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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Affaire Seznec. Mercredi 27 juin 1923. Audition de Julien Legrand par le commissaire Jean-Baptiste Cunat à Landerneau.

Votre affaire me semble assez drôle, qu’on vienne chercher à Landerneau et à Morlaix deux marchands de bois pour faire des achats de camions. Mais il n’y a donc plus de connaisseurs à Paris  ?

AUDITION DE JULIEN LEGRAND
par le commissaire Cunat (extraits)

Quelques jours avant la Toussaint 1922, M. Seznec est venu me trouver pour me demander un prêt de 15.000 francs pour régler un procès qu’il avait perdu contre M. de Lescoët. Pour garantie de cette avance, M. Seznec m’a offert une voiture Cadillac, et si ce n’était pas suffisant, un camion auto en plus. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas lui donner satisfaction, mais je lui ai conseillé de s’adresser à M. Quéméneur.1


Dans le courant de l’hiver dernier sans pouvoir préciser la date, j’ai lu une annonce2 dans un journal (La Dépêche de Brest, je crois) par laquelle un monsieur était acheteur de voitures américaines ou camions quel qu’en soit l’état. Or M. Quéméneur m’avait fait part vers la même époque qu’il ne voulait pas garder la voiture Cadillac en question parce qu’elle dépensait trop d’essence et qu’en outre, il possédait une Panhard. En lui communiquant l’annonce je lui ai dit  : puisque vous voulez vous défaire de votre voiture, voici une occasion qui se présente. Les choses en sont restées là.3

J’ai été obligé de faire assigner Seznec au tribunal de commerce de Morlaix, en paiement d’une somme de 2.000 francs qu’il me devait. À la suite de cela, Mme Seznec est venue me trouver pour m’apitoyer sur la situation en me disant  : «  M. Le Grand, si vous voulez, nous possédons des aciers, si vous voulez les accepter, vous vous paierez dessus.  »4

 [Le 22 mai au matin, Seznec rend visite à Legrand pour une signature  :]
M. Quéméneur l’attendait devant chez moi avec son auto pour aller à Brest.
5

La propriété de "Kerstang" de Julien Legrand à Landerneau
 

Le 23 mai au soir, je crois, M. Quéméneur est venu chez moi vers les 8  h.  30 ou 8  h.  45. Il m’a mis au courant de son voyage à Paris en me disant ceci  : J’ai fait une affaire avec Seznec, je pars demain livrer ma Cadillac avec lui6 à Paris où je resterai quelque temps, car nous avons fait une affaire ensemble pour achat7 de camions ou voitures américaines. Comme Seznec ne veut pas faire d’écritures, c’est moi-même qui tiendrai la comptabilité et ferai la réception des voitures.
 Je lui ai dit  : Alors Seznec fera les achats dans la région  ?
 Il m’a répondu  : Il fera les achats dans la France entière
8.
J’ai continué  : Votre affaire me semble assez drôle, qu’on vienne chercher à Landerneau et
9 à Morlaix deux marchands de bois pour faire des achats de camion10. Mais il n’y a donc plus de connaisseurs à Paris  ? Mais si vous achetez par toute la France, il vous faudra énormément de capitaux.
 Il m’a répondu  : Je possède actuellement de l’argent liquide, de 80 à 100.000 francs, et Seznec de 40 à 50.000 francs.
 Comme Seznec m’avait appris jadis qu’il possédait des dollars-or, j’ai objecté à M. Quéméneur  : Seznec a donc vendu ses dollars  ? Seznec m’avait dit qu’il possédait 3.200 dollars depuis qu’il avait fait du blanchissement pour les Américains au cours de la guerre.
 Continuant la conversation, M. Quéméneur m’a encore dit  : Je pars demain à 5 heures du matin pour assister au conseil municipal de Saint-Sauveur, qui a lieu à 7 heures, j’ai quelques explications à donner au sujet des chemins, puis je partirai vers 8 heures car je dois être à Rennes pour déjeuner. Je repartirai avec Seznec pour Paris pour livrer ma Cadillac, qui est vendue.
 M. Quéméneur m’a dit encore que Seznec avait vendu ses dollars, mais il ne m’a pas dit à qui.
11


J’ai appris la disparition de M. Quéméneur le vendredi 15 juin courant par M. Gestin, garagiste, qui m’a fait la réflexion que c’était assez bizarre d’être parti à deux et de n’être revenu qu’un seul. M. Gestin a eu une conversation téléphonique avec Seznec, hors ma présence, il m’a dit que Seznec avait eu des réticences pour dire où était M. Quéméneur et que le matin même il12 avait reçu une lettre de sa sœur13 lui disant que Pierre était bien.14

___
1. Bernez Rouz, page 66. Le procès perdu par Seznec le 30 septembre 1922 contre le marquis de Lescoët portait sur la somme de 23.000 francs.
2. Source  : «  j’ai lu dans une annonce  ».
3. Bernez Rouz, page 59.
4. Cette déclaration de Julien Legrand fournie par Bernez Rouz, page 66, semble provenir du même procès-verbal d’audition.
5. Bernez Rouz, page 75.
6. Les mots «  avec lui  » sont absents chez Denis Seznec.
7. Denis Seznec  : «  l’achat  ».
8. Source  : «  dans toute la France entière  » (expression redondante).
9. Denis Seznec  : «  ou  ».
10. Denis Seznec  : «  camions  ».
11. Denis Seznec 2009, page 96. Une partie de ce passage est donnée par Bernez Rouz, page 81. Pour chaque variante, j’ai suivi Bernez Rouz et indiqué en note la version de Denis Seznec. J’ai retiré les tirets cadratins, placés différemment chez ces deux auteurs et fautifs dans les deux cas, bien qu’ils soient certainement présents dans le document original.
12. Guillaume Seznec.
13. Jenny Quéméner, la sœur de Pierre Quéméner.
14. Bernez Rouz, page 92.

 

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