Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
28 Octobre 2022
Ce qu'on cherche, on le trouve.
Sophocle
J'ai les yeux en trous de pines de coyotes (élégant reste de vocabulaire de L'Express)...
Je viens d'éplucher consciencieusement plus de trois années entières (novembre 1919/juin 1922) de petites annonces de Ouest-Eclair.
Là on peut être sûr que, ce journal-là, Guillaume Seznec le lisait.
J'ai découvert ainsi que Le Mans était une véritable plaque-tournante de revente des stocks américains.
Ouest-Eclair du 1er juillet 1921
[Une dizaine de parutions à la suite].
Ouest-Eclair du 2 janvier 1921
Ouest-Eclair du 12 février 1921
Ouest-Eclair du 20 juillet 1921
Ouest-Eclair du 20 août 1921
Ouest-Eclair du 16 septembre 1921
Ouest-Eclair du 16 janvier 1922
Ouest-Eclair du 9 février 1922
Plus particulièrement le 149 Quai Ledru-Rollin.
Mais il y avait aussi le "Spur Camp" (lire article ci-dessous).
Ouest-Eclair du 22 septembre 1921
Et d'autres encore...
Ouest-Eclair du 25 décembre 1921
Morlaix/Le Mans = 340 kilomètres.
Pas très compliqué pour notre Seznec de s'y rendre.
Le Mans et la Sarthe ont vu passer de nombreux Américains.
in Ouest-France du 20 avril 2017 :
"Le chiffre est énorme : Le Mans Area accueillit, dès l'armistice, et jusqu'à juillet 1919, près de 1 650 000 « sammies » de retour du front. La Sarthe a vu passer les trois-quarts du corps expéditionnaire américain. Car, lorsque retentit le clairon annonçant l'armistice du 11 novembre 1918, le corps expéditionnaire américain doit organiser le retour à la maison de près de 2 millions de « sammies ».
3 divisions accueillies
Des liens historiques forts existent déjà, par ailleurs, entre le département et les États-Unis. En 1818, La Fayette, libérateur de l'Amérique, avait été élu député de la Sarthe. Et c'est aussi en Sarthe que Wilbur Wright effectua le premier vol en avion.
Mais, surtout, Le Mans bénéficie d'une gare de triage moderne, construite en 1910 et 1916 : ce type de gare est encore très rare en France. Un noeud ferroviaire proche de Tours, où se trouvent les services de ravitaillement du corps expéditionnaire américain.
Dès juillet 1918, Le Mans Area devient une immense base arrière. Pour la seule ville du Mans, des camps de rapatriement sont installés à la caserne Chanzy, à Auvours et près de l'aérodrome. Ils peuvent accueillir entre 8 000 et 20 000 hommes.
Le Classification camp, près de la caserne Chanzy, alignera même, quelque temps, un camp en toile pour 60 000 hommes, dans des conditions d'hygiène déplorables. Il prendra le surnom de « mad house ».
Pas moins de 83 divisions (comptant chacune 20 000 à 25 000 hommes) passeront au Mans Area. Des soldats américains seront cantonnés jusqu'en Mayenne (autour de Laval, Mayenne et Château-Gontier) et au sud de l'Orne (près d'Alençon). Le dispositif comprendra également des formations sanitaires à Angers, à Tours, et des camps plus éloignés à Souge (près de Bordeaux) et Pontanézen (Finistère).
Mais une fois l'armistice célébré, et les « libérateurs » désoeuvrés, les « sammies » vont aussi perturber le rythme de vie de la Sarthe. La présence permanente de quelque 250 000 soldats sur une population de 235 000 habitants n'est pas sans créer des frictions. Le nombre de vols, notamment de tonneaux de calva, augmente. Le port d'armes des soldats débouche, parfois, sur des règlements de comptes, même si l'on ne compte en neuf mois « que » huit meurtres et dix blessés.
Prostitution
Des Manceaux se plaignent d'une explosion de la prostitution clandestine et de l'arrivée de filles de Paris. Une commission mixte, composée des autorités de police française et de l'armée américaine, sera créée pour mettre de l'ordre et le holà sur les rixes et le racolage. Mais aussi réguler les problèmes de ravitaillement : viande et pain seront distribués par tickets.
C'est à l'été 1919 que partiront les derniers « doughboys ». Le 5 juillet, une lettre émanant de la préfecture montre que des troupes US séjournaient encore dans la Sarthe et étaient à la recherche de fusils et de pistolets « appartenant au gouvernement des États-Unis mais actuellement en possession des habitants de la commune ». Il ne reste, de cet épisode du retour des « Amex » au « Mans Area », que très peu de traces."
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"En 1919, il reste encore de nombreuses troupes de l’US Army. La zone de réembarquement hébergera encore, jusqu’en 1919, 200 000 à 300 000 soldats américains, entre Sarthe, Orne et Mayenne. Parmi eux, Ils auront été 1 650 000 à transiter en Sarthe, entre 1917 et 1919. Buster Keaton, caporal de la 40e division d’infanterie et acteur hollywoodien passé dans la postérité. Il aurait séjourné au Mans quelques jours en décembre 1918. Ces trains du retour emporteront aussi des milliers de réfugiés qui avaient fui la guerre. En 1917, la Sarthe accueillait au total 8 000 réfugiés (français et étrangers), d’après les recensements de la préfecture."
in Ouest-France du 6 novembre 2018
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Kermina, lui, au Mans, c'était 51 bis, route de Parigné.
C'est aussi intéressant, très, de rechercher les petites annonces de Kermina.
Sur deux années de Ouest-Eclair....
Ils vendaient de tout...
Novembre/Décembre 1919 : Zéro annonces.
Année 1920 :
Ouest-Eclair 10 août 1920
Ouest-Eclair 11 août 1920
Ouest-Eclair 15 août 1920
Ouest-Eclair 16 août 1920
Ouest-Eclair 1er octobre 1920
Année 1921 :
Ouest-Eclair du 7 février 1921
Ouest-Eclair du 17 février 1921
Ouest-Eclair du 7 juin 1921
Ouest-Eclair du 18 octobre 1921
Ouest-Eclair du 12 novembre 1921
Ouest-Eclair du 19 novembre 1921
Ouest-Eclair du 26 novembre 1921
Année 1922 [6 premiers mois] : Zéro annonces.
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On peut dire que Ouest-Eclair a fait son gras avec les annonces concernant les stocks américains.
Pas un jour en ces deux années 1919/1921 où ne soit publiée une annonce sur les ventes U.S.
On y vend de tout : des grands et petits baraquements, du bois, des fers à chevaux, du blé, du seigle, des confitures, des chocolats, du corned-beef, du savon, des tentes, des tôles ondulées, des bâches, des balais, des bas, des chaussures, des brodequins, des fringues, des chemises, des vestes, des tricots, des chapeaux de toile, des peignoirs, des mouchoirs, des sous-vêtements, des cuirs, des lits en fer, des couvertures, des matelas, des draps, des serviettes éponges, des oreillers, des machines à écrire (si, si...), du papier machine, des pinceaux, de la papeterie, des articles de bureau, des châssis, des camions, des voitures, des remorques citernes, des tracteurs, des pièces détachées, des bandages pour camions, etc...
Les annonces Kermina, elles, sont toujours en dernière page.
Il est totalement impossible que Guillaume Seznec n'ait pas lu l'une de ces annonces en deux ans...
C'est quand même autre chose que l'annonce O.I.R. de l'autre taffa...
Qui reste encore persuadé qu'il va trouver la clé de l'affaire Seznec dans ses vieux papiers...
Avec toutes ses magouilles...
Seznec aurait-il acheté à crédit aux Kermina quelques marchandises qu'il n'aurait pu rembourser (?)
Les Kermina n'étaient pas des tendres.
En page 160 de Bernez Rouz :
"D'où son mutisme ensuite sur ces trafiquants qu'il connaissait depuis 1920. Seznec se serait tu pour protéger sa famille."
Alors, oui...
Avec cette manne inespérée à portée de mains....
Vous m'étonnez que ce grenouilleur de Seznec se soit cru arrivé au paradis !!!
Cela lui a valu l'enfer.
Liliane Langellier
P.S. Et je vous remets encore un peu d'Henri Béraud :
Bonsoir du 18 mai 1920