Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
12 Avril 2025
(Propriété Archives du Finistère)
Monsieur le Président,
L'affaire Seznec ne devant sans doute venir aux assises qu'en octobre prochain, je me permets d'attirer votre attention sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir pour l'accusation à connaître la moralité du témoin Le Her. La déposition de ce dernier a causé un véritable scandale dans les régions de Pont-Croix, Quimper et Ploudalmézeau où Le Her est si désavantagement connu. Plusieurs personnes indignées de la façon dont le témoignage avait été présenté dans les journaux m'ont confié que leur premier mouvement avait été d'écrire à M. Campion pour lui dévoiler l'immoralité du témoin Le Her, mais à la réflexion, ils ont préféré se taire pour éviter les ennuis et les déplacements que leurs interventions n'auraient pas manqué de leur susciter. Je tiens à vous faire connaître ici, d'une façon aussi fidèle que possible, ce que j'ai appris au sujet de Le Her au hasard des rencontres, par des personnes dignes de foi, vous laissant ensuite le soin d'approfondir les faits si vous le jugez à propos.
Préalablement je vous signalerai que le témoin Le Her a déjà passé en Cour d'assises à Quimper, pour attentat aux moeurs je crois. Il fut acquitté faute de preuves suffisantes, et je sais de bonne part que l'avocat qui l'avait tiré de ce mauvais pas n'a jamais réussi à se faire régler de ses honoraires.
Monsieur Hénaff notaire à Pont-Croix m'a raconté que Le Her se présenta un jour dans son Étude, habillé d'un superbe costume que rehaussaient des lunettes dorées et une chaîne de montre en or, et porteur des insignes de la Croix de guerre, médaille militaire et Légion d'honneur. Il venait pour la location d'une maison à Pont-Croix. M. Hénaff ne fut pas longtemps dupe de son client, sa façon de s'exprimer l'avait trahi. Le Her acquit très vite une réputation détestable à Pont-Croix et le bail qui lui avait été consenti se trouvant résilié par suite de décès de la propriétaire, Le Her se vit expulsé par ministère d'huissier au grand contentement de tous ses voisins. Contrairement à ses déclarations à M. Le Juge d'Instruction Le Her n'a jamais tenu ni débit ni tannerie, il tenait tout simplement une modeste sellerie et ne possédait presque pas de mobilier. Jamais il n'a été victime d'incendie à Pont-Croix ! Au cours de l'été 1920 M. Hénaff rencontra dans les rues de Pont-Croix M. Le Her à qui il demanda ce qu'il faisait actuellement.
Le Her répondit qu'il était employé au ministère de l'Intérieur à Paris et qu'il se trouvait en permission. M. Henaff ne fut pas dupe de ce nouveau mensonge.
Je rencontrai M. Maurice Baudoux ancien Combattant à Pont-Croix qui me fit au sujet de Le Her des révélations très graves. Le Her, me dit-il, est venu à Pont-Croix pendant la guerre, nul ne le connaissait auparavant. Aussitôt, il voulut se mettre en évidence ; il se disait premier maître de la Marine en retraite : arborant toutes sortes de décorations (Croix de guerre, médaille militaire et légion d'honneur) ; il voulait même se mettre à la tête des anciens Combattants et discourir dans leurs réunions. Tant d'audace et d'embarras leur fit ouvrir les yeux ; une enquête discrète fut organisée et l'imposteur vite démasqué. Le Her avait tout simplement servi cinq ans dans la Marine en qualité de simple matelot. Rappelé pendant la guerre, il s'était fait réformé peu après avec une pension de 30 % sans avoir jamais été au front. Il n'avait matériellement droit à aucune décoration. Le Her aurait d'après lui falsifié son titre de pension de 30 % et aurait par suite de grattage porté le titre à 100 % ; il aurait également fait mettre à tort ses enfants dans les pupilles de la Nation. Ces faits d'après M. Baudoux auraient été porté à la connaissance de M. Cazenavette procureur de la République de Quimper. Président des anciens Combattants M. Baudoux termina en me disant que le maire de Pont-Croix possédait un dossier édifiant sur le compte de Le Her et me priait d'insister auprès du Juge d'Instruction pour qu'une enquête sérieuse fut faite par la police mobile de Rennes, sur le compte de Le Her dans les régions de Pont-Croix et Quimper.
Une autre personne de Pont-Croix, M. Gloaguez maître d'hôtel me parla de Le Her en ces termes :
Le Her ayant été expulsé de sa maison par ministère d'huissier et ses meubles mis dans la Rue et personne ne voulant le savoir, il me demandait asile par pitié pour sa femme et ses enfants. J'acceptais de les héberger quelques jours ; mais comme je connaissais à fond mon client je le faisais passer à la caisse à chaque repas en sortant de table. Un soir Le Her me glissa entre les mains et monta dans sa chambre à mon insu. Quand je me levai le lendemain il avait déguerpi, naturellement sans régler.
Tout le monde à Pont-Croix connaît, me dit-il l'histoire des peaux de renards. Le Her avait un jour exposé à sa porte deux magnifiques peaux de renards. Deux Parisiennes de passage à Pont-Croix se laissaient tenter par les fourrures. Elles entrèrent chez Le Her, demandèrent le prix qu'elles réglèrent immédiatement. Au moment de livrer les fourrures Le Her fit remarquer à ses clientes que le cuir n'était pas encore bien sec et qu'elles auraient avantage à les lui laisser quinze jours de plus, il les adresserait chez les dames à Paris. Ces dernières sans défiance laissaient les fourrures qui naturellement ne partiraient jamais.
Une autre fois Le Her suspendit auprès de sa porte un beau harnais de campagne. Les paysans alléchés demandaient le prix du harnais, payaient un acompte pour permettre l'achat du cuir. Mais quand ils revenaient dans la semaine après pour prendre livraison du harnais qu'ils avaient commandé, on les priait de sortir en leur disant qu'on ne les connaissait pas et qu'ils se trompaient d'adresse.
M. Le Her faisait la vie très dure à sa famille et sa maison était un lieu de débauche.
Monsieur Le Page, tanneur à Quimper, m'a raconté qu'il fut lui aussi victime de Le Her. D'abord favorablement impressionné par la tenue de son client (bijoux et décorations), il lui livra d'importantes commandes de cuir qu'il paya au début, mais bientôt ses paiements arrêtèrent et M. Le Page (d'accord en ceci avec les autres tanneurs de Quimper) se vit dans l'obligation de demander la faillite de son client, sur ces entrefaits, il apprit que M. Le Her expulsé de Pont-Croix et se refusant à faire tout paiement, avait acheté à Plomodiern un fonds de commerce sur le prix duquel un acompte de 600 à 700 francs avait été versé. M. Le Page a fait aussitôt par l'intermédiaire de Me Michel huissier à Châteaulin opposition sur cette somme. Un jour, c'était le 11 où le 13 mai de l'année dernière 15 jours à peine avant la disparition de M. Quémeneur M. Le Her fixait un rendez-vous à M. Le Page à Plomodiern pour le règlement de cette affaire. M. Le Page s'y rendit en compagnie de Me Michel huissier à Châteaulin. Comme ils entraient dans la maison de la personne qui avait cédé son fonds à Le Her (c'était une victime de guerre avec 5 ou 6 enfants), cette dernière vint à eux les suppliant de la débarrasser de cet individu qui avait tiré dans sa maison un coup de revolver parce qu'elle ne voulait pas céder à ses désirs. La trace de la balle était visible dans le mur. Le Her s'excuse en disant qu'il était employé au ministère de l'Intérieur, qu'il avait droit au port du revolver et qu'il avait tout simplement voulu essayer son arme.
Cet autre épisode de la vie de Le Her me fut raconté par M. Le Corre, brigadier de gendarmerie à Lesneven. M. Le Corre, en ce moment gendarme à Quimper, se trouvait un jour avec l'un de ses collègues préposé à la garde d'une fille soumise - qui avait comparu devant le tribunal correctionnel et que les juges avaient acquittée.
Au moment où les gendarmes menaient après l'audition cette fille au greffe pour la main levée d'écrou, un individu qu'ils ne connaissaient pas se mit à les suivre et interpella cette fille en ces termes : j'ai assisté à l'audience et votre affaire m'a intéressé, je vous plains sincèrement, vous allez vous retrouver dans la rue sans abri ni refuge - si vous voulez me suivre je vous offrirai pour ce soir le couvert et le lit. La fille une fois libre suivit son protecteur. Le gendarme Le Corre faisant un jour l'intérim à la brigade de Pont-Croix ne fut pas étonné de rencontrer dans les rues de cette ville cet homme compatissant qui n'était autre que Le Her.
Ma réflexion en terminant, Le Her qui se trouvait le 11 ou le 13 mai 1923 à Plomodiern avait là un point de repère pouvant lui permettre dès le début de situer approximativement sa rencontre avec M. Quémeneur. D'un autre côté, s'il est vrai qu'il n'a passé que 15 jours dans les tramways parisiens, je ne comprends pas qu'il ait déclaré les premiers jours ne pouvoir même indiquer le mois où il avait rencontré M. Quémeneur.
J'ai la certitude morale que Le Her n'a jamais connu M. Quémeneur et je le mets au défi de citer la personne qui lui a fait faire la connaissance de ce dernier. Encore une coïncidence, Samson le chauffeur de Seznec, qui avait déjà à différentes reprises sollicité de faux temoignages, se trouvait, m'a-t-on affirmé, à Paris au moment où le témoignage Le Her s'est produit en décembre dernier.
Veuillez agréer...
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Quel chopin, le gars Le Her, mais quel chopin !
L'affaire de moeurs que cite pudiquement le notaire Pouliquen est bien entendu le viol de la petite Lucie Louédoc (cf mon article ci-dessous).
François Le Her, violeur, voleur, proxénète et.... faux témoin...
Il se serait fait lapider à notre époque #metoo
Intéressante l'hypothèse du chauffeur Samson qui se trouvait à Paris au moment même où François Le Her venait apporter son témoignage !!
Un François Le Her qui, à mon avis, ne connaissait Pierre Quémeneur ni d'Eve ni d'Adam...
Une occasion en or pour se faire du fric sans bosser.
Assez des larmoiements qui viennent nous dire qu'il faut bien séparer la vie du témoin de son témoignage..
Il y a toujours eu des enquêtes de moralité sur les témoins...
Et, là, côté moralité...
Dans le cas présent..
Jean Pouliquen a plus que bien fait de prévenir le Président de la Chambre des mises en accusation..
Qui l'eût fait à sa place ???
Personne.
Cette crapule de François Le Her méritait bien son triste sort...
Dommage que Jeanne Seznec n'ait pas appuyé sur la gâchette plus tôt.
Liliane Langellier