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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.

Le Télégramme. Affaire Seznec : un descendant de la famille de Pierre Quéméneur sort de sa réserve [Exclusif]

Pierre Quéméneur, dont la mort, en mai 1923, est au cœur de l’affaire Seznec, n’avait pas de descendant et sa famille s’est toujours tenue loin des polémiques. Las de voir les faits sans cesse remis en cause, le magistrat Olivier Talabardon, dont le grand-père était le neveu du défunt, a accepté de s’exprimer pour la première fois.

Quels sont vos liens avec Pierre Quéméneur ?

« Mon grand-père maternel - je devrais dire « notre » grand-père puisqu’il a laissé 17 petits-enfants - était un neveu de Pierre Quéméneur. Son jeune frère et lui ayant été très tôt orphelins de mère, ils ont été élevés chez leurs grands-parents paternels, en compagnie des plus jeunes de leurs oncles et tantes, dont Pierre ».

« Mon grand-père, devenu adulte, était d’autant plus proche de Pierre que, selon ce que m’a raconté ma mère, ils partageaient, sur le plan philosophique et politique, les idéaux du Sillon de Marc Sangnier, et il est arrivé au premier d’accompagner le second dans ses campagnes électorales. La disparition de Pierre, dans les conditions que l’on sait, au mois de mai 1923, a profondément marqué mon grand-père, qui a assisté l’année suivante au procès de Guillaume Seznec devant la cour d’assises de Quimper ».

Évoquait-on souvent cette affaire dans votre famille ?

« Je crois avoir entendu parler de l’affaire, dite Seznec, dès mon plus jeune âge. Pour autant, je n’en ai eu pendant longtemps qu’une idée assez confuse. Je regrette de n’avoir pas pu en discuter avec mon grand-père, qui est décédé en 1977, alors que je n’avais que onze ans. C’est donc la génération suivante que j’ai entendue évoquer les faits, notamment ma mère et sa sœur aînée, qui était née le 9 février 1923, soit trois mois avant la disparition de Pierre Quéméneur ».

« Dans les discussions familiales, revenait fréquemment le récit de la visite que la grand-tante Jeannie avait rendue à Seznec, le 4 juin 1923. Très inquiète de n’avoir pas de nouvelles, depuis le 25 mai, de son frère Pierre, avec lequel elle vivait à Landerneau, elle s’était rendue à Morlaix chez son compagnon de voyage. L’attitude fuyante de Seznec et ses propos, quelque peu désinvoltes, selon lesquels il ne fallait pas s’inquiéter car Pierre faisait certainement de bonnes affaires et se trouvait peut-être même en Amérique, n’a pas été de nature à rassurer Jeannie, qui a pressenti que son interlocuteur ne lui disait pas la vérité ».

Cette affaire a-t-elle influencé votre choix de devenir magistrat ?

« Je ne le pense pas car mes études, plutôt littéraires et de sciences politiques, ne m’y prédisposaient pas spécialement. C’est sur une opportunité que j’ai décidé de préparer le concours d’accès à la magistrature. En revanche, j’ai eu conscience de la singularité de ma situation puisque je m’apprêtais à rejoindre une institution éminente de la République - l’institution judiciaire -, dont on soutenait, à force de campagnes médiatiques, qu’elle avait condamné à tort la personne accusée du meurtre d’un de mes aïeux. Je savais aussi que, au soutien d’un des premiers mouvements en faveur de la révision de la condamnation, un ancien juge, atteint de troubles psychiatriques, Charles-Victor Hervé, n’avait pas hésité à organiser une terrible campagne de calomnie visant Louis Quéméner et Jean-Pierre Pouliquen, frère et du beau-frère de la victime, que ma mère avait bien connus dans son enfance ».

Selon vous, quels sont les éléments qui ont déterminé la déclaration de culpabilité de Guillaume Seznec ?

« Il convient de rappeler que Guillaume Seznec a été déclaré coupable non seulement du meurtre de Pierre Quéméneur, mais également de faux en écriture privée pour avoir confectionné, en double exemplaire, une fausse promesse par laquelle ce dernier était censé lui céder sa propriété forestière de Plourivo pour un prix inférieur au tiers de sa valeur réelle. L’enquête et l’instruction ont établi que ces faux ont été dactylographiés à l’aide d’une machine à écrire que plusieurs témoins ont vu Seznec acheter au Havre, le 13 juin 1923, puis rapporter à Morlaix le lendemain matin, et qui a été découverte dans une dépendance de sa scierie, lors d’une perquisition le 6 juillet suivant ».

Ces fausses promesses de vente étaient signées…

« Oui, et Seznec a été désigné comme l’auteur des mentions manuscrites apposées sur les faux actes, notamment la signature contrefaite de Quéméneur. L’un des exemplaires de la promesse a été retrouvé, avec divers effets personnels, dans la valise que Quéméneur avait emportée le 25 mai et qui a été déposée opportunément, le 20 juin suivant, dans une salle d’attente de la gare du Havre, à proximité de laquelle des témoins ont aperçu Seznec ».

« Les conclusions des experts de l’époque, attribuant à ce dernier la réalisation des fausses promesses de vente, ont été confirmées, quelque soixante-dix ans plus tard, notamment par les travaux d’un collège international d’experts, désigné par la Commission de révision, saisie de la treizième demande en ce sens. Aujourd’hui, plus personne n’ose sérieusement contester que Seznec a commis ces faux, dont les jurés de la cour d’assises du Finistère l’ont déclaré coupable à l’unanimité ».

Mais peut-on, comme l’a fait l’avocat général devant la cour d’assises, postuler que les faux impliquaient le meurtre ?

« Pour établir, entre le 14 et le 19 juin 1923, les fausses promesses de vente et tenter d’en faire usage en en plaçant un exemplaire dans la valise personnelle de Quéméneur, déposée dans la gare du Havre le 20 juin, il fallait que Seznec, d’une part, soit certain que ce dernier ne viendrait jamais contester ces actes, d’autre part, ait pu entrer en possession des effets personnels de son compagnon de voyage ».

L’enquête et l’instruction ont-elles établi que Seznec avait commis d’autres faux ?

« Il y a d’abord le faux télégramme, qu’il a adressé du Havre, le 13 juin, en contrefaisant la signature de Quéméneur, afin de rassurer les proches de ce dernier et les dissuader de poursuivre les recherches entreprises. Il y a surtout le carnet de dépenses que tenait Quéméneur et que Seznec a falsifié en le complétant pour laisser croire que l’intéressé avait pris à Dreux, le soir du 25 mai, le train pour Paris ».

« Ces fausses mentions, portées nécessairement avant le 20juin, comportent la même confusion, entre les gares de Dreux et Houdan, que Seznec a commise quelques jours plus tard devant les enquêteurs, lors d’un transport sur les lieux, à la suite de son arrestation. Or, en apposant ces fausses mentions sur le carnet de Quéméneur, pour faire croire à une séparation à Dreux (confondu avec Houdan) dans la soirée du 25 mai, Seznec a désigné a contrario la date et le lieu approximatifs de la disparition de celui que l’on n’a jamais revu. Cette pièce est donc capitale car elle atteste que Quéméneur est décédé dans la nuit du 25 mai et que Seznec s’est alors emparé de ses effets personnels. Cela permet d’exclure les hypothèses selon lesquelles la mort de Quéméneur serait le fait d’un ou plusieurs tiers ou serait survenue ailleurs et à une autre date, par exemple à Morlaix deux jours plus tard».

Ses explications fragilisaient-elles Seznec ?

« Effectivement, les explications de l’intéressé selon lesquelles, après plus de quinze heures de voyage, Quéméneur aurait décidé de le quitter nuitamment à une cinquantaine de kilomètres de leur destination, pour poursuivre seul en train, en l’invitant à rentrer à Morlaix, étaient invraisemblables et contredites par les données objectives du dossier (absence de train à Houdan à cette heure ; la voiture, retrouvée en panne sèche au petit matin, était en état de rouler jusqu’à Paris...). D’autre part, il y a l’indifférence au sort de son « ami », dont Seznec a fait preuve au cours des semaines et mois suivants, voire son cynisme à mettre les enquêteurs au défi de lui présenter le corps du disparu. Il y a, enfin, son attitude au cours de l’instruction, ses mensonges, ses revirements, ainsi que ses tentatives de subornation de témoins et d’évasion ».

« Au vu de l’ensemble de ces éléments, les jurés ont pu légitimement, et à une forte majorité (dix voix sur douze), acquérir l’intime conviction que Guillaume Seznec avait volontairement donné la mort à Pierre Quéméneur ».

Les jurés n’ont, en revanche, pas retenu la préméditation ?

« Sur la question de savoir si le meurtre avait été commis avec préméditation, et devait ainsi être qualifié d’assassinat, les jurés se sont partagés à égalité de voix et ce partage égal a profité à l’accusé. C’est donc au bénéfice d’un doute des jurés sur la circonstance aggravante de préméditation que Seznec a échappé à la peine capitale ».

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Remarquable interview...

Mais était-ce utile de mentir en affirmant qu'Olivier Talabardon s'exprimait ici pour la première fois ???

Il l'avait déjà fait le 12 mai 2023 avec Michel Pierre dans Ouest-France.

Lire ci-dessous :

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