Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
22 Avril 2025
🌿Il reste la vérité comme un dernier devoir.
William Shakespeare
Prenons Garnier...
Garnier, il est interrogé au départ il reconnaît personne.
Il est interrogé, peu importe la date, je crois que c'est le 29 juin, et maintenant j'en suis même sûr...
Bellemare : Plus d'un mois donc après les événements...
Denis Le Her (NDLR très très énerRenéHervé) : Donc, le 29 juin, et dans le procès-verbal il ne reconnaît personne, mais, en marge - c'est Me Denis Langlois qui a découvert ça dans le dossier il y a à peu près deux ans - écrit au crayon, c'est donc le juge ou un magistrat qui l'a écrit, et au crayon, je suppose que c'était pour l'effacer par la suite, il y a marqué "témoin peu sûr, dirait-il allure générale ?", c'est à dire il ne reconnaît pas Seznec et bien dans le témoignage, procès-verbal suivant c'est à dire en septembre, je crois le 22 septembre, et bien, comme par hasard, Garnier dit... il veut bien reconnaître l'allure générale...
Et bien, il y aura une accumulation de procès-verbaux qui finiront qu'au procès et bien, il reconnaîtra Seznec, point à la ligne !!!!!
Bellemare : Oui...
Denis Le Her " C'est la manipulation de témoins !!!
Bellemare : Alors, nous avons retrouvé monsieur René Hervé qui est industriel et qui est fils du juge Hervé, qui, je le rappelle, a consacré sa vie et qui a, on peut le dire, compromis sa carrière POUR l'affaire Seznec et POUR innocenter Seznec.
Bien.
Alors, le juge Hervé (NDLR ???) ne va pas parler très exactement de Garnier, parce qu'il rassemble ses souvenirs d'enfance, car il était tout jeune à l'époque, mais écoutez-le, je crois que ça en vaut la peine...
Allo ? Monsieur René Hervé ???
Monsieur René Hervé, merci mille fois d'être au téléphone, nous sommes en train de parler donc des témoignages qu'avait recueillis votre père, et notamment de ce témoignage de Garnier, je crois que vous n'avez pas vous personnellement un souvenir très précis sur ce témoignage, par contre, je crois qu'il serait intéressant peut-être de nous dire quelle était la conviction de votre père et l'ambiance dans laquelle tout cela se déroulait ???
René Hervé : Oui, vous savez, à l'époque, j'étais très jeune, mon père était juge d'instruction à Guingamp, et c'était un homme qui aimait son métier, et, qui avait, on peut le dire, une exigence sévère de la Justice.
Et à l'époque des faits du procès Seznec, qu'il suivait à travers la presse, il était juge de paix à Pontrieux et alors qu'on s'interrogeait aux assises sur ce qu'avait pu devenir Quémeneur, il avait reçu le témoignage spontané de marins de Plourivo qui étaient venus lui dire : "Monsieur Hervé, nous sommes venus vous voir parce que nous avons des faits que nous croyons devoir signaler, et qui peuvent avoir une relation avec le procès Seznec..."
Bellemare : Oui, monsieur René Hervé, pardonnez-moi, je ne vous demande pas de raconter la version de votre père, car ça, nous y viendrons plus tard, si vous le voulez bien, ce que je vous demande aujourd'hui c'est de me dire, d'abord d'une part, la conviction de votre père, ça, vous nous le dites, il était convaincu que Seznec était innocent, mais est-ce que vous pourriez nous parler de l'ambiance qu'il y avait à l'époque autour de cette affaire, s'il vous plaît, sans parler de la version de votre père, on en parlera plus tard...
René Hervé : A quelle époque, monsieur Bellemare en 1920/22 ?
Bellemare : Oui, bien sûr, l'ambiance...
René Hervé : Mais je n'étais pas né...
Bellemare : Je veux dire quelle était, je veux dire est-ce que vous avez eu, comment dirais-je, un témoignage de votre père sur l'ambiance qui existait dans la magistrature à l'époque ???
René Hervé : Je vais peut-être raccourcir, mais il est évident que mon père ayant reçu ce témoignage de marins qui avaient donc entendu des coups de revolver en face d'une propriété appartenant à Quémeneur à l'époque des faits, en avait fait immédiatement un rapport et il avait été scandalisé de constater qu'aux assises il n'en avait même pas été fait mention alors que tout le monde s'interrogeait, si vous voulez, sur ce qui avait pu réellement se passer...
Bellemare : Oui...
René Hervé : Et c'est quelques années plus tard, si vous voulez, que devant les protestations d'innocence de Seznec il avait décidé d'entreprendre une enquête...
Bellemare : Oui...
René Hervé : Qu'il l'a fait remonter précisément, si vous voulez, sur les circonstances que vous relatez actuellement et qui sont la disparition de Quémeneur à partir de Houdan ou Dreux..
Bellemare : D'accord..
René Hervé : Et mon père était un enquêteur redoutable, il avait donc, il s'y était consacré entièrement, et moi je peux, si vous voulez, non pas vous parler de faits mais de souvenirs, ce que je sais c'est que les constations qu'il avait faites, les témoins qu'il avait rencontrés l'avaient considérablement renforcés dans sa conviction que, si vous voulez, il était scandaleux que Seznec ait pu être condamné au bagne, alors que tant d'éléments, d'incertitudes, de doutes apparaissaient...
Bellemare : Bien. Monsieur René Hervé, je vous remercie pour ce premier témoignage, nous aurons besoin à nouveau, alors DE votre témoignage, lorsque nous en viendrons à la version de votre père, mais, si vous le voulez, aujourd’hui nous sommes surtout sur le parcours de la Cadillac entre Houdan et Dreux, nous restons dans l'ordre chronologique des choses pour ne pas troubler nos auditeurs.
Merci mille fois, monsieur René Hervé...
Nous allons marquer une pose avec une page de publicité...
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Donc, vous l'avez entendu, les témoignages que l'on recueille concernant la gare de Houdan sont des témoignages que l'on peut aujourd'hui mettre en doute, très sérieusement, vous avez vu que le point de repère qui était cette nuit, le gel, n'existe pas, à cette date-là, nous avons la preuve formelle par la météorologie nationale, donc tout cela est prouvé, il y a là... On essaie... On force des témoins, on va les diriger, on va diriger leurs témoignages pour essayer d'obtenir d'eux qu'ils reconnaissent Seznec et Quémeneur à Houdan afin de coincer Seznec, c'est à dire, de faire en sorte que ses témoignages n'ont aucune valeur puisqu'à Houdan on ne peut pas prendre le train à cette heure-là.
Bien.
Alors, maintenant, admettons la version de Seznec, admettons qu'il est allé à Dreux puisque d'autres avocats se sont penchés sur l’affaire et ont fait la démonstration que, dînant au Plat d'Etain, il était possible puisque, Dreux n'est qu'à 18 kilomètres de Houdan, d'être à l'heure du train de Dreux pour Paris, c'est à dire 21 h 58, et de prendre ce train...
D'ailleurs, dans le témoignage de Seznec, une chose est quand même précise, c'est que Seznec dit que Quémeneur l'a quitté précipitamment, l'a quitté rapidement..
C'est donc qu'ils sont arrivés à la dernière minute quand même pour prendre le train.
Bien.
Alors, Marcel Jullian, disons.....
On part maintenant de Dreux...
Jullian : Oui, partons maintenant de Dreux, admettons donc que Dreux soit le dernier point où aient été ensemble Quémeneur et Seznec...
Alors, votre grand-père, on le retrouvera plus loin sur la route, il est de nouveau en panne, décidément, cette Cadillac ne marche pas, et voilà qu'il va s'approcher jusqu'à La-Queue-les-Yvelines c'est à dire qu'il est à - combien ??? - 45, 50 kilomètres de Paris...
Denis Le Her : A peu près, oui...
Jullian : Bon.
Et, là, brusquement, alors qu'il est près du but, alors qu'il est près du but, alors qu'il a rendez-vous avec Quémeneur et l'acheteur étranger à Paris, il rebrousse chemin, il repart vers Morlaix.
Alors comment, après tout ce voyage, ce voyage insensé qui a fait des heures et des heures, pourquoi change-t-il complètement de cap au dernier moment ???
Denis Le Her : Et bien, c'est que, lorsqu'il a quitté Quémeneur à Dreux, parce que c'est quand même là qu'il a dû quitter Quémeneur et pas ailleurs, il retombe en panne vers La-Queue-les-Yvelines, et, là, une grosse panne puisque même, il y a un dénommé Dectot, je n'ai plus le nom en tête, Dectot c'était un maçon qui témoigne, qui, aucun problème de ce côté-là, le trouve en panne..
Jullian : Il y a une trace précise à La-Queue-les-Yvelines qu'il est en panne sur la route ???
Denis Le Her : Ah oui, absolument, sur la route, à 22 h 30, en fait, 22 h 15, à peu près, puisque ce témoin fera état qu'il voyait les phares de la voiture de loin, il était à vélo, la nuit, il était handicapé de la guerre de 14/18, il avait une jambe handicapée, il marchait souvent à côté de son vélo lors des côtes, il voyait la Cadillac au loin, les phares allumés, donc il a vu la Cadillac, on peut situer à peu près à 22 h 15, 22 h 20, là, il voit Seznec qui est ennuyé parce qu'il est en panne, et le lendemain, nous retrouvons un témoin à 5 heures du matin, c'est un paysan, qui va livrer du lait, et, qui confirme que Seznec est toujours là, il lui vend même un bidon d'essence 8 francs à l'époque pour le dépanner. Voilà.
Jullian : La voiture à été immobilisée 6 ou 7 heures...
Denis Le Her : Donc, toute la nuit, oui, exactement, il est en panne...
D'ailleurs, il fera réparer, mais il fera réparer pour juste aller dormir à l'hôtel Nourrisson, on y reviendra peut-être plus tard...
Et pourquoi mon grand-père a fait demi tour ???
Jullian : Oui, parce que c'était cela le point essentiel, ça peut paraître complètement illogique alors qu'on est à 50 kilomètres de Paris, d'en faire 300 dans l'autre sens avec une bagnole pourrie, alors pourquoi ???
Denis Le Her : C'est exactement la question qu'a posée le commissaire Vidal le 28 juin : pourquoi vous trouvant à 42 kilomètres de Paris être retourné à Morlaix ???
Jullian : Qu'est-ce qu'il répond ???
Denis Le Her : Seznec, il a répondu parce qu'à ce moment-là j'ai compris que ma voiture était invendable et qu'il était préférable de revenir à Morlaix.
De plus, il faut rajouter que Seznec avait un mécanicien dans sa scierie, un dénommé Samson, qui était un mécanicien très compétant. Ça lui coûtait pas cher à mon grand-père puisque c'était un employé, plutôt que d'aller à Paris où les prix étaient prohibitifs, et, ça ne servait plus à rien de conduire la Cadillac à Paris dans cet état, puisque ça devenait absolument invendable, c'était le premier échantillon d'un lot de 100 Cadillacs à vendre à ce dénommé Gherdi pour lequel il y avait un rendez-vous très important pour Quémeneur.
Donc, mon grand-père n'avait plus intérêt tellement à livrer cette Cadillac, l'intérêt c'était plutôt le rendez-vous de Quémeneur, avec l'échantillon, on faisait d'une pierre deux coups, si vous voulez...
Jullian : Je vais dire une sottise, mais il ne lui est donc pas venu à l'idée de prendre le train et de rejoindre Quémeneur pour assister à la vente ???
Denis Le Her : Non. Ça rejoint même ce que j'allais vous dire parce que il y a aussi peut-être une autre possibilité ça rejoint un peu à ce que vous me posez... C'est que peut-être que mon grand-père n'en avait peut-être plus envie, ça, c'est ma mère qui me l'a dit, c'est une phrase, où on a été quand même un peu étonnés, même nous dans la famille, il a dit, au retour du bagne, ma mère lui a posé la question : "Pourquoi grand-père... - Papa, plutôt car c'est ma mère qui s'exprime - tu n'as pas été jusqu'à Paris, on n'aurait pas eu tous ces ennuis, tout ce martyrologue..."
Il lui a dit "Eh bien ma fille, je n'en avais plus guère envie..."
Pourquoi il a dit ça ???
C'était peut-être qu'à longueur de journée, ce voyage était éprouvant, il a peut-être eu beaucoup de pannes, il était un peu le deuxième rôle dans l'affaire, hein, et c'est lui qui réparait, il était épuisé et il s'est peut-être rendu compte qu'il était un petit peu, comment dire, le domestique d'une opération qui devenait un petit peu louche, il a peut-être ressenti qu'il y avait un trafic qui n'était peut-être pas aussi reluisant que cela..
Il était peut-être plus motivé, mon grand-père, ça, c'est une autre version...
Bellemare : Nous avons eu des communications téléphoniques... Marie-Thérèse Cuny...
Cuny : Oui, Pierre, nous avons eu énormément d'appels et notamment sur ce que vient de dire Denis Le Her à l'instant, c'est à dire que la Cadillac était vraiment en panne...
Un témoin de Houdan nous dit que son père l'a remorquée lui-même à deux reprises, c'était un monsieur qui travaillait pour monsieur Hodey, le garagiste...
Et ensuite nous avons également un monsieur Barrot, qui a plus de 70 ans maintenant, et qui nous dit qu'il les a vus en panne aussi sur la route de Houdan avant qu'ils ne dînent au Plat d'Etain...
Donc, tout cela, si vous voulez, confirme que vraiment la Cadillac était dans un état épouvantable et que beaucoup de réparations ont été faites par Guillaume Seznec.
Bellemare : Bien. Nous allons étudier toutes les dépositions, je dirais, de témoins que nous avons eues par téléphone à l'instant même au 256 90 20, je vous rappelle que nous restons encore ouverts une demie heure pour recevoir vos appels, si vous avez encore à nous appeler, je vous rappelle donc que Seznec, à la suite de toutes ces pannes, rentre à Morlaix, il est donc de retour chez lui...
Les jours passent, la famille de Pierre Quémeneur va s'inquiéter, interroger Seznec, et toute l'affaire va se déclencher...
Et, c'est une toute autre histoire que nous vous raconterons demain...
Une histoire bizarre... bizarre qui nous emmènera au Havre, qui nous fera suivre l'itinéraire d'un homme qui, s'il est un assassin, va se faire beaucoup remarquer, comme vous le verrez, et, ça aussi, c'est assez invraisemblable...
A demain pour les grandes enquêtes d'Europe 1....
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