Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
2 Mai 2023
Rien de plus têtu, rien de plus tenace que l'espoir, surtout s'il est infondé. L'espoir est un chiendent.
Lydie Salvayre.
On peut lire sur Breizh-Info du 23 avril 2023 :
"On découvrira, malheureusement beaucoup plus tard, le rôle néfaste de l’inspecteur Bonny. Mais en 1923, il est secrétaire-greffier du commissaire Vidal. Il a carte blanche : la pince à greffe, par exemple, qui sert à authentifier les actes ou les saisis, n’est maniée que par lui. En l’occurrence, la fameuse promesse de vente de l’Affaire Seznec est « enregistrée » par Bonny. Sa doctrine — nous l’apprendrons plus tard par son fils — est que l’enquête peut n’importe quoi, pourvu qu’elle étaye la culpabilité. L’opinion ou les journalistes il est aisé de les manipuler. La justice de l’époque a tellement confiance dans sa police qu’elle n’imagine pas que celle-ci puisse truquer des preuves."
Pour répondre à ces sottises rabâchées pour la énième fois...
Un seul remède : le livre de Guy Penaud.
Guy Penaud nous dit en page 20 de son ouvrage :
« Il fut d’abord pris en charge par un policier expérimenté, « le père » Dorbris, puis, en 1923, Pierre Bony (NDLR qui en a perdu un « N » d’émotion !) fut désigné pour être le secrétaire greffier du commissaire Achille Vidal, c'est-à-dire qu’il fut chargé d’écrire, sous la dictée de son patron, les procès-verbaux dont ce dernier était le rédacteur légal et de procéder à quelques vérifications. »
Les actes de procédure : quatre P.V. et cinq rapports
Je crois me souvenir que c’est Bruno Gestermann, ancien procureur de Quimper, qui en parla, lors d’une émission sur France 3, en avril 2010.
Dans sa décision du 14 décembre 2006, la cour de Cassation rappelle :
« … si Bonny, en sa qualité de secrétaire du commissaire Vidal, chargé notamment de la transcription, sous la dictée, des procès-verbaux d’audition, a été présent, lors de la plupart des actes de procédure accomplis par son supérieur hiérarchique, son nom n’apparaît, dans le dossier de l’instruction préparatoire comprenant plus de 500 pièces cotées, que sur quatre procès-verbaux, dont trois établis par son chef, le commissaire Vidal, et un par le commissaire Doucet, ainsi que sur cinq rapports rédigés, signés et transmis par lui-même. »
Non, non, vous n’échapperez pas à la liste des 4 P.V. et des 5 rapports.
Et c’est Bernez Rouz, dans son incontournable ouvrage « L’affaire Quéméneur Seznec / Enquête sur un mystère » qui les égraine, avec son exactitude légendaire, en page 193 :
« Pendant l’enquête policière, les rôles étaient clairement définis entre la brigade mobile de Rennes qui intervenait en Bretagne et les services parisiens chargés de la capitale, de l’enquête du Havre et de celle de la région de Dreux. Les services de Vidal sont peu intervenus dans le Finistère.
L’essentiel des auditions et des interrogatoires importants ont été pris en main par le commissaire Vidal lui-même. Bonny est présent lors des premières dépositions au siège de la Sûreté générale, rue des Saussaies. Il accompagne également son patron lors de la reconstitution des faits à Dreux et à Houdan les 29 et 30 juin 1923.
Quand l’instruction fut confiée au juge Campion, il est présent lors d’une visite domiciliaire à Kerabri, perquisition menée conjointement par les commissaires Cunat et Vidal.
Bonny est chargé, d’après les procès-verbaux officiels, des petites enquêtes de vérifications. Le 31 juillet 1923, on lui confie la tâche de retrouver le bidon d’essence portant des traces sombres de rouille ou de sang séché que Seznec échangea chez Edouard Coulomb à La Queue-les-Yvelines.
Le 1er août, il est chargé de transporter la machine à écrire trouvée le 6 juillet à Traon-ar-Velin vers Paris à fin d’expertises.
Le 12 février 1924, il signe deux procès-verbaux de moralité concernant deux témoins du Havre, Jean Lesbats et Auguste Deknuydt.
On l’envoie le 14 février à l’Hôtel de Normandie pour savoir si Quéméneur y est descendu et si Seznec a bien été le 2 juin s’enquérir de son ami.
Dans la même période, on le charge de vérifier la main courante du commissariat de Chaillot afin de voir si le témoignage de Le Her était exact.
En mai 1924, il accompagne son patron à la Banque de France pour vérifier si les dollars-or rentrent bien dans la boîte décrite par Seznec.
Bref, il est bien dans un rôle d’inspecteur stagiaire, de porte valise de son patron. »
Voilà...
Quatre P.V. et 5 rapports.
En tant que porte serviette du commissaire Achille Vidal.
Et puis, c'est tout.
Quant au refrain perpétuel de la mauvaise réputation rétrospective :
Oui, Bonny s'est conduit comme un salaud dans l'affaire Stavisky...
Et à l'horrible époque de la Carlingue (WW2) avec son pote Lafont...
Donc...
Il était déjà un salaud dans l'affaire Seznec.
Ce refrain devient une scie.
Et, à la veille du centenaire de l'affaire Seznec, il serait grand temps d'en changer.
Liliane Langellier
P.S. Pour ceux qui sont abonnés à Amazon Prime...
Je leur conseille vivement de visionner "93 rue Lauriston" le film de Denys Granier-Deferre avec Michel Blanc (2004).
Où Christian Charmetant tient le rôle de Pierre Bonny.
P.S. 2 Et aussi "Stavisky. L'escroc du siècle" de Claude-Michel Rome (2016).
Avec le beau, très beau Tomer Sisley (qui habite le moulin de Boisard à Chaudon).