacob, petit-fils de Madame Gabrielle Jacob et neveu des témoins Anna et Léon Jacob. Mail du 9 janvier 2018, 17 h 53 Bonjour mada...
Le témoignage du neveu de Léon Jacob.