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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

La Fabrique des innocents L’Affaire Mis & Thiennot, histoire d'une manipulation médiatique....

Les médias sont friands d'erreurs judiciaires, pour deux raisons : d'une part cela fait vendre, d'autre part cela permet aux journalistes de se prendre pour Robin des bois, le défenseur des opprimés ou mieux pour Zorro, le vengeur masqué.

Pour l'affaire Mis et Thiennot...

Alors que je lui demandais ce qu'il pensait d'une possible révision et si cela ouvrait des perspectives pour l'affaire Seznec..

Voilà ce que Michel Pierre m'a répondu :

« Pour Mis et Thiennot, j’espère que le livre de Gilles Antonowics et Isabelle Marin (La Fabrique des Innocents) aidera à refuser toute révision.

C’est vers ce livre qu’il faut orienter, je ne pourrais que le paraphraser. »

Critique Ouest-France livres du 7 juillet 2022 (Marc Buffard) :

Quand les médias s’emballent et fabriquent une erreur judiciaire. Un essai talentueux qui se lit comme un roman

Thème

Ceux qui n’ont plus le privilège d’être jeunes se souviennent sûrement de l'affaire Mis et Thiennot comme d’un incroyable battage médiatique à l'instar de l'affaire Seznec.

L'une comme l'autre ont occupé des décennies d'ondes radio, d'articles de journaux et d’émissions de télévision.

Il s'agissait, à force de requêtes en révision, réitérées et toutes rejetées, de rendre innocents ceux que la justice avait, à plusieurs reprises et par des juges et jurés différents - pas moins pour l’affaire Mis et Thiennot de 12 décisions définitives prononcées par 36 juges et jurés - consacrés comme coupables d'un meurtre, dans les deux cas.

Une septième requête en révision vient d'être déposée ( juin 2022 ) par les héritiers de Mis et Thiennot ( 9 pour Seznec).

Points forts

Le livre de Gilles Antonowicz et Isabelle Marin, comme d'habitude aussi facile à lire qu'un roman, nous montre à la fois pourquoi la justice ne s'est pas trompée en condamnant Raymond Mis et Gabriel Thiennot, comme l’avait fait Michel Pierre pour son Seznec, mais surtout comment la machine médiatique s'est emballée avec un parti communiste, tout puissant à l'époque, qui n'a cessé de souffler sur les braises.

Le 26 décembre 1946 le garde-chasse de la propriété de monsieur Lebaudy, riche industriel du sucre, est tué de deux coups de fusil. On retrouve son corps au bord d'un étang de la Brenne, paradis des oiseaux et autres gibiers.

Immédiatement les soupçons se portent sur une bande de chasseurs, braconniers, du village d'à côté avec lesquels le garde-chasse a souvent eu des démêlés et une altercation le jour même du meurtre.

On aboutit aux aveux de deux des chasseurs, Raymond Mis, 19 ans d’origine polonaise et Gabriel Thiennot, 20 ans, membre du parti communiste. Leur version est confirmée par tous les participants.

Alors que les interrogatoires par la gendarmerie locale ont lieu au sein même du village, quinze jours plus tard les meurtriers dénoncent leurs aveux, pourtant confirmés au juge d’instruction ; ils leur auraient été extorqués par des tortures policières dignes des romans de genre les plus imaginatifs.

A partir de là, la presse, communiste d'abord, régionale et ensuite nationale, incluant tous les supports médiatiques pendant des décennies construit pas à pas une nouvelle vérité, à l'encontre des décisions judiciaires, celle de l'innocence des coupables.

Ce qui prévaut, c’est la richesse de la famille Lebaudy dont la victime était le garde-chasse, face à la simplicité et la pauvreté des accusés forcément innocents…

Depuis le Voltaire de L'affaire Calas on sait que c'est beau de défendre un innocent contre la justice ( de préférence " de classe " ) et cela permet de passer à la postérité.

Mais autant dans ce beau modèle, la justice rendue apparaissait partiale et expéditive, autant, ici, tout conduit à penser que les aveux recueillis, largement confirmés par les témoins et les faits, étaient bien l'expression de la vérité sinon de remords.

Que de nombreux journalistes peu scrupuleux aient pu embrayer derrière cette cause où tout semblait pour eux bon à prendre est malheureusement habituel, mais que des hommes politiques, et non des moindres ( notamment les ministres Pierre Arpaillange et Michel Sapin ) aient pu épouser cette fausse belle cause, en allant même jusqu'à baptiser et inaugurer des places, des rues et des plaques commémoratives au nom des prétendus innocents torturés, est d'autant plus stupéfiant qu'ils sont les représentants de la République, elle-même garante du respect dû aux décisions de justice.

Voilà ce que dénonce cet ouvrage (ainsi qu’un autre paru peu de temps avant ) sans être lui relayé par quiconque, sauf au 15 juin 2022 par une excellente chronique du journal Le Monde.

Points faibles

Rien à reprocher à ce livre dont les auteurs ont le courage de ne pas vouloir être, faute d'un dossier le permettant, les Voltaire de L'affaire Calas des vingtième et vingt et unième siècles.

C'eût été tellement plus beau d'être avec les autres les défenseurs des innocents quitte, s'ils ne l'étaient pas, à les fabriquer !

En deux mots...

Les auteurs de ce livre décortiquent avec talent et conviction tant le dossier judiciaire de cette affaire retentissante que le dossier médiatique, pour montrer qu’il est plus intéressant de glorifier des faux innocents que des vrais coupables. 

Rappelons ici que d’autres livres évoquent ces affaires judiciaires : celui de Michel Pierre L’impossible innocence : Histoire de l’affaire Seznec (Tallandier, 2019) et celui de Jean-Louis Vincent Affaire Mis et Thiennot. La Contre-enquête (Vendémiaire, 2022) qui va dans le même sens que Gilles Antonowicz. Grâce à un examen très attentif des dossiers, les auteurs démontent la machine médiatique et ses ressorts et démontrent que, Seznec d’une part et Mis et Thiennot d’autre part, n’ont pas été victimes d’une erreur judiciaire.

Un extrait...

" Les cinéphiles n’auront pas de mal à se représenter le décor et les personnages…En cette période de Noël, le second suivant la Libération, le hameau des Loups tient à la fois de l’austérité de la ferme représentée par Georges Rouquier dans son documentaire Farrebique, prix de la critique internationale au festival de Cannes 1946, et de l’insouciance du film de Jacques Tati, Jour de fête, dont le tournage va commencer cinq mois plus tard, non loin de là, à Saint-Sévère-sur-Indre.

Quatrième de couverture

 

31 décembre 1946 : le corps d’un garde-chasse criblé de plombs est découvert gisant dans un étang de la Brenne. Trois cours d’assises condamnent pour ce meurtre deux braconniers, Raymond Mis et Gabriel Thiennot. Au soir du troisième verdict, rendu à Bordeaux en 1950, l’affaire semble close et Maurice Garçon, l’avocat de la partie civile, pense pouvoir archiver son dossier.

Trente ans plus tard, plusieurs livres fondés sur des approximations, des hypothèses fantaisistes et des ragots proclament urbi et orbi l’innocence des condamnés. Les médias s’en emparent. Présentant avec complaisance ces hypothèses et ces rumeurs comme l’expression de la vérité, leur jugement est sans appel : Mis et Thiennot ont été victimes d’une erreur judiciaire ! La justice est sommée de présenter ses excuses. Malgré les pressions, la Cour de révision des condamnations pénales sait préserver son indépendance : six requêtes en révision des procès, déposées entre 1983 et 2015, sont rejetées. Pour combien de temps ? Fort du soutien d’une opinion manipulée, une septième requête est annoncée.

Comment cela est-il possible ? Comment un « tribunal populaire » fondant ses certitudes sur une ignorance absolue d’un dossier peut-il ainsi prétendre effacer une vérité judiciaire née de débats loyaux et contradictoires ? À l’heure où la Justice déserte les prétoires pour être rendue sur internet et les « réseaux sociaux », l’affaire Mis et Thiennot incarne les dérives et les dangers qui la menacent.

Avocat honoraire, historien, Gilles Antonowicz poursuit avec Isabelle Marin dans cette enquête percutante un travail l’ayant déjà conduit à l’examen approfondi de grandes affaires judiciaires (La Faiblesse des hommes, histoire raisonnable de l’affaire d’Outreau, Max Milo, 2013, L’Affaire Halimi, Histoire d’une dérive, Nicolas Eybalin, 2014, Maurice Garçon, Les Procès historiques, Les Belles Lettres, 2019, Isorni, Les Procès historiques, Les Belles Lettres, 2021)

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