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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.

Affaire Seznec. Le bagne, le livre de Denis Seznec

"Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne.
Quatrevingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l'école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d'une croix.
C'est dans cette ombre-là qu'ils ont trouvé le crime.
L'ignorance est la nuit qui commence l'abîme.
Où rampe la raison, l'honnêteté périt." Victor HUGO

J'avais lu ce livre dès sa parution en 2001.

Le relire maintenant, avec ce que je sais désormais de l'affaire Seznec, était indispensable.

Ce livre ne contient en fait que 305 pages consacrées à l'histoire de Guillaume Seznec au bagne.

Les annexes comprennent : La vraie histoire du bagne de Cayenne (pages 309 à 332), le vocabulaire du bagne (333 à 342), "Ils ont dit" (343 à 348), Galerie de Bagnards (349 à 373), des documents de Seznec au bagne et l'histoire de l'affaire Seznec (374 à 391).

Juste avant...

J'ai lu le livre d'Henri Charrière "Papillon" (580 pages) édité par Robert Laffont et très certainement revu et corrigé par Max Gallo, qui était une pointure littéraire de chez cet éditeur de la place Saint-Sulpice.

La seule et courte allusion à Seznec (page 307) est celle de "la camelote", c'est à dire, tout un artisanat local : coupe-papiers, cornes sculptées, cannes, cravaches, pantins, pirogues en balata modelé, guillotines-coupe-cigare en cuivre et en bois précieux, etc. (Huchon, 1933, p. 98) des petits objets fabriqués par les bagnards, à base de carapaces de tortues, de dents de requins, d'os d'animaux creusés, de noix de coco et autres...

Il est évident que cette camelote si gravée "Seznec" avait un succès fou chez les marins bretons dont les navires accostaient à Cayenne.

Denis Seznec, lui, ne fait pas de cadeau à Charrière dont (page 94) il dément l'ultime évasion au Venezuela, attribuant sa libération à l'arrivée des Américains.

Contrairement à celui de Seznec, le livre de Charrière est un véritable livre d'aventures, qui vous met parfois le cœur au bord des lèvres.

On est avec lui dans les geôles du bagne, dans la forêt vierge à la végétation par trop luxuriante, dans les dangereux sables mouvants, les lianes géantes, les racines gigantesques.

Avec les bagnards tirant d'immenses troncs d'arbres, nus, les deux pieds dans la boue.

On assiste aux querelles de jalousie des petits couples qui se terminent bien souvent par un coup de surin.

On les voit cacher leur "plan", ce petit cylindre métallique qui contenait leur fortune en billets et que ces pauvres hères planquaient dans leur anus.

On entend les cris des animaux sauvages, des singes, des perroquets..

C'est une grande réussite dont le film hollywoodien (revu depuis peu) ne donne guère qu'une vague idée.

Le livre de Denis Seznec, lui, est un plaidoyer pour l'innocence de Guillaume Seznec.

Pas une page où le mot "innocent" ne soit écrit.

Confirmé par la reproduction des missives de Huzo et de Hervé.

Denis Seznec a rêvé son grand-père en Paris-Première (criminel célèbre), en caïd adulé des autres bagnards, en saint homme perpétuellement plongé dans la bible dont Flag, le célèbre peintre du bagne, aurait donné le visage à l'un des apôtres sur la fresque d'une petite église...

Quant à oser comparer le bagne avec Auschwitz... Je n'ai pas de mots...

Le record reste atteint et dépassé dans la description du retour de Guillaume au Havre... Un scénariste de la M.G.M. n'aurait pas fait mieux.

Oui, hélas...

Ce livre aussi est bourré de mensonges...

Comme la soi-disant évasion de Seznec avec le docteur Bougrat.

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Michel Pierre interviewé dans le numéro 257 de L'Histoire Magazine de septembre 2001 :

L’H. : Vous êtes spécialiste de l’histoire du bagne. Que pensez-vous de la manière dont sont rapportées les années que Guillaume Seznec a passées en Guyane ?

M. P. : Telles qu’elles sont rapportées par son petit-fils dans un ouvrage récent, on entre justement dans la catégorie du roman où l’auteur prend de singulières libertés avec la vérité historique.

Ainsi, en affirmant que Guillaume Seznec aurait été un moment compagnon d’évasion du docteur Bougrat, héros d’une des affaires les plus célèbres des années 1930. Pierre Bougrat est accusé en mai 1925 d’avoir assassiné un comptable. Condamné aux travaux forcés à perpétuité, il s’évade de Saint-Laurent-du-Maroni en août 1928.

Cf. Christian Dedet, Le Secret du docteur Bougrat , Paris, Phébus, 1988.

Ce dernier, ensuite réfugié au Venezuela, en aurait certainement fait mention dans les entretiens qu’il a accordés de son vivant et les archives en conserveraient également la trace.

Lire sur Criminocorpus : La vie miraculeuse du docteur Bougrat

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Denis Seznec est un adepte du complot.

Celui de l'Etat français contre son papy martyrisé que l'on gardait au bagne pour éviter à de hauts personnages de l'Etat que leurs noms ne soient entachés par les révélations du maître de scierie breton.

Quelle rigolade !!!

Quels hauts personnages ???

Quelles révélations ???

La bibliographie qu'il nous colle en fin d'ouvrage me paraît très conséquente et je doute fort qu'il en ait lu tous les ouvrages.

Il a piqué des anecdotes ici et là, comme celle du surveillant attaché à un arbre par des forçats et dévoré vivant par les fourmis rouges carnivores, par exemple, ou encore celle du bagnard Boulay, qui, dans un moment d'inattention sur un ponton, s'est fait arracher la jambe et les parties par un requin vorace...

Ce bagnard Boulay avait une petite voiture mécanique pour se déplacer.

C'est ainsi qu'il a connu une jeune et jolie infirmière de l'hôpital de L'Hôtel Dieu à Paris, à qui il ne cessait de répéter lors de ses soins : "Seznec est innocent !"

J'ai eu le privilège de la connaître cette jolie et jeune infirmière, puisqu'il s'agissait de madame Thierry, la fondatrice des bijouteries euréliennes du même nom.

Beaucoup de bagnards, à leur sortie, n'étaient plus attendus nulle part, et se servir du nom de Seznec leur apparaissait un passeport comme un autre.

N'oubliez pas non plus les nombreuses éditions de Détective (23 Unesou de Police Magazine. Qui en faisaient des tonnes sur le bagne...

Que l'on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas...

Le bagne de Cayenne était une horreur que des journalistes tels Albert Londres du Petit Parisien (août et septembre 1923 : en Une pendant 27 jours), ou Louis Roubaud, ou encore Marius Larique et des membres de la Ligue des Droits de L'Homme n'ont jamais cessé de dénoncer. Sans oublier Charles Péan major de l'Armée du Salut.

Guillaume Seznec ne méritait pas le bagne.

Mais ce n'était pas un saint pour autant.

Par désir de s'approprier le bien d'autrui, il a collé sa famille entière dans l'opprobre.

Il est directement responsable des morts de sa fille aînée Marie, qui, entrée en religion, rêvait de soigner les forçats lépreux de l'ilôt Saint-Louis, et de sa pauvre femme Marie-Jeanne, qui usa jusqu'à ses dernières forces pour tenter de le faire innocenter.

Il est responsable de la folie de son autre fille, Jeanne Seznec. Qui a épousé ce gredin de François Le Her parce qu'il défendait son papa. Qui a eu une vie maritale terrible et a fini par tuer son boulet de mari.

Les deux fils, Petit Guillaume et Albert me semblaient moins atteints par le virus de l'innocence à tout prix...

Mais j'ai déchanté quand j'ai lu le dernier livre de Denis Langlois :
Petit Guillaume en voulait terriblement à sa sœur et au fric qu'elle pouvait se faire sur cette affaire.

D'où ces ridicules révélations à son neveu Bernard Le Her.

Avec le recul...

Qui peut encore croire cela aujourd'hui (?)

Albert Seznec, lui, était profondément chrétien et a toujours voulu garder ses distances avec l'affaire, même si, malgré lui, il s'y est trouvé embarqué au moment de la folie Claude Bal de sa sœur.

Faut-il lire ce livre ?

Me demanderez-vous ?

Oui, car il faut tout lire et tout connaître de cette affaire bretonne qui a fait couler bien trop d'encre pour un banal petit crime provincial.



Liliane Langellier

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A
Bonjour, <br /> Pour compléter la lecture de Papillon il faut lire <br /> Papillon épinglé<br /> Un livre de Gérard de Villiers<br /> Qui a remonté les traces de Charrière jusqu’au Vénézuéla <br /> Et là, on se rend compte que tous les bagnards ont le même profil, <br /> ils racontent beaucoup de bobards !.. :))
Répondre
L
Peu me chaut que Papillon ait vécu ou non les aventures qu'il décrit... Ce qui compte, c'est le plaisir... Et du plaisir, j'en ai eu en lisant son livre, de la peur aussi, de l'écoeurement devant tant de cruauté.<br /> Toute une palette de sentiments qui ne m'ont pas même effleurée en lisant le Denis Seznec.<br /> Je termine ici avec une citation de Jean-Francois Revel, dans sa postface du livre : "Papillon ou la littérature orale" :<br /> "[...] cette innocence rusée qui fut celle du Douanier Rousseau, et que possède Papillon, l'intemporel "conteur qui prend place au pied du térébenthe.""
B
Bonsoir,<br /> Très bon livre également, "Papillon épinglé" puisqu'on nous y dévoile que nombre d'anecdotes "vécues" par Charrière se sont parfois passées des années avant son arrivée au bagne.<br /> J'étais venu en parler dans cette zone "commentaires" mais vous m'avez devancé!<br /> <br /> William
L
Oui je sais, of course, pour Papillon, mais pour l'ambiance du bagne, il n'y a que lui...<br /> Merci du tuyau pour le bouquin de Gérard de Villiers, je vais me le commander mais actuellement je relis les 5 premiers bouquins de Pierre Lemaitre dans l'attente de recevoir son sixième "Un avenir radieux". Dès lu, j'en parlerai sur mon blog perso "Chez Jeannette Fleurs".