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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.

Affaire Seznec. Annick Le Douget sur et autour de la piste de Plourivo…

"En réalité, Hervé ne pouvait fournir aucune preuve de ses dires. Au-delà, on peut penser qu'il n'en avait rien à faire de la cause de Seznec, qu'elle lui était indifférente ; s'il n'avait pas été atteint d'aliénation mentale, on oserait même affirmer qu'elle n'était qu'un prétexte à satisfaire ses pulsions perverses, son goût de la manipulation." Annick Le Douget

1) Orienter les soupçons vers la famille Quémeneur 

Mais revenons au raisonnement de Hervé. Si Pierre Quémeneur était à Plourivo, s'il était bien l'homme à la valise qui s'enfuyait sur la grève avec trois personnes à ses trousses, s'il a été abattu par ces individus, qui étaient alors ces redoutables assassins ? Il a les noms et les adresses, affirme encore Hervé, mais il ne veut pas non plus les donner pour éviter des poursuites en diffamation ! Delahaye se joint à lui pour dire qu'il connaît aussi l'identité des coupables. A Chaque conférence, alors qu'ils assurent avoir dans leurs dossiers les renseignements attendus, qu'ils sont prêts à les livrer, et que le public haletant crie "les noms, des noms !", Hervé et Delahaye se dérobent et ajournement la révélation. Convoqués et entendus tous deux par le juge de paix à la demande du procureur général pour désigner explicitement les prétendus coupables, ils refuseront de lui répondre, arguant, pour ce qui est de Delahaye, qu'un " journaliste n'est pas un dénonciateur" (La Province du 27 janvier 1932), et  pour Hervé, qu'il n'a pas confiance en la justice pour lui livrer ce secret... Delahaye se rétractera en 1933, on en parlera plus loin : il affirmera n'avoir jamais su les noms, car Hervé, méfiant et prudent, n'avait jamais accepté de les lui communiquer...

Mais, bien que ne donnant pas les noms, Hervé et Delahaye visent la famille Quémeneur, et en particulier Louis Quémeneur, présent à la noce de Plourivo le 24 mai. Ce dernier, interviewé par Ouest-Éclair du 10 décembre 1931, indique que dans l'après-midi du 24, après le banquet, il avait tiré des coups de feu au revolver depuis la chambre qu'il occupait à Traou-Nez sur l'un des battants de la porte de la remise pour faire un peu de bruit et marquer ainsi les réjouissances, comme le voulait la tradition. On était loin des coups de feu tirés selon Hervé sur Pierre Quémeneur dans la nuit du 27 au 28 mai... Dans un courrier non daté au procureur général  - vraisemblablement début 1932 - Hervé conteste la qualité des dernières enquêtes menées sur les faits de Plourivo par le commissaire Cunat, et demande encore au haut magistrat d'être reçu à la cour d'appel de Rennes afin de lui ouvrir les yeux sur la machination en cours... "Je vous montrerai celui-ci  [ l'homme qui déposa la valise de la victime à la gare du Havre] dès que vous le voudrez, car c'est lui qui tira les coups de revolver à Plourivo fin mai 1923 y tuant celui auquel il devait beaucoup d'affection ou d'argent"... une insinuation perfide, s'il en est.

Quand il sera mis face à ses responsabilités pour apporter les éléments probants devant la justice - identité du coupable et du chauffeur - lors des procès en diffamation intentés contre Delahaye et lui-même, Hervé se défaussera, préférant trahir ses amis et Seznec, et cela, sans aucun sentiment de culpabilité. En réalité, Hervé ne pouvait fournir aucune preuve de ses dires. Au-delà, on peut penser qu'il n'en avait rien à faire de la cause de Seznec, qu'elle lui était indifférente ; s'il n'avait pas été atteint d'aliénation mentale, on oserait même affirmer qu'elle n'était qu'un prétexte à satisfaire ses pulsions perverses, son goût de la manipulation.

Pages 122/123.

 

Plourivo ! Ce village des Côtes du Nord, était en train d'acquérir une sorte de célébrité depuis qu'on avait prétendu que M. Pierre Quémeneur, conduit en automobile de Houdan avait été assassiné à Traou-Nez. Ce qui corsait l'intérêt de cette version, c'étaient les déclarations des matelots de la gabarre Marie-Ernestine, affirmant avoir entendu des détonations une nuit qu'ils chargeaient du sable devant la propriété du conseiller général de Morlaix.

Ce qui put contribuer à rendre également ce drame vraisemblable, c'est la lettre récemment écrite à M. Le Garde des Sceaux par M. Marcel Kahn, avocat de Seznec, sollicitant la révision du procès en se basant sur les "faits nouveaux de Plourivo". On sait enfin qu'un complément d'enquête à été ordonné par M. Le Procureur général à la suite de cette lettre.

On connaît notre sentiment. Nous possédions la certitude morale que "les faits de Plourivo" ne pouvaient avoir aucun rapport avec l'affaire Seznec. Le frère du conseiller général vient de nous en donner la certitude absolue.

 Chez M. Louis Quémeneur 

L'Hermitage (de notre envoyé spécial).

Depuis qu'on reparle du drame qui aurait eu Traou-Nez pour théâtre, nous n'avions jamais eu l'occasion de demander son opinion à M. Louis Quémeneur. Le frère du conseiller général de Morlaix a bien voulu nous en faire part très nettement.

"Les faits de Plourivo  nous dit M. Louis Quémeneur, je vous les expliquerai brièvement. Ils ne sont nullement mystérieux et vous allez vous en convaincre.

"Lorsque M. Guyomard, l'ancien gardien de la propriété de mon frère, voulut marier sa fille, il demanda à Pierre l'autorisation de faire la noce à Traou-Nez, où la place ne manquait pas. Une soixantaine d'invités se trouvaient réunis à la noce qui fut très gaie.

Pour faire un peu de bruit, j'ai tiré...

"A l'issue du banquet, je montai dans ma chambre, au premier étage, et, ma foi, pour faire un peu de bruit, je m'emparai d'un petit revolver qui se trouvait là, j'allai vers la fenêtre et tirai dans un des battants de la porte de la remise. - Vous avez du reste retrouvé l'une de ces balles - Mais je m'arrêtai bientôt, m'étant aperçu que j'aurais pu blesser un des invités. Cela se passait vers 3 heures de l'après-midi.

"Les gens de la noce restèrent à Traou-Nez jusqu'à 4 heures du matin, car on fit bal. C'est ce qui explique la lumière aperçue au château par les marins de la gabarre.

"Il est fort possible  - c'est même certain- que ces matelots aient aperçu vers 2 heures  un ou plusieurs couples sur le rivage. L'endroit propice incitait à la rêverie, et l'histoire des cigarettes offertes aux matelots est tout à fait vraisemblable. J'ajouterai même qu'il est fort possible que des invités aient fait parler la poudre sous forme de pétards ou autres. Nous étions en fête, et j'avais donné l'exemple dans l'après-midi.

Des démentis 

"Maintenant puisque vous me fournissez l'occasion d'évoquer cette tragique affaire, je puis bous affirmer que, malgré qu'on m'ait fait dire le contraire, j'ai toujours été convaincu de la culpabilité de Seznec, de même que le magistrat instructeur qui poussa même le scrupule jusqu'à se faire assister du conseil de Seznec dans tous ses interrogatoires.

"On m'a rapporté encore qu'un avocat de Saint-Brieuc avait déclaré qu'il aurait, certain jour, rencontré Pierre après que celui-ci eût été déclaré disparu. Mais cet avocat s'est rétracté ; c'est ce qu'on a oublié de dire.

"Evoquerai-je enfin le témoignage de M. Garnier, l'employé du chemin de fer qui affirma avoir aperçu le 25 mai 1923, vers 22 h 10 - Seznec dit qu'il n'était que 21 h 30 - dans la cour de la gare de Houdan, une automobile dans laquelle se trouvaient Pierre et Seznec. Comme la voiture se dirigeait à belle allure dans la cour de la gare  M. Garnier cria au conducteur de s'arrêter. L'Auto rebroussa chemin, vira puis continua sa route. Il y avait aux côtés de M. Garnier M. Piau, chef de gare de Houdan, sa femme et un homme d'équipe. Or Seznec a prétendu que Pierre était descendu de l'auto dans la cour de la gare pour prendre le train. Ce fait est formellement contredit par les témoins précités... Mais abrégeons.

"Donc que la noce ait eu lieu à Traou-Nez du 24 au 25 mai, à 4 heures du matin- je crois bien que c'est la vraie date- où du 25 au 26 PIERRE NE POUVAIT PAS ÊTRE LÀ.

Voilà, Monsieur, les faits de Plourivo".

Victor Boisseau

2) Un scénario au long avenir 

Ce scénario extraordinaire des "faits de Plourivo" conçu et monté par Hervé a servi à argumenter des demandes de grâce et de révision, la première transmise avec prudence par Me Kahn à la Chancellerie le 4 novembre 1931 ; l'avocat y invoque une possible erreur commise par les marins auditionnés en 1924 sur la date des détonations, celles-ci étant selon lui à placer le 26 mai 1923. Suivra en début d'année 1932 une autre requête de Mme Vve Seznec mère, dictée en fait par Hervé et signée par la vieille femme qui prétend que les coups de feu ont été tirés dans la nuit du 27 au 28 mai 1923... La thèse de Plourivo sera reprise intégralement dans la plaidoirie l'avocat de La Province, Me Lamour, lors des débats du procès en diffamation devant le tribunal de Rennes qui prononcera sa sentence le 26 octobre 1932. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le passage du scénario Hervé dans les péroraisons de l'avocat Lamour lui a donné une sorte de légitimité. Il est dès lors entré définitivement dans l'argumentaire des défenseurs de l'innocence de Seznec, et il a encore la faveur de nombreuses personnes aujourd'hui. Indiquons qu'après avoir adressé le 8 décembre 1933 au Garde des Sceaux une demande de grâce en faveur de Seznec, le président du conseil d'administration de L'Intransigeant, quotidien où écrit alors Hervé, lui présente le 23 février 1935 une requête en révision ; bien sûr inspiré par Hervé, il lui dresse une liste de prétendus "faits nouveaux". Le premier porte une fois de plus sur la non-communication au jury du procès-verbal sur l'affaire de Plourivo ; l'autre sur la substitution volontaire des actes de promesse de vente ; le troisième sur l'identité de la machine à écrire saisie.  Ce sont, selon le patron de presse,  des révélations troublantes, mises pleinement en relief par la campagne de L'Intransigeant des derniers mois. Elles seraient susceptibles d'entraîner la révision d'un procès "dont les débats semblent entachés d'ailleurs de plusieurs nullités de procédure", ajoute-t-il sans désemparer. Mais procureur général, après enquêtes, examen et analyse des dits "faits nouveaux", ne peut que conclure à leur rejet en s'étonnant de ce que les défenseurs imaginent encore des faits qu'ils voudraient de nature à obscurcir  certains points du procès.

Pages 124/125

...........................

Oser adhérer encore aujourd'hui à la thèse de Plourivo...

Et au témoignage de ce pitre de Bolloc'h..

C'est avoir un train de retard...

Et mépriser d'une part la famille Quémeneur et d'autre part les décisions de justice prises par les différents magistrats.

 

Liliane Langellier 

Annick Le Douget sera à Bénodet le lundi 14 avril, à la Librairie de la Plage, de 10 h à 12 h 30.

 

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