Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
17 Février 2025
Posons d'abord pour premier principe que la plus mauvaise transaction, rédigée même par un notaire ignorant, est meilleure que le meilleur procès.
Oeuvres diverses, Code des gens honnêtes, III de Honoré de Balzac
(Propriété Archives du Finistère)
Voici quelques précisions qui pourront être d'une certaine utilité pour l'enquête en cours :
J'ai passé les fêtes de Pentecôte, c'est-à-dire les 20 et 21 mai derniers en compagnie de mon beau-frère Quémeneur Pierre. Le lundi soir alors que nous étions à table à Landerneau, Mr Seznec a téléphoné à mon beau-frère. Après la communication, celui-ci m'a fait connaître qu'il venait de prendre rendez-vous avec Mr Seznec pour le lendemain à Brest. A ce moment-là, j'ai recommandé à mon beau-frère d'être très circonspect dans les affaires qu'il se proposait de traiter avec Seznec.
Le lendemain, Mardi 22 mai, vers 10 heures du matin, mon beau-frère m'a téléphoné de Brest pour m'annoncer que M. Seznec venait de lui proposer une affaire très intéressante et qu'il lui fallait immédiatement environ cent cinquante mille francs. J'ai répondu à mon beau-frère que je ne pouvais lui avancer la totalité de cette somme, mais que je pouvais mettre à sa disposition environ cinquante mille francs. Du reste, le même jour, mon beau-frère m'a confirmé sa demande par une lettre que je vous remets (M. Pouliquen dépose entre nos mains, pour être annexée au présent une lettre datée de Landerneau le 22 mai 1923 et signée Pierre.)
Annexes cette lettre au présent après l'avoir paraphée ne varietur.
Par cette lettre, mon beau-frère me priait de lui faire parvenir un chèque barré de de soixante mille francs payable à la Banque de France.
Deux jours après, le 24 mai, mon beau-frère me télégraphiait de Rennes dans le but de me faire modifier mon envoi et d'établir mon chèque sur la Société Générale. D'après ce télégramme, je devais lui adresser le dit chèque Poste Restante N°3 à Paris.
(M. Pouliquen nous remet ce télégramme que nous avons annexé au présent après l'avoir paraphé ne varietur)
Au bout de sept à huit jours, n'ayant pas reçu d'accusé de réception de mon chèque, j'ai télégraphié à la Société Générale de Paris qui m'a répondu qu'il n'avait pas été présenté.
J'ai alors télégraphié à M. Le Receveur du bureau de Poste N°3, boulevard Malesherbes à Paris pour lui demander si mon chargement avait été réclamé par le destinataire. Il m'a été répondu que mon chargement était toujours en instance Poste restante.
Vraiment inquiet de ne pas recevoir des nouvelles de mon beau-frère, je suis allé trouver M. Seznec à Morlaix.
M. Seznec m'a fait connaître qu'il avait pris rendez-vous avec mon beau-frère avec qui il s'était rencontré le 24 mai à Rennes. Ils auraient passé la nuit à l'hôtel parisien. M. Seznec pilotait une voiture "Cadillac" avec laquelle ils devaient se rendre à Paris.
Toujours d'après M. Seznec, ils seraient partis le lendemain vendredi 25 mai à cinq heures du matin pour Paris. Par suite de panne et crevaisons nombreuses, ils ne seraient arrivés à Dreux que vers quatre ou cinq heures de l'après-midi.
Après avoir réparé la voiture au garage Hodey, 33, rue d'Orfeuil à Dreux, ils auraient de nouveau repris la direction de Paris, mais de nouvelles pannes les auraient obligés à rebrousser chemin sur Dreux où ils seraient arrivés à la tombée de la nuit vers huit heures du soir.
A ce moment, mon beau-frère aurait quitté M. Seznec pour prendre le train à destination de Paris.
M. Seznec m'a déclaré s'être séparé de mon beau-frère, le vendredi 25 mai, vers neuf heures du soir devant la gare de Dreux. Toujours d'après M. Seznec, mon beau-frère devait se rencontrer le lendemain matin vers huit heures trente à Paris avec un américain du nom de Chardy ou Cherdy, dans une brasserie de l'Avenue du Maine, en face de la gare Montparnasse. Au cours de notre entretien, M. Seznec m'a fait connaître qu'il avait reçu des lettres de cet américain mais qu'il les avait remises aussitôt à mon beau-frère, à qui en réalité elles étaient destinées.
Comme je faisais remarquer à M. Seznec le peu de confiance que m'inspiraient ces relations avec cet américain, il m'a répondu : "Que voulez-vous ces lettres étaient tellement bien écrites et présentées de telle façon que tout le monde pouvait s'y laisser prendre."
Il est donc établi, de l'aveu même de M. Seznec, que ce dernier prenait connaissance de la correspondance adressée par l'américain Cherdy ou Cherdly à mon beau-frère.
M. Seznec m'a dit en outre qu'au moment de se séparer de mon beau-frère, ce dernier lui avait déclaré : "Tâche de réparer et viens me rejoindre à Paris ; dans le cas contraire, retourne à Morlaix où ton mécanicien pourra mettre la voiture en état. A Paris, tu n'auras qu'à me demander à l'Hôtel de Normandie à côté de la gare Saint Lazare."
M. Seznec m'a dit être venu à Paris pour demander mon beau-frère à l'Hôtel de Normandie. On lui aurait répondu que M. Quémeneur était inconnu.
Je m'étonne que M. Seznec qui devait traiter une affaire avec mon beau-frère, ne se soit pas davantage inquieté de son silence. Il n'a fait aucune démarche auprès de nous. Lorsque je suis allé le voir, il avait l'air complètement rassénéré et ne partageait nullement mon angoisse.
Pas plus au moment de ma visite à M. Seznec qu'après, ce dernier ne m'a fait part qu'il avait une promesse de vente d'une propriété appartenant à mon beau-frère. Je dois cependant à la vérité de dire qu'il y a environ trois mois, mon beau-frère m'a dit que M. Seznec lui achèterait peut-être sa propriété de "Plourivo".
En ce qui concerne le prix de cette propriété, mon beau-frère qui m'avait demandé de la vendre en exigeait comme tout dernier prix cent quarante mille francs. Du reste, il y avait preneur à cent vingt mille.
Il est de notoriété publique que la situation financière de M. Seznec est très obérée.
Par ailleurs, mon beau-frère a prêté quinze mille francs à M. Seznec. Je possède le reçu de ce prêt que je verserais à l'instruction.
En garantie, M. Seznec avait déposé une automobile marque "Cadillac" qui devait devenir la propriété de mon beau-frère, le 22 décembre 1922, en cas de non remboursement de la somme prêtée.
J'ai fait l'expédition du chèque, M. Quémeneur, Poste Restante N°3, Boulevard Malesherbes à Paris le 25 mai dans la soirée. Cet envoi a eu lieu sous pli chargé valeur déclarée : dix mille francs. Je n'avais pas barré le chèque pour permettre à mon beau-frère de le toucher plus facilement.
Je dois faire remarquer que la veille de son départ pour Brest où il devait rencontrer M. Seznec mon beau-frère ne m'a nullement fait allusion à son projet de vente de propriété. Ceci est important car mon beau-frère avait une grande confiance en moi et n'aurait pas traité une semblable affaire sans me consulter.
Encore un détail qui me paraît avoir son importance : le 21 mai, c'est-à-dire la veille de son rendez-vous, mon beau-frère ne m'a exprimé aucun besoin d'argent et ne m'a même pas fait prévoir qu'il pouvait en avoir besoin. Je m'étonne donc que le lendemain, il m'ait adressé une pareille demande. C'est donc à Brest que la proposition de l'affaire lui a été faite.
...............
Rien de nouveau sous le soleil.
Rien que nous ne sachions déjà.
Pouliquen : Le lendemain, Mardi 22 mai, vers 10 heures du matin, mon beau-frère m'a téléphoné de Brest pour m'annoncer que M. Seznec venait de lui proposer une affaire très intéressante et qu'il lui fallait immédiatement environ cent cinquante mille francs.
Saleun : Le mardi 22 mai dernier, vers onze heures vingt, il s'est présenté au Siège de la Société Bretonne et il m'a demandé à avoir avec moi un entretien particulier, que je lui ai accordé.
Quémeneur a d'abord sollicité Pouliquen, puis la banque, puis de nouveau Pouliquen ?
Liliane Langellier