Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
24 Avril 2025
“La certitude provient d'une vision tronquée.”
Jean-Claude Clari / Catherine de I à V
Le standard 256 90 20, Marie-Thérèse Cuny, est-ce que avez-vous du nouveau ???
Cuny : Oui, nous avons du nouveau, nous sommes pour l'instant en train de retrouver, je pense, monsieur Begué, mais je ne sais pas si nous pourrons l'avoir dans le cours de l'émission, nous avons sa petite fille en ligne en ce moment, je vous rappellerai...
Bellemare : D'accord. Bien.
Deuxième rebondissement énorme, celui-là, le 20 juin, on retrouve, donc, 7 jours après l'envoi du télégramme, hein, le 20 juin, on retrouve la valise de Pierre Quémeneur sous une banquette de la gare du Havre.
Cette découverte est faite de quelle manière, Marcel Jullian, d'après ce que nous savons en 3 temps, je crois...
Jullian : Il s'agit d'un autre mystère.
Alors, premier temps, un individu entre dans la salle d'attente, il est porteur de deux valises.
Deuxième temps, monsieur Leroy, un employé de la gare, le voit fouiller dans l'une des valises, puis s'allonger sur la banquette et s'endormir.
Troisième temps, monsieur Moutel ou Montel, également employé de gare, voit l'une des valises abandonnée sur la banquette, l'une des deux, l'homme a disparu, il tente de le rattraper alors qu'il prend le train de Saint-Nazaire.
Donc, un homme est entré avec deux valises, s'est endormi et est reparti avec une seule, et a laissé, délibérément ou par oubli, l'une des deux valises sous la banquette.
Alors là, on est toujours dans la même question, toujours on cherche Seznec puisque c'est parti dans cette direction...
A-t-on la description, faite par les deux témoins que nous venons de citer, de l'individu qui a abandonné la valise ???
Denis Le Her : Oui, enfin, avant de vous donner la description, je voudrais vous signaler qu'il ne faut pas que les auditeurs oublient que c'est une affaire très compliquée, c'est qu'en fait, l'affaire Seznec commence réellement, l'affaire Quémeneur, bien sûr, à partir du 20 juin, en fait le 21 ou le 22, c'est lorsqu'on trouve la valise, jusqu'ici, il n'y a pas de suspicion, Quémeneur a disparu, m'enfin ça n'inquiète pas grand monde, bon, la description de ce type-là, le type qui a abandonné la valise...
Aucun employé de la gare, et il y en a quand même une quantité de témoins, ne reconnaît Seznec, toujours sur une fameuse photo dont on parlera par la suite, or cette description est quand même celle ci : il a 25 ans environ, je vous signale que mon grand-père a près de 44 ans, 1 m 65, mon grand-père est très grand, mince, châtain, petite moustache, costume gris clair, une casquette de jockey jaunâtre ou de marin, éventuellement...
Jullian : Ce n'est ni Seznec ni Quémeneur...
Bellemare : Alors, là, c'est important, parce que donc, les employés de la gare qui, eux, ont vu, qui ont remarqué, notamment l'un de ces employés qui a bien remarqué ce personnage avec ses deux valises, qui attend, qui en oublie une, qui repart, on donne comme âge immédiatement et spontanément 25 ans...
Or, c'est d'autant plus important qu'un homme de 44 ans, à l'époque de Seznec, et Seznec, je le rappelle également pour nos auditeurs, est brûlé au visage, c'est un monsieur qui a donc un visage très marqué parce qu'il a eu un accident...
C'est un monsieur très très marqué et c'est un monsieur qui fait plus âgé qu'un monsieur de 44 ans aujourd'hui, car, à 44 ans, en 1923, on faisait plus âgé que 44 ans aujourd'hui...
Jullian : Plus vieux, en quelque sorte...
Bellemare : Donc, dire 25 ans, c'est décrire vraiment un homme jeune, donc, qui ne peut pas avoir de rapport avec Seznec, et, pas plus d'ailleurs, il faut le dire, avec monsieur Quémeneur, c'est exactement pareil, ça ne peut pas être ni l'un ni l'autre, c'est très important.
Donc 25 ans, 1 m 65, je répète ces choses-là parce qu'il faut que nos auditeurs les comprennent bien, et qu'ils se mettent bien ces détails dans la tête, parce que Denis Le Her, lui, qui se bagarre depuis des années et des années, il connaît quasiment tout ça par cœur, il nage dans tous ces détails parfaitement, mais, nous, bien entendu, nous avons plus de difficultés.
Jullian : Disons que l'homme de la gare du Havre est un troisième homme et aucun des deux dont on parle depuis le début de cette enquête.
Bellemare : Voilà. Alors maintenant, deuxième chose, on trouve cette valise, bien, déposée par cet homme qui n'a pas de rapport avec Quémeneur ou Seznec...
Bien. Qu'y avait-il de manière très précise dans la valise, s'il vous plaît ???
Denis Le Her : Alors sans commentaires même. La valise, bon, c'est une valise classique en osier, etc... en osier plutôt de couleur...
Bellemare : Qui est la valise de Quémeneur ?
Denis Le Her : Absolument indiscutable.
Alors, première chose, les serrures ont été forcées...
Bellemare : Oui...
Denis Le Her : Deuxième chose, elle a séjourné dans l'eau de mer, ça, il n'y a pas de problème, c'est du sable de mer.
Aucune recherche ne sera faite dans ce sens-là.
Bellemare : Elle a séjourné dans l'eau de mer...
Denis Le Her : Par contre, on cherchera dans les sablières de Houdan, par la suite, mais de l'eau de mer, non...
Alors, tout est trempé mais vous remarquerez une chose, c'est que les papiers qui vont être le centre peut-être de l'affaire, eux, ne sont pas mouillés.
Bellemare : Ils sont secs.
Denis Le Her : Ils sont secs.
Bellemare : Mais qu'est-ce qu'il y a dedans de mouillé, justement ???
Denis Le Her : Alors Quémeneur avait, normalement, s'il avait disparu avec mon grand-père, si mon grand-père était son assassin, aurait vécu UNE journée.
Bellemare : Nous sommes d'accord.
Denis Le Her : Je vous signale qu'on trouve déjà une chemise usagée, deux paires de chaussettes usagées, c'est à dire une sale, c'est à remarquer que Quémeneur, si c'était la thèse de l'accusation et bien, il s'est changé deux fois ce jour-là...
Jullian : C'était un dandy...
Denis Le Her : C'était un super dandy... Trois cols une cravate, il manque un costume, ça c'est Jenny Quémeneur, sa sœur qui le dira, il manque un costume neuf.
Il y a des papiers d'identité, des papiers d'identité, une serviette de cuir avec des papiers...
Bellemare : Tout ça est mouillé ???
Denis Le Her : Tout ça est mouillé...
Jullian : La serviette de cuir qui contient les papiers est mouillée mais pas les papiers...
Denis Le Her : Les papiers sont pas mouillés, le carnet de Quémeneur où il marque ses comptes, est pratiquement pas délavé, vous voyez c'est très lisible, le portefeuille comporte du sable dedans, du sable d'eau de mer, et c'est encore dans le dossier actuellement. Il y a encore le sable...
Donc, vous voyez que ça mériterait encore des analyses d'ailleurs même de nos jours...
Bon, ces papiers ont été saisis globalement, on y reviendra peut-être par la suite...
Enfin, serrures forcées et 8 petites, toutes petites taches, de moins d'un vingtième de millimètre, de taches brunâtres, ce qui a fait dire à la presse "une valise ensanglantée"...
Ce qui était énorme, c'est resté un peu dans l'histoire, en fait, il n'y a pas de sang les experts sont absolument formels, ce n'est pas du sang.
Jullian : Quand vous dites qu'il y a des papiers, vous dites qu'on les saisit globalement, on verra ce qu'il y a dans ces papiers, mais, dans ces papiers, il y a en tout cas un acte de vente.
Ce fameux acte de vente avec lequel on a ouvert l'enquête, en demandant qui pouvait l'avoir tapé, enfin en recherchant la vérité sur cet acte de vente.
Bellemare : Cet acte de vente, je vous le rappelle, c'est l'acte de vente d'une propriété appartenant à Quémeneur, à Seznec.
Jullian : Et c'est le mobile du prétendu crime ?
Bellemare : Oui parce qu'il s'agirait d'un faux acte de vente...
Jullian : Cet acte de vente, tel qu'il est pris dans cette valise, est présenté à votre grand-père, et il le reconnaît... Comme étant l'acte de vente authentique. Vrai ou faux ???
Denis Le Her : Bien sûr, lui, il ne voit vraiment pas d'inconvénients à reconnaître l'acte...
Bellemare: Donc, lui, quand il voit ça, il dit "c'est l'acte de vente"..
Et pourtant très rapidement, on l'accuse d'avoir fait un faux.
Alors, nous allons voir de quoi il s'agit dans quelques instants. Faux ou pas ???
Mais, après la page de publicité.
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Alors, revenons sur tous ces événements, si vous le voulez bien...
Le télégramme, d'abord, ce télégramme est considéré comme UN FAUX. Fabriqué par Seznec.
L'acte de vente de la propriété appartenant à Quémeneur, et qu'il dit avoir acheté, serait UN FAUX également.
Et les présomptions de meurtre deviennent énormes...
Et pourtant, Denis, votre grand-père maintient que l'acte de vente, dont il possède le double est bien réel.
On l'accuse alors d'avoir décalqué la signature de Quémeneur et les mentions manuscrites qui figurent sur l'acte de vente : "Fait double à Landerneau le 22 mai", sur un autre papier qu'il se serait procuré.
Il aurait même décalqué sa propre signature...
Jullian : Oui, là, ça va loin tout de même... Je veux dire, prenons quelqu'un qui veut faire un faux, si c'est une tierce personne, il décalquera les deux signatures des personnes qu'il veut imiter...
Si c'est l'une de ces deux personnes, il décalquera celle qu'il ne sait pas faire naturellement et fera naturellement la sienne..
Mais, moi, il me semble que, je vois mal Seznec décalquant sa propre signature..
Bellemare : C'est tellement inutile qu'on ne voit pas vraiment l'intérêt de la chose.
Bien.
Alors, nous avons à ce sujet, interroger monsieur Guislain (*), monsieur Guislain est expert auprès des tribunaux...
Il a travaillé sur les écritures en question, il vient d'ailleurs juste de terminer son travail, et, a bien voulu nous résumer ses conclusions qu'il a d'ailleurs remises en détail à maître Langlois.
Écoutez...
Marcel Guislain : Nous avons feuillé dans les 2.500 mots des 5 correspondances écrites qui m'ont été communiquées, qui ont été écrites dans la prison de Morlaix et de Quimper par Seznec, dans ces 2.500 mots, nous n'avons absolument trouvé aucun de ces micro tracés de décrochement, ce genre de tracé, inconscient, est absolument et totalement absent de son graphisme, j'insiste bien sur ce point, n'est-ce pas...
Marie-Thérèse Cuny : Totalement absent ???
Guislain : Totalement absent. En ce qui concerne les deux actes, maintenant, nous avons établi à la fois par une étude à la fois micrométrique et morphologique que ces deux actes, ces deux documents, ont été écrits par la même main.
Cuny : La mention manuscrite qui est en bas...
Guislain : Qui est en bas...
Cuny : C'est la même que celle du télégramme ???
Guislain : C'est la même que celle du télégramme ???
Cuny : Vous êtes affirmatif là-dessus ???
Guislain : Affirmatif absolu. Et, j'ai fourni à cet égard des planches comparatives avec l'écriture authentique Seznec, il n'y a pas de doutes là-dessus ce n'est pas lui qui a écrit ni le télégramme ni les deux actes...
Cuny : Monsieur Guislain, pour nous résumer, si vous le voulez bien, le télégramme n'est pas écrit par Seznec ???
Guislain : Non.
Cuny : La mention manuscrite sur les actes de vente ne le sont pas non plus ???
Guislain : Non plus.
Cuny : Par contre, vous trouvez dans un document fourni, qui a été découvert chez monsieur Quémeneur, une écriture qui ressemble à l'écriture du télégramme et du contrat de vente ???
Guislain : Exactement...
Cuny : Vous connaissez le propriétaire de l'écriture mais vous ne pouvez pas le dire ???
Guislain : Ah ça, alors c'est un problème qui est compliqué, plus grave, mais j'ai trouvé des éléments extrêmement troublants, mais pas dans une écriture de comparaison qui m'a été communiquée, dont je ne peux pas communiquer le nom de l'auteur, bien entendu, mais pour cela, demanderait à être éclairci par des experts désignés par un tribunal éventuellement, d'ailleurs, je pense que mon rapport permettra par sa précision, je crois, n'est-ce pas, je crois avoir établi la nécessité pour les autorités qualifiées de reconsidérer sous un nouvel angle, la véritable solution qu'il convenait de donner à cette malheureuse affaire qui, je crois pouvoir le dire, n'a pas été examinée, à l'époque, avec toute l'attention que l'on accorde, disons actuellement, à des affaires d'une telle importance.
Bellemare : Déclaration très importante...
Jullian : Capitale...
Bellemare : Marcel Jullian, qu'en dites-vous, hein ???
Jullian : Non mais, ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'à partir du 13 juin, tout ce qui va se passer que l'on attribue à Seznec, si l'on s'en tient à cette expertise, n'est pas de Seznec...
Alors, après la disparition du conseiller Quémeneur, QUI a intérêt à faire croire un temps, tout se passe comme si ce télégramme miraculeux, qui arrive le jour du dépôt de la plainte, mais on dirait "à point nommé" pour donner du temps pour bâtir autre chose.
On a le sentiment que commence alors quelque chose, qui, de près ou de loin, ressemble à une machination...
Le 13, et c'est le début, on se donne le temps qu'il y ait une valise le 20, dans cette valise, le 20, il y a un document, nous le verrons plus tard parce qu'il il faudra avoir beaucoup travaillé sur cette période, qui ne peut, qui soi-disant n'aurait pu être fait lui-même, ce fameux document, ce fameux acte de vente, n'aurait pu être fait que le 13...
Donc, tout se construit après la disparition, sinon la mort, nous ne nous prononçons pas et nous ne savons pas de Quémeneur.
Donc, je pense qu'il faut chercher, repartir dans les Cadillacs, rechercher pourquoi et comment aurait pu être tué Quémeneur et de voir pourquoi et comment, si cela a été ainsi, qui et pourquoi avait intérêt à ce que ce meurtre fut supporté par quelqu'un de précis, et que l'affaire s'éteignit en même temps que la prétendue ou exacte justice qui s'est abattue sur Seznec.
Bellemare : Oui, donc, là, le mot "machination" est lancé et c'est un mot qui va maintenant revenir bien sûr souvent dans notre enquête.
Alors, il se trouve que le contrat de vente a été dactylographié, hein, sur une machine, ce contrat de vente, dont on parle tant, avec ses inscriptions ou pas, qui ne sont pas, je le rappelle, de la main de Seznec selon notre expert que vous venez d'entendre, je le rappelle ...
Bien, alors, le contrat de vente a été dactylographié, bien sûr, sur une machine que, pour l'instant, au moment de cette affaire où nous en sommes, le 20 juin, ils n'ont pas retrouvée.
Mais, ils vont la retrouver...
Jullian : la machine ???
Bellemare : Et oui, bien sûr, au cours d'une perquisition effectuée le 6 juillet...
Jullian : Après trois perquisitions... Bellemare : Et, où vont-ils la retrouver le 6 juillet ???
Au domicile de Guillaume Seznec, qui est vraiment le criminel le plus bête qui soit, parce que, franchement, il accumule toutes les preuves possibles et imaginables pour se faire arrêter, n'est-ce pas ???
Jullian : D'autant, qu'on le verra, il est allé la chercher ailleurs pour la transporter chez lui, si l'on suit la thèse de l'accusation...
Bellemare : Absolument. On verra ça... Et c'est là que l'on va retrouver parmi les enquêteurs, que je tiens à le dire maintenant, c'est un grand ami à nous, un inspecteur de police encore jeune, et au début de sa carrière (NDLR voix chantante) quelqu'un que nous connaissons bien, que l'on retrouve dans les plus grandes et les plus scandaleuses affaires policières...
J'ai nommé : l'inspecteur Bonny.
Jullian : Le revoilà, coucou...
Bellemare : Et on peut même dire que l'inspecteur Bonny, la fameuse bande Bonny et Laffont qui fut exécutée à la fin de la dernière guerre, et bien l'inspecteur Bonny, c'est sa première grande affaire sur le plan criminel, on verra ça plus tard...
Alors, on a beaucoup attribué d'initiatives à Bonny dans toutes ces enquêtes, a-t-il eu des initiatives dans l'affaire Seznec : OUI ou NON ???
Et bien, si vous le voulez bien, Marcel Jullian et Denis Le Her, nous le verrons demain peut-être et je vous raconterai l'histoire de cette fameuse machine à écrire, une Royale, la plus célèbre de toutes les machines à écrire de l'histoire criminelle...
Alors, je me tourne une dernière fois vers Marie-Thérèse Cuny est-ce que nous avons des nouvelles de la petite fille que vous aviez retrouvée tout à l'heure ???
Cuny : Nous avons deux bonnes nouvelles, nous n'aurons ces personnes que dans l'après-midi malheureusement, je vous en rendrai compte tout à l'heure...
Bellemare : D'accord, donc, continuez à nous appeler si vous avez des témoignages au 256 90 20, nous nous retrouverons demain pour parler de la machine à écrire de l'affaire Seznec, on peut dire que c'est capital dans l'affaire...
A demain pour Les Grandes Enquêtes d'Europe 1....
(*) Marcel Guislain : Chez Denis Seznec en page 225 :
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Fin de la première cassette de 120 minutes...