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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.

Affaire Seznec. Le rapport Camard sur Francis Gherdi et Claude Bal...

Il existe une vieille et sûre recette pour conserver toujours la paix en soi : c'est d'accuser toujours les autres.
René Daumal

L'Auto du 6 novembre 1923

 

"Gherdi et Claude Bal ont été confrontés (P.V. 504/3) La confrontation a été orageuse, Gherdi reprochant vigoureusement à son interlocuteur d'avoir "raconté des histoires". Chacun est resté sur ses positions. 

Le témoin qui accompagnait Claude Bal lors de sa visite à Gherdi a lui aussi été entendu. Il s'agit de l'éditeur de son livre "SEZNEC était innocent", M. Jean-Luc de CARBUCCIA (P.V. 504/8). Voici sa déclaration :

"Il y a plus d'un an j'ai accompagné Claude Bal au domicile de GHERDI à Epinay. La thèse de Claude BAL était que GHERDY s'identifiait avec le nommé "CHARLEY" dont il a été question au moment de l'affaire Seznec, il voulait vérifier cette thèse en interrogeant GHERDI et m'avait demandé de l'accompagner pour être en somme témoin de cette entrevue. Nous avons conversé une demi-heure à une heure environ et j'ai tiré de cette conversation l'impression que GHERDI connaissait plus de choses qu'il ne voulait en dire et était inquiet de notre visite, paraissant successivement hostile, puis implorant. J'e, ai déduit ainsi que Claude BAL qu'il avait connu QUEMENEUR, qu'il avait eu rendez-vous avec lui et qu'il était effectivement le "CHARLEY" qui avait été recherché à l'époque.

GHERDI n'a pas toujours été très net dans ses réponses aux questions de Claude BAL. Il répondait souvent par monosyllabes, se contredisait et j'admets évidemment qu'il y a eu pas mal d'interprétation de notre part à ce sujet.

Je dois ajouter que je ne connais pas l'affaire SEZNEC dans ses détails."

Il faut indiquer ici que Claude BAL et son compagnon ont vraiment mis une extrême bonne volonté pour arriver à une telle somme d'aveux par déduction et interprétation d'une conversation d'une demi-heure à une heure avec GHERDI. Certes, ce dernier parle français, quoique très incorrectement, mais on ne peut dire qu'il soit très intelligent si par intelligence on entend faculté de compréhension rapide et clarté d'esprit. Il faut être très prudent dans l'interprétation de ses paroles, ne pas hésiter à répéter, plusieurs fois, les questions qu'on lui pose pour être certain qu'il les a bien comprises et le faire répéter lui-même ses réponses pour dire bien sûr qu'on a soi-même saisi ce qu'il veut exprimer. GHERDI a tendance à répondre avant qu'on ait achevé de lui poser la question et chaque fois répond, de bonne foi, à côté. Il n'a de cette affaire, dans laquelle, manifestement il n'a joué aucun rôle, que des souvenirs confus ; il mélange les époques et, par exemple, est toujours persuadé qu'une de ses cartes commerciales a été trouvée autrefois sur QUEMENEUR parce que jadis il a cru le comprendre.

Il a fallu quatre heures pour dresser un procès-verbal à peu près cohérent de ses déclarations. Aussi faut-il considérer comme une performance remarquable par Claude BAL de lui avoir "sorti" tant de détails en une si courte conversation.

Alors que mon enquête sur ce point était terminée, j'ai découvert en mars 1956, en compulsant le dossier d'archives du Service Régional de Police Judiciaire de Rennes, deux coupures de presse selon lesquelles, en août 1926 - bien avant par conséquent l'enquête de l'ex-Juge HERVE - Francis GHERDI avait déjà été retrouvé. Il s'agit de deux articles, l'un du "Matin" du 8 avril 1926, l'autre "L'Ouest-Eclair" de la même date."

[NDLR Dans le rapport ci-dessus il y a eu inversion des titres de journaux]

1/ Ouest-Eclair du 8 avril 1926 [Page 3. Dernière heure]

Une interview de M. CHERDY

"Paris 7 Avril. L'affaire SEZNEC, ouverte lors de la disparition de M. QUEMENEUR et qu'on croyait définitivement close par la condamnation de SEZNEC rebondit. En bon mélo, les chapitres, depuis l'épilogue de la Cour d'Assises, se succèdent. Chacun d'eux semble présenter un intérêt sensationnel qui tombe bientôt complètement à plat, pourrait-on dire.

Ecrite quelque part par un auteur inconnu, dont le but n'apparait pas clairement, ils n'en tiennent pas moins le public en haleine, bien que, jusqu'ici, ils n'aient eu d'autre résultat et cela fut sans doute fort appréciable pour l'intéressé - que celui de faire maintenir au dépôt de l'Ile de Ré un forçat condamné au bagne et qui, sans l'intervention du soldat Guyoton, voguerait actuellement à bord du La Martinière vers son ultime destination : La Guyane. 

Avant même que l'enquête officielle fut close, les révélations du soldat Guyoton étaient réduites à néant par une information du correspondant particulier de l'Ouest-Eclair à Quimper. 

Rue Brochant 

Puis ce fut la découverte, par Mme Seznec, du fameux Cherdy... Nos lecteurs savent ce qu'il faut penser de cette nouvelle piste. Cependant, nous avons tenu à revoir, ce soir même, M. Cherdy, 17 rue Brochant, dans le quartier des Batignolles.

M. Cherdy, qui tient depuis une douzaine d'années, un magasin d'accessoires automobiles, m'a déclaré, sans réticences, qu'après la guerre ils 'était quelque peu occupé de la vente des pièces détachées des automobiles provenant des stocks américains. Alors qu'il était installé près du camp de Romorantin, il avait eu l'occasion d'entendre ce nom de Quéméneur comme étant celui d'un gros acheteur de voitures.

Ce même nom, il l'a vu un jour écrit au camp sur la liste des acheteurs et il croit se souvenir que quelqu'un, un jour, lui montrant un personnage descendant d'auto, lui dit : c'est M. Quéméneur.

Seznec ? ... peut-être...

M. Cherdy se souvient à peine des traits de celui dont il était question, et jamais il ne lui adressa la parole. Quant à Seznec, sans vouloir l'affirmer, M. Cherdy a peut-être entendu son nom, mais dans quelles circonstances, il ne s'en souvient plus. En tout cas, il ne l'a jamais vu.

Pourquoi M. Cherdy n'a-t-il pas fait connaître ces renseignements à la justice ?

C'est que, jamais, antérieurement, personne ne lui avait, à ce sujet, posé de questions.

"On recherchait lors du procès Seznec, me déclare M. Cherdy, un américain très mystérieux de ce nom, en relations d'affaires avec le conseiller général du Finistère. Comment, moi, ancien soldat français, algérien d'origine, connaissant à peine de nom M. Quemeneur, me serais-je, en quoi que ce soit, identifié avec le personnage que Seznec désignait ?"

Il apparaît en effet que M. Cherdy n'est pas celui, existant ou non, dont le témoignage fut si souvent invoqué par le meurtrier présumé de M. Quéméneur. Cependant, d'ici peu, la justice chargera un de ses auxiliaires de faire toute la lumière sur cette affaire, bien qu'en haut lieu on ne semble pas prendre très au sérieux ce fait nouveau.

2/ Le Matin du 8 avril 1926

A la suite des révélations du soldat Guyoton, révélations dont la véracité semblait douteuse et auxquelles on accorde peu de crédit dans les milieux autorisés, Mme Seznec a adressé au garde des sceaux une seconde requête. Elle affirme cette fois, que Cherdy, le mystérieux Américain Cherdy, qui aurait servi d'intermédiaire entre le mystérieux gouvernement des soviets et Quemeneur pour une très grosse affaire d'automobiles, existe et habite à Paris, 17, rue Brochant, où il tient un magasin d'accessoires automobiles.

L'Echo de Paris du 3 mars 1920.

Gherdi et non Cherdy

A cette adresse, il y a en effet une boutique de pièces détachées, mais elle est tenue par un M. Gherdi, et non Cherdy. Celui-ci, que nous avons vu hier après-midi, nous a fait les déclarations suivantes :

- Je me suis occupé après la guerre de la vente de pièces détachées pour automobiles provenant des stocks américains. Je me rappelle très bien avoir vu, sur le tableau de vente du camp de Romorantin une fiche mobile portant le nom de Quemeneur. Il me semble aussi qu'un jour quelqu'un me le désigna :

- Tiens, voilà Quemeneur, le gros acheteur.

"Je serais bien incapable de le reconnaître. Ainsi, non seulement je n'ai jamais été en affaires avec lui, mais je ne lui ai même pas adressé la parole. Quant à Seznec, je crois aussi qu'on m'a parlé de lui à Romorantin, mais je ne l'ai jamais vu. D'autre part je ne suis pas Américain, étant né à Alger en 1892. J'ai fait mon service dans l'armée française. Enfin, et surtout, je n'ai jamais vendu d'automobiles aux soviets. Si je l'avais fait, je n'aurais vraisemblablement pas besoin de tenir ma petite boutique de la rue Brochant. Je n'ai jamais pensé qu'on pût m'identifier avec le mystérieux Cherdy.

Ainsi, la nouvelle "révélation" de Mme Seznec, sur laquelle celle-ci paraissait compter pour la révision du procès, ne semble pas présenter un bien grand intérêt, ni devoir apporter une lumière quelconque sur la disparition de M. Quemeneur."

A propos de CHARLEY, Claude BAL écrit (pages 141 et 142) :

"Un homme accuse CHARLEY d'avoir tué QUEMENEUR. Cet homme a adressé, comme nous l'avons écrit, une lettre anonyme au journal breton "Ouest-Eclair". Il a signé "L'Informé". Il l'était, en effet, parce qu'il a participé à la machination du Havre, qui avait pour but d'empêcher de découvrir les véritables coupables. Le Juge HERVE a révélé que ce personnage, si bien informé, était Alphonse KERNE".

Et il cite cette lettre de "l'Informé", simple lettre anonyme comme beaucoup d'autres reçues, à l'époque et depuis, à l'occasion de cette affaire. Comme l'ex-Juge HERVE, il affirme que cette lettre émane de KERNE mais, pas plus que lui, il ne se donne la peine d'ajouter à son affirmation le moindre élément susceptible de la rendre au moins vraisemblable.

Il s'empresse d'ajouter qu'il ne croit pas à la culpabilité de CHARLEY l'Américain. Heureusement ! GHERDI l'a ainsi échappé belle car on peut être sûr que Claude BAL aurait obtenu ses aveux."

...................................

Il avait de l'humour, le commissaire divisionnaire Camard...

Exit Francis Gherdi...

Mais, une fois encore, les Seznec n'ont pas hésité à accuser quelqu'un d'autre pour sauver leur bagnard.

Cette mauvaise habitude perdurera jusqu'au petit-fils.

 

Liliane Langellier

 

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