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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Les derniers jours de Pierre Quémeneur. Jeudi 24 mai 1923. A Rennes...

4/ Jeudi 24 mai 1923
ÉVÉNEMENTS

 Pierre Quéméner prend le train de 8 heures 35 à Landerneau pour Rennes, où il a rendez-vous avec Guillaume Seznec à 14 heures 30 à l’Hôtel Parisien1.
 À Morlaix, Seznec vérifie soigneusement la Cadillac et part vers 10 heures 30, après avoir télégraphié à Quéméner à l’Hôtel Parisien pour l’aviser de son départ.
 Quéméner arrive à Rennes vers 12 heures 452. Il aurait déclaré à Seznec par téléphone après leur séparation du 22 mai qu’il avait des affaires personnelles à faire dans cette ville.3
 Dans la journée, Guillaume Le Griguer, agent immobilier de Paimpol en charge de la vente de Traou-Nez, écrit à Pierre Quéméner pour lui recommander de faire des concessions sur le prix demandé à Paul Uhl pour l’achat de cette propriété.4
 Vers 16 heures 30, Quéméner, inquiet de ne pas voir arriver Seznec, appelle la femme de celui-ci, Marie-Jeanne, qui lui dit qu’il doit avoir eu des pannes sur la route.
 Vers 18 heures 45, un homme ayant rendez-vous à l’Hôtel Parisien avec l’un de ses amis le trouve prenant l’apéritif avec Quéméner. Les trois hommes discutent.
 Vers 19 heures 30, Seznec les rejoint. Les quatre hommes prennent un verre ensemble. Seznec parle peu et après quelques minutes, Quéméner et Seznec quittent les deux inconnus pour conduire la Cadillac au garage de l’hôtel.
 Vers 21 heures, Quéméner envoie un télégramme à Jean Pouliquen pour lui indiquer l’adresse à laquelle il doit envoyer son chèque.
 Quéméner et Seznec passent ensuite une heure au café-concert La Source.
 Ils rentrent à l’hôtel et demandent au personnel de les réveiller à 5 heures du matin.

___
1. Le Grand Hôtel Parisien, place de la Gare à Rennes.
2. Arrivée à Rennes à 12 heures 46, départ à 12 heures 58, selon l’horaire prévu.
3. Note de Guillaume Seznec à l’intention de maître Marcel Kahn, septembre 1924. Denis Langlois, «  L’Affaire Seznec 1 (1923-1924)  »
4. Bernez Rouz, pages 41 et 42.

 

In Bernez Rouz."L'affaire Quéméneur Seznec - Enquête sur un mystère" Editions Apogée :

Le jeudi 24 mai à Rennes

Le jeudi 24 mai, Pierre Quéméneur n’assiste pas au conseil municipal de Saint-Sauveur qui se tient à 7 heures du matin. Il prend le train pour Rennes à 8 h 44, il explique à sa sœur Jenny que le but du voyage est de conclure une affaire d’automobiles que Seznec lui a proposée et dans laquelle il serait associé. Il arrive à 13 heures, il a donné rendez-vous à Seznec à 14 h 30 à l’Hôtel parisien. Ne le voyant pas arriver, il téléphone à Marie-Jeanne Seznec pour savoir si Guillaume est bien parti. Celle-ci confirmera cet appel téléphonique passé vers 16 h 16 h 30. Elle précisera même que Pierre Quéméneur lui a fait allusion à la propriété de Plourivo : « Quand vous serez là-bas, vous serez bien plus libre, vous êtes sûre d’y aller puisque tout est arrangé ».

Seznec part de Morlaix au volant de sa Cadillac, « le jeudi 24 mai, après avoir vérifié soigneusement ma voiture, je suis parti de chez moi à dix heures et demie pour Rennes. Avant mon départ, j’avais télégraphié à M. Quéméneur à l’Hôtel parisien à Rennes pour l’aviser de mon départ. Il s’était rendu de Landerneau à Rennes par le train parce qu’il avait à faire à Rennes, m’avait-il dit avant de gagner Paris.

« Je suis arrivé à Rennes à 19 heures et demie, après avoir eu des déboires en cours de route à cause des chambres à air qui étaient desséchées.

« J’ai retrouvé M. Quéméneur à l’Hôtel parisien où il avait retenu nos chambres. Dans le courant de l’après-midi, vers 16 h 30, il avait téléphoné à ma femme pour demander si j’étais parti ».

Il rejoint le conseiller général à la terrasse d’un café où il discute avec des amis rennais. Cette scène rapportée par l’Ouest-Eclair du 8 juillet ne fera l’objet d’aucune recherche. Rares sont pourtant les personnes qui ont parlé longuement au duo pendant leur équipée mystérieuse vers Paris. Aucune recherche ne sera entreprise non plus sur l’emploi du temps de Quéméneur à Rennes. Seznec prétend qu’il avait à faire, ce qu’on peut interpréter de différentes façons. Les garagistes rennais qui reçoivent le jour même une lettre signée Quéméneur s’étonneront que le conseiller général qui est à la recherche de voitures américaines ne leur ait pas rendu visite ce jour-là. Cette lettre est considérée par certains comme un faux.

Les deux hommes dînent ensemble à l’hôtel où ils ont leurs habitudes. Le patron René Dupuis confirme qu’ils « devaient livrer l’auto amenée par Seznec le lendemain à Paris », puis à 21 heures précises, Pierre Quéméneur expédie un télégramme à Me Pouliquen à Pont-l’Abbé (ndlr Ne me demandez pas pourquoi Pierre Quémeneur - qui s'ennuyait ferme en attendant Guillaume - n'a pas eu l'idée de passer un coup de téléphone à son beau-frère. Ne me demandez pas pourquoi... Surtout qu'il a bien réussi à appeler Marie-Jeanne... Ne me demandez pas pourquoi... C'était sans doute "la mode aux télégrammes" ?) Il est ainsi rédigé : « Expédier urgent chèque barré sur Société générale maison mère Paris et non Banque de France, à mon adresse recommandée : Quéméneur négociant Landerneau. Poste restante numéro trois. Paris ». Pouliquen s’exécute dès le lendemain à l’agence de la Société générale de Pont-l’Abbé. Ce chèque, expliquera-t-il au commissaire de police de Pont-l’Abbé le 18 juin 1924, était nominatif mais pouvait être touché par toute personne se disant Quéméneur. Cette facilité pour un tiers de toucher un chèque non-barré m’avait engagé à l’expédier en pli chargé ». Le même jour, le notaire expédie un mot à son beau-frère :

« Mon Cher Pierre,

« Je n’ai reçu ta dépêche que ce matin à 9 heures et comme le courrier de Paris part à 9 h 43, je suis arrivé à la poste après le départ du courrier. Dans ces conditions, j’ai préféré attendre l’après-midi pour t’expédier le chèque en question. J’ai préféré ne pas te le barrer pour que tu puisses le toucher plus facilement. N’étant pas connu à Paris, la Générale n’aurait pas voulu te le payer.

« J’ignore pour quelle affaire tu as besoin de cette somme mais j’espère que tu l’as examinée toi-même sans tenir compte des renseignements fournis par Seznec. N’oublie pas en tout cas que je ne pourrais disposer très longtemps de cette somme et que s’il y a un acte à rédiger, tu dois en toute justice me donner la préférence.

« Bien amicalement à toi. »

Ce courrier montre que les relations entre les deux beaux-frères n’étaient pas au beau fixe. Pouliquen s’inquiète de voir Quéméneur sous influence de Seznec pour des affaires qui lui semblent peu claires et qu’il réprouve. Il s’inquiète aussi de la vente du domaine de Plourivo qui pourrait lui échapper. Pour le notaire de Pont-l’Abbé il va de soi que toute transaction immobilière doit passer par lui, ce n’est pas forcément le credo du conseiller général ; en effet neuf mois auparavant il a vendu un terrain par l’intermédiaire d’un notaire de Landerneau.

Le fait que Me Pouliquen ne barre pas le chèque reste une énigme. La demande initiale faite à Brest le 22 mai était bien un chèque barré, demande renouvelée ce 24 mai. Il explique ce fait par une facilité de paiement, ce qui permettait à Quéméneur d’être payé en espèces sonnantes et trébuchantes. La deuxième interrogation est pourquoi ce changement de banque. Adresser un chèque à la Banque de France donnait-il un caractère plus sérieux à la tractation ? Quel intérêt y avait-il de l’adresser à la Société générale ?

On le voit, cette journée de transit pour nos deux compères ouvre toute une série de questions qui alimentent toujours des polémiques aujourd’hui.

Pour clore cet emploi du temps a priori limpide nos deux vendeurs de Cadillac terminent calmement la soirée au café-concert La Source, dans le quartier de la gare.

 

Extraits du cahier de Guillaume Seznec :

"Monsieur Quéméneur a quitté Landerneau le 24 mai pour se rendre à Rennes où il devait rester m’attendre à l’Hôtel Parisien dans cette ville, chose qui n’a été entendue que le 23 mai, car à notre séparation le 22 à Landerneau M. Quéméneur devait aller directement à Paris par le train où il m’aurait attendu et moi j’aurais fait la route seul avec la voiture Cadillac. Ce n’est donc qu’après notre séparation que Quéméneur change d’idée, prétendant avoir des affaires personnelles à Rennes et qu’il m’attendrait le 24 à l’hôtel Parisien.

Mais mon départ de Morlaix a été retardé par suite d’avaries la veille avec la voiture entre Landerneau et Morlaix. Alors, quand Quéméneur a vu que l’heure du rendez-vous était passée, il a téléphoné chez moi vers 4 heures de l’après-midi pour demander si j’étais parti. Ma femme lui a répondu que j’avais quitté Morlaix vers 10 heures et demie à 11 heures et que je ne devrais pas tarder à arriver. Mais, grâce à des nombreuses difficultés, je ne suis arrivé dans cette ville que vers 7 heures ou 7 heures et demie du soir avec la Cadillac en question qui est de 7 places et 36 chevaux et non de 60 chevaux."

P.S. Je vous rappelle ce qu'écrit en page 2, 1ère colonne, l'Ouest-Eclair Rennes du 8 juillet 1923 :

"Nous avons eu la bonne fortune de rencontrer un de nos sympathiques concitoyens qui, le 24 mai à Rennes, s'entretint avec M. Quéméneur, dans un hôtel des environs de la gare.

"J'avais nous dit-il rendez-vous à cet endroit avec un de mes amis. A sept heures moins le quart, je m'y rendis et je le trouvais prenant l'apéritif avec un monsieur qu'il me présenta : M. Quémeneur conseiller général du Finistère. Il l'avait rencontré fortuitement et, ma foi, vous savez, les connaissances se font vite, au café, surtout lorsqu'on a affaire à un homme aussi affable et sympathique qu'était M. Quémeneur.

M. Quémeneur nous fit part de ses inquiétudes. J'attends un ami de Morlaix qui doit venir ici, il est parti en auto de là-bas et il a eu plusieurs pannes ; il avait notamment une grande difficulté à mettre en route, le démarrage automatique et la manivelle de mise en marche ne fonctionnant pas.

Je l'interrompis et fis cette réflexion :

"Pourtant c'est une panne insignifiante : votre ami n'avait qu'à placer son cric sous la roue arrière et à embrayer : c'est connu de tous les automobilistes."

M. Quémeneur ajouta : "Je dois aller à Paris en auto avec lui ; combien y a-t-il de kilomètres et quelle est la route la plus directe.

Je lui expliquai alors le chemin le plus court jusqu'à Pré-en-Pail, route que je connaissais parfaitement. Je lui indiquai même un hôtel dans cette localité.

Avec une "Cadillac" dis-je en terminant, ce n'est pas une affaire, vous ne mettrez certainement pas plus de sept heures et vous arriverez pour déjeuner à Paris...

- "En tout cas, dit M. Quémeneur, si mon ami tarde trop, je vais prendre le train, car je tiens à être à Paris le plus vite possible."

La conversation continua, banale quelques instants lorsqu'une forte voiture stoppa ; un homme en descendit.

- "Le voilà ! s'écria M. Quémeneur !

Il se leva, échangea quelques paroles brèves avec l'automobiliste et revint avec lui s'asseoir à notre table.

Mon ami et moi, nous voulions nous retirer, mais M. Quémeneur insista. Il offrit l'apéritif. L'automobiliste que nous avons su depuis être Seznec refusa d'abord de prendre quelque chose ; enfin devant l'insistance du conseiller général, il consentit à se faire servir un bock.

Pendant les courts instants que nous passâmes ensemble, ce Seznec ne prononça pas dix paroles. Il avait l'air fatigué et me fit, je dois l'avouer, une mauvaise impression puisque je dis après leur départ à mon ami : "Le copain du conseiller général, il n'est pas reluisant."

Au bout de quelques minutes M. Quémeneur et l'homme sortirent et emmenèrent la Cadillac au garage de l'hôtel.

A aucun moment il ne fut question pendant la conversation des pannes que Seznec aurait eues de Morlaix à Rennes ; d'ailleurs, je vous l'ai dit, il n'avait pas l'air du tout disposé à lier conversation.

A aucun moment non plus, M. Quemeneur ne fit allusion à une vente de voitures américaines.

J'ai pensé qu'il allait faire un voyage d'agrément ; il était de très bonne humeur et ne semblait nullement préoccupé."

Ce sont les deux derniers à avoir parlé avec Guillaume et Pierre.

 

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