Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
1 Novembre 2024
« Maurice Privat aux travaux forcés ? » titre Notre Temps du 12 septembre 1934.
Et l'article se poursuit ainsi sous la plume de Jean Desthieux :
« Chacun à entendu parler des livres toujours surprenants de Maurice Privat l'inventeur de la formule "un livre par mois" qui, dans la collection des Documents secrets consacrait, il y a trois ans, un volume (le treizième) à une affaire judiciaire retentissante : la disparition de Pierre Quémeneur. Le titre de ce livre, Seznec est innocent, affirmait la conviction d'un auteur qui ne croit guère aux vérités officielles. Après avoir étudié la procédure, enquêté longuement sur place, cherché et découvert des faits nouveaux, Maurice Privat s'était décidé à l'écrire pour arracher au bagne celui dont l'innocence lui semblait alors indiscutable.
Trois jours après la mise en vente de l'ouvrage, sur une sommation des héritiers Quémeneur, il fut retiré de la vente. Or la loi sur la presse est formelle. L'auteur et l'éditeur sont seuls responsables et ni le transporteur ni le vendeur d'une publication ne sauraient être mis en cause. En même temps, Maurice Privat était assigné devant le tribunal correctionnel de Brest. A propos de Seznec est innocent, la magistrature de Bretagne s'était dressée contre Privat. Celui qui, devant les assises, avait soutenu l'accusation contre Seznec, le substitut Guillot, était devenu procureur de la République à Rennes. Il n'avait communiqué ni au jury ni à la défense le dossier établissant qu'au moment de la disparition de Pierre Quémeneur des marins avaient assisté à un drame obscur, près d'une propriété que le conseiller général possédait à Plourivo sur les bords du Trieux. Ce dossier aurait motivé le renvoi de l'affaire à une autre session. L'enquête policière sur l'affaire Quémeneur, comme l'instruction, avaient été d'ailleurs aussi fantaisistes que dans l'affaire Prince.
M. Hervé
Les magistrats de Brest ont suivi ceux de Rennes. Maurice Privat ne pouvait récuser ses juges. Il agissait avec une incontestable bonne foi, et la Ligue des Droits de l'homme commençait à s'émouvoir.
Or une faible partie de son argumentation avait été fournie au rédacteur des Documents secrets par un ancien juge d'instruction de Guingamp, M. Ch-Victor Hervé. Interné à l'asile d'aliénés de Saint-Méen, près de Rennes, dans les conditions les plus suspectes, ce magistrat s'était mis en tête de réhabiliter Seznec. Il avait un argument à faire valoir, après avoir enquêté sur le mystère de Plourivo ; au cours du procès Seznec aux assises, il avait envoyé sa documentation ; mais on n'en avait tenu aucun compte.
M. Hervé apportait un fait capital : le témoignage d'un commerçant des Côtes du Nord, qui, le dimanche 25 mai 1923, aurait conduit Pierre Quémeneur à Plourivo. Comme l'accusation datait la mort de celui-ci du 23 mai, à 10 heures du soir, de la main de Seznec, on voit quelle était l'importance de ce témoignage !
M. Hervé avait promis de venir déposer et d'apporter ses preuves devant le tribunal de Brest, à l'appui de Privat ; mais il manqua à sa parole. Cette incroyable inconséquence mettait l'accusé en irrémédiable posture. Puisque la preuve du retour du retour du disparu en Bretagne n'était plus certaine le drame de Plourivo pouvait-il être rattaché à l'affaire Seznec ? Il exprima lui-même ses doutes. Le tribunal lui infligea 120.000 francs de dommages et intérêts.
Pour des affaires de diffamation autrement graves, les tribunaux de Bretagne n'ont jamais prononcé de tels arrêts. L'auteur de Seznec est innocent fit appel et son avocat, Me Philippe Lamour, démontra magistralement la bonne foi de son client et rattacher ld'un châtiment sans précédent dans les annales de la justice française.
Plourivo
D'autre part Maurice Privat avait publiquement reconnu qu'il était désormais impossible de rattacher les obscurs coups de revolver de Plourivo à la disparition de Pierre Quémeneur l'automobiliste qui devait faire la lumière n'existant pas. Il l'a écrit en tête de son dernier livre, Venus au Maroc. Il l'a publié dans plusieurs journaux. De plus, il a retiré de la vente Seznec est innocent. En dépit de tant de bonne foi, la Cour de Rennes a confirmé le jugement du tribunal de Brest. Aussi peut-on dire que l'écrivain à été condamné aux travaux forcés à son tour comme celui qu'il défendait, car exiger d'un auteur qui ne jouit pas d'une renommée fantastique encore, une telle somme pour réparer un prétendu préjudice moral, déjà réparé de plein gré, c'est contraindre cet auteur à toutes les prostitutions de la pensée.
C'est l'obliger à briser sa plume ; à quitter son foyer, son pays, à courir les aventures. Voilà donc où conduit l'exercice d'une libre justice en l'an staviskien.
Quand on connaît le nombre de maîtres-chanteurs qui exercent tranquillement leur industrie, on est d'autant plus écœuré. La justice a frappé un brave garçon trop spontané. On le punit d'avoir montré du cœur et du courage.
Sans preuves
Tous ceux qui ont étudié l'affaire Seznec ont toujours exprimé leur doute, d'autant plus que Seznec a été condamné sans preuves. En défendant un malheureux, Privat a agi selon la tradition qui a toujours placé les lettres et la pensée du côté des accusés non convaincus d'infamie. Mais ce confrère trop indépendant n'a jamais ménagé personne en ses livres. Il a mis à mal beaucoup de financiers sans scrupules. Lui donner une leçon, le mettre hors d'état de continuer à nuire à la république des camarades, telle est la besogne qu'il fallait sans doute réussir. Déjà il y a deux ans, on avait essayé de le supprimer à coups de revolver, au cours d'un séjour à Ajaccio.
M. Maurice Privat appartient à des associations de presse qui, elles, ont le devoir d'intervenir et de se porter à son secours. Pour le garde des sceaux actuel, Privat n'a pas été tendre, mais le ministre doit oublier ce que le législateur a pu endurer comme le roi de France oubliait les injures faites au duc d'Orléans. Il doit à sa fonction d'éviter un scandale qui ne grandit pas la justice.
Jean DESTHIEUX. »
« ... l'automobiliste qui devait faire la lumière n'existant pas »…
Adieu Bolloc’h !!!!!
« D'autre part Maurice Privat avait publiquement reconnu qu'il était désormais impossible de rattacher les obscurs coups de revolver de Plourivo à la disparition de Pierre Quémeneur l'automobiliste qui devait faire la lumière n'existant pas. Il l'a écrit en tête de son dernier livre, Venus au Maroc. Il l'a publié dans plusieurs journaux. »
Reste plus qu’à trouver « Venus au Maroc »...
Rappel utile : Notre Temps est un mensuel qui appartient à Jean Luchaire.
Il est répertorié Gallica comme un mensuel : « Notre temps : paraît chaque mois / directeur Jean Luchaire ; rédacteur en chef Jacques Chabannes » in Gallica.
Au moment de l’article cité, Notre temps est un hebdomadaire.
"En 1930, il devient hebdomadaire et certains numéros paraissent également sous le titre La Jeune Europe".
Parutions : 5 septembre, N° 185.
12 septembre, N° 186.
19 septembre, N° 187.
Sa tendance politique fut aussi variable que sa périodicité.
Pour la vie de Jean Luchaire, lire ci-dessous :
Jean Luchaire et la revue ”Notre temps” (1927-1940) de Jean - René Maillot.
Liliane Langellier
Notre temps : paraît chaque mois / directeur Jean Luchaire ; rédacteur en chef Jacques Chabannes
Notre temps : paraît chaque mois / directeur Jean Luchaire ; rédacteur en chef Jacques Chabannes -- 1934-09-12 -- fascicules
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4786262b/f2.item.zoom
Notre Temps du 12 septembre 1934.
Notre temps (1927-1940) - Wikipédia
Notre temps est un périodique français fondé en 1927 par Jean Luchaire et disparu en 1940. Historique Notre temps est fondé en juin 1927 sous la forme d'une revue mensuelle. Jean Luchaire bén...
The Wayback Machine - https://web.archive.org/web/20200616183723/https://hal.univ-lorraine.fr/tel-01749785/document
https://web.archive.org/web/20200616183723/https:/hal.univ-lorraine.fr/tel-01749785/document
Jean Luchaire et la revue ”Notre temps” (1927-1940) Jean - René Maillot
Jean Louis Gabriel Luchaire est un journaliste et patron de presse français, né le à Sienne ( Italie) et mort fusillé le au fort de Châtillon. Son nom reste associé à la politique collaborat...
Jean Louis Gabriel Luchaire...
Seconds rôles majuscules : Corinne Luchaire, mondaine sous l'Occupation... - Chez Jeannette Fleurs
Beauté éthérée, coquette, cette fille à papa a péché pour avoir joué les oies blanches durant les heures troubles de la collaboration. Elle a été l'indolente, l'inconsolée, celle qui por...
Lire aussi sur mon blog perso : Corinne Luchaire...