Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
27 Janvier 2025
Il est plus facile de copier que de penser, c'est ce qui fait la mode.
Wallace Stevens
Suite à la demande de l'un de mes fidèles lecteurs...
Vous trouverez ci-dessous les différentes interventions de madame Seznec et mon avis personnel...
Le moins que l'on puisse dire...
C'est que Marie-Jeanne Seznec n'a pas été avare de ses paroles pour défendre son homme.
Mais, mises bout à bout ses déclarations induisent qu'elle en savait bien plus sur l'affaire Seznec qu'elle voulait bien le dire...
1/ 26 juin 1923 - 6 juillet 1923 :
La première audition de Seznec par le commissaire Jean-Baptiste Cunat a eu lieu le mardi 26 juin 1923.
Et le commissaire s'est déplacé lui-même à Morlaix, pour l'entendre.
Ouest-Eclair du 27 juin :
"Madame Seznec nous a aimablement reçus. Elle ne sait rien de plus que ce qu'a relaté fidèlement l'Ouest-Eclair. C'est son mari qui a vu le dernier M.Quémeneur dont il était le grand ami et qu'il estimait fort.
"Nous ne savons pas, dit-elle, quelle somme il possédait sur lui. S'il a été tué, c'est par quelqu'un qui devait le connaître encore mieux que nous. Nous sommes profondément affectés de tout ce malheur. Si mon mari avait fait route sur Paris avec M.Quéméneur, il aurait certainement partagé son sort."
Mme Seznec nous fait remarquer en terminant que lorsqu'il était parti, M. Quémeneur avait laissé prévoir une absence d'un mois."
Cette première déclaration, importante s'il en est, laisse supposer que Pierre Quémeneur a été agressé sur la route entre Dreux et Paris...
Et que Seznec l'a échappé belle !
La Dépêche de Brest du 29 juin 1923 :
"(...) on retrouve sur toutes les lèvres la même question.
- Pourquoi M. Seznec, se trouvant à Dreux, c'est-à-dire à 80 kilomètres de Paris, a-t-il jugé plus pratique de rebrousser chemin pour regagner Morlaix, c'est-à-dire de faire à nouveau 480 kilomètres ?
A cela, nous avons déjà fourni sommairement la réponse de l'intéressé ; mais nous croyons utile aujourd'hui de la donner complète. Nous l'avons reçue de nouveau hier de Mme Seznec et elle confirme pleinement ce que nous avait indiqué son mari dès le premier jour :
- Mon mari n'a pas voulu poursuivre son chemin vers Paris après avoir quitté M. Quémeneur à Dreux, après la dernière panne qui l'immobilisa pendant la nuit, à une dizaine de kilomètres de toute habitation, il ne pouvait songer à présenter la voiture à un acquéreur dans cet état ; d'autant moins qu'elle était la première de celles que nous devions livrer.
Certes on pouvait la faire réparer à Paris, mais nous étions fixés depuis déjà longtemps sur les habitudes de certains garagistes parisiens. Nous l'étions d'autant mieux que nous avons dû, il n'y a pas très longtemps, laisser ainsi à Paris depuis un an environ, une limousine Westinghouse en parfait état. Lorsqu'on nous l'a rendue, la carrosserie ne se reconnaissait plus, tellement on s'en était servi.
De plus nous avons dû payer 2.400 francs de garage, et 600 francs environ de transport. C'est pour éviter le renouvellement de semblables faits que mon mari a préféré rentrer à Morlaix, en dépit du mauvais état du véhicule.
Et Mme Seznec nous présente la Cadillac qui fait aujourd'hui l'objet de tant de conversations. On répare en ce moment ses multiples avaries : coussinets fondus, etc. Comme elle a roulé à plat, depuis Le Ponthou jusqu'à Morlaix, la jante droite avant est complètement usée.
- Mon mari, à son retour, ajoute notre interlocutrice, avait les mains dans un état lamentable, tant il avait dû faire d'effort pour mener à bien les innombrables réparations entreprises entreprises en cours de route."
L'emploi du "nous" peut désarçonner.
Je demeure persuadée que Marie-Jeanne en savait bien plus qu'elle ne voulait bien en dire.
Là, l'accent est mis sur le véhicule. Sur le mauvais état du véhicule. Comme de nombreuses épouses d'artisans c'est Marie-Jeanne qui s'occupe désormais de la comptabilité de son mari, le dernier comptable en date ayant jeté l'éponge.
Mme Seznec jure que son mari est innocent
Dès la fin de la perquisition, j’ai pu voir Mme Seznec qui venait d’apprendre l’arrestation de son mari et qui a aussitôt protesté de son innocence.
— Guillaume, m’a-t-elle dit, est incapable d’avoir fait un coup pareil. Il n’avait, du reste, aucune raison pour commettre un crime. Quoique nous ayons quatre enfants, nous ne sommes pas dans le besoin : nous avons pour plus de six cent mille francs de biens et on nous doit, d’autre part, 25.000 francs. Pourquoi donc Guillaume aurait-il tué ? et avec quoi ? Mon mari n’a jamais eu aucune arme, ni couteau, ni revolver. On m’a dit que si je ne retrouvais pas les dollars [que] Guillaume a donnés à M. Quemeneur, on m’arrêterait. Eh bien ! qu’on me mette en prison, cela ne m’empêchera pas de jurer que mon mari est innocent. » Et Mme Seznec, émue, mais gardant cependant tout son sang-froid, adjure l’inconnu qui tapa à la machine le contrat de vente de se faire connaître, ce qui, dit-elle, disculperait enfin son mari de la terrible accusation qui pèse sur lui.
Le Petit Journal, 1er juillet 1923, pages 1 et 3.
C'est à partir de ce moment précis que rentre en scène le mystérieux individu qui a tapé les promesses de vente à la machine..
Fine mouche, Marie-Jeanne a bien compris que c'était là le nœud de l'affaire Quémeneur. Les fausses promesses de vente.
Ils ont peut-être des biens immobiliers mais ils sont totalement à cours de liquidités puisque Seznec en a été réduit à emprunter à sa bonne.
6 juillet 1923. Perquisition Morlaix et découverte de la machine à écrire.
Lettre Marie-Jeanne à Guillaume 30 mars 1925 in Le Bagne de Denis Seznec en page 158 :
"La vente a été fixée pour la troisième fois le 7 mai, l'usine en deux parties le matin et les machines et outils l'après-midi. La machine à écrire, voilà la souche de l'article. J'ai refusé différentes fois qu'on vende cette machine en mon nom du moment qu'elle ne m'appartient pas...
La justice, c'est à dire les magistrats qui forment le parquet ont protesté - de là cet article.
Je reconnais une machine m'appartenant, mais pas celle des policiers, ils n'ont qu'à la reprendre ou l'envoyer à qui de droit, ce n'est pas cette valetaille tout de même qui restera me narguer jusqu'à ma mort."
Maître Langlois en page 232 :
"Et la machine à écrire ? Avec constance, lorsqu'il est interrogé officiellement mais aussi dans les lettres clandestines qu'il adresse à Marie-Jeanne ou dans la note confidentielle qu'il adresse à Me Kahn, Seznec affirme que la machine à écrire ne pouvait être chez lui où les policiers l'ont découverte. Il imagine qu'on l'y a déposée. En prison, il échafaude tout un stratagème destiné à établir que la machine vendue au Havre à Ferbour a été racheté à Paris par un nommé Pouliquen. Il demande à Marie-Jeanne de rechercher de faux témoignages allant dans ce sens. Mais il ne varie jamais sur la surprise qu'il a eue en apprenant qu'on a trouvé la machine dans le grenier de sa chaufferie.
La police a été accusée de l'avoir déposée puis découverte. On a été obliger pour cela de bâtir un scénario très compliqué, une vaste machination policière impliquant la participation de nombreuses personnes. Ne serait-il pas plus simple de considérer que la machine ayant servi à taper les faux signés par Seznec avait été cachée par celui-ci ou l'un de ses proches ailleurs que dans la scierie ? La police a pu l'apprendre et l'a déplacée pour enfoncer davantage Seznec. Le témoignage officieux d'un autre fils de Seznec,Albert, est à ce sujet intéressant. Il affirme que, quelques jours avant la découverte de la machine, il a vu deux hommes gravir l'escalier de fer montant au grenier. Ils étaient porteurs d'un lourd paquet. Policiers ou non ? Nous en sommes réduits aux hypothèses. Dans une lettre publiée le 16 août 1924 par le journal Ouest-Eclair, Marie-Jeanne Seznec déclare : "La présence de la machine sera expliquée en temps et en lieu" L'article figure dans le dossier et cette phrase est soulignée."
Je le dis et je le répète : dans cette famille Seznec, le mensonge semble être inscrit dans les gênes.
C'est une honte d'avoir mêlé Albert, le petit dernier âgé de 8 ans (né le 31 octobre 1914) à cette histoire de machine à écrire uniquement pour faire pleurer Margot.
Denis Seznec ira encore plus loin, car, dans sa bible mensongère, « Nous, les Seznec », il ira jusqu'à laisser supposer que la mort de son oncle Albert, le 6 avril 1965, est dû à un assassinat pour l'empêcher de parler.
Quelle famille, mais quelle famille !!!
Petit-Parisien 22 juillet 1923
"Mon mari me racontait tous ses voyages, et me mettait au courant de tout."
Il faut bien dire que les Seznec ont eu un bon mois pour peaufiner la version qu'ils allaient servir à la police, aux journalistes et au public.
Une fois mise en place...
Il suffisait tout simplement de la répéter ad nauseam.
Liliane Langellier
P.S. Affaire Bon : L'ordonnance du président est confirmée, mais je ne crois pas avoir le nom ni les conclusions de l'expert désigné, pas plus que le résultat du jugement...
DPB 29 juin 1923 - Laisser à Paris durant un an environ une Limousine Westinghouse.