Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
25 Mai 2023
Vers 4 heures du matin, Pierre Quéméner frappe à la porte de la chambre de Guillaume Seznec à l'Hôtel Parisien pour le réveiller, une heure plus tôt que prévu1.
Vers 5 heures, Quéméner et Seznec quittent Rennes en Cadillac. Seznec conduit.
Probablement vers 8 heures, ils prennent leur petit-déjeuner à Ernée2. En repartant, Quéméner prend le volant et le gardera jusqu'à ce que les deux hommes se séparent3.
Vers 9 heures, Jean Pouliquen reçoit le télégramme que Quéméner lui a envoyé la veille. Il se rend à la poste pour envoyer le chèque demandé, mais le courrier de Paris est déjà parti.
Vers midi, Quéméner et Seznec déjeunent au Mêle-sur-Sarthe et en repartent vers 13 heures 30.
Parvenus à Mortagne-au-Perche, ils recherchent des lampes électriques à culot américain, en vain.
Dans l'après-midi, Pouliquen envoie le chèque de 60.000 francs à Paris, accompagné d'une lettre.
Dans la journée, une lettre signée « Quéméneur » est envoyée de Morlaix à un garagiste de Rennes.
Vers 16 ou 17 heures, Quéméner et Seznec tombent en panne au milieu de la ville de Dreux.
La voiture est réparée au garage d'Émile Hodey. Ils prennent ensuite l'apéritif avec le garagiste.
Ils repartent vers 20 heures4.
Vers 21 heures, ils s'arrêtent à Houdan et dînent à l'hôtel-restaurant Le Plat d'Étain5.
En repartant vers 22 heures, ils se trompent de route et arrivent à la gare de marchandises. En faisant demi-tour, la Cadillac heurte le montant d'une barrière, puis elle repart en direction de Paris.
Vers 23 heures, Thérèse Malet voit une voiture stationnée à 6 kilomètres de Houdan dans la direction de Paris, avec un seul homme à bord. Vers la même heure, un cycliste, Pierre Dectot, croise une voiture arrêtée environ 4 kilomètres plus loin dans la même direction, les phares allumés ; le conducteur fait les cent pas.
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1. Le soleil se lève ce jour-là à Rennes à 4 heures 17.
2. Lors de ce voyage, à l'aller comme au retour, la Cadillac suit la route nationale 12, qui correspond exactement à l'ancienne route Paris-Brest du temps de la malle-poste. Cependant, elle s'en écarte entre Vitré et Mayenne, pour gagner une dizaine de kilomètres en passant par Ernée plutôt que par Laval.
3. D'après le récit de Seznec dans La Dépêche de Brest du 25 juin 1923.
4. Le soleil se couche ce jour-là vers 19 heures 38 à Dreux.
5. Ancien relais de poste du seizième siècle.
Le 25 au matin, je recevais un télégramme daté de Rennes du 24 mai, huit ou neuf heures du soir, contenant à peu près ceci1 : « Contrairement à ma lettre du 22, adresse-moi le chèque de soixante mille francs sur la Société Générale, maison mère à Paris, et non la Banque de France, à l'adresse ci-après — poste restante numéro trois Paris 1. »
Le jour même, je prenais à la Société Générale le chèque demandé et l'adressais à mon beau-frère sous pli chargé2 poste restante numéro trois à Paris. J'avais des inquiétudes au sujet de l'affaire qu'allait conclure mon beau-frère et dans la lettre3 qui accompagnait le chèque je le mettais encore en garde contre Seznec, le priant de ne rien faire sans me consulter.4
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1. On trouvera le texte exact du télégramme sur la page du 24 mai 1923.
2. Lettre recommandée à valeur déclarée.
3. Le texte de cette lettre est reproduit ci-dessous.
4. Bernez Rouz, page 98.
In Bernez Rouz."L'affaire Quéméneur Seznec - Enquête sur un mystère" Editions Apogée :
Le vendredi 25 mai à Dreux et à Houdan
Les deux hommes quittent Rennes à cinq heures du matin. Ils prennent un petit-déjeuner à Ernée en Mayenne, puis un déjeuner à Mortagne dans le Perche. A 16 heures, ils arrivent à Dreux où une crevaison immobilise la voiture qui est réparée au garage Hodey. La voiture repart et revient aussitôt, en panne de lumière. Il faudra deux heures pour réparer. Seznec en profite pour poser des jalons pour de futures affaires : "Seznec m'a demandé si je ne pouvais pas lui vendre des bandages pour camion et qu'il me reparlerait par la suite de voitures Panhard dont il se disait acheteur".
D'après Seznec, les deux hommes quittent Dreux vers 20 heures : "Après avoir parcouru sept ou huit kilomètres, nous avons eu l'impression très nette que la voiture n'était pas en état d'arriver jusqu'à Paris, et nous avons jugé prudent de retourner à Dreux où nous sommes arrivés peut-être vers 21 heures. Nous avons mangé dans un hôtel que je pourrais peut-être retrouver si j'allais à Dreux".
Seznec dans ses premières déclarations se trompe entre Dreux et Houdan, situé à une vingtaine de kilomètres sur la route de Paris. Le restaurant en question est en fait Le Plat d'Etain. Les filles de salle indiqueront que Quéméneur mangeait de bon appétit, Seznec mangeait très peu et paraissait inquiet.
Les deux hommes reprennent la route de Paris, se trompent de route, font demi-tour à la gare de Houdan, la voiture cogne contre une barrière, des témoins accourent. Ils indiquent tous que Quéméneur et Seznec étaient ensemble. Exténués par les pannes, les deux hommes semblent s'invectiver. Pierre Piau, le chef de gare de Houdan, témoigne : "Les occupants de la voiture discutaient très fort, il est probable que c'est au sujet de la direction à prendre... On les entendait discuter très fort et le bruit du moteur n'arrivait pas à couvrir leurs voix". Seznec expliquera au juge que Quéméneur était très mécontent. "Il causait très peu, il me reprochait d'avoir entrepris ce trajet avec ma voiture qui n'était pas en état de le faire".
Quatre autres témoins rencontrent Seznec dans la nuit et au petit matin. Il est seul dans sa Cadillac. Vers 23 heures, la voiture est garée au bord de la route de Paris vers Bazainville. Thérèse Malet remarque qu'il n'y a qu'un seul homme à bord, elle s'étonne auprès des enquêteurs : "Voici donc un homme qui place sa voiture au dehors de la route, qui se cache, qui ne réclame aucun secours et qui finalement abandonne sa voiture".
Au petit matin, à 5 heures, un paysan le trouve en panne sèche et le dépanne. Seznec rejoint le village le plus proche où il achète onze bidons d'essence. Il répare dans la cour d'un hôtel, à La Queue-Les-Yvelines. Il repart vers 13 heures en direction de Morlaix. Il était pourtant à 46 km de Paris.
Quéméneur a disparu. Seznec soutient qu'il l'a laissé à la gare de Houdan mais il n'y a pas de train. Il dit alors s'être trompé entre Houdan et Dreux. Quéméneur aurait pris le train à 21 h 56 à Dreux. Dans la valise trouvée plus tard au Havre et ayant appartenu à Quéméneur, les enquêteurs saisiront un carnet de notes renfermant deux listes intitulées l'une "Frais Quéméneur", l'autre "Frais Seznec" et dont l'écriture par endroit est délavée. La liste Quéméneur indique :
"Landerneau 50 litres d'essence et chambre en prêt 4,75 francs + 95 francs
"Erné 117 francs
"Dreux 13 francs puis Quéméneur prit le train. Un autre feuillet portait en tête "Dépenses de l'affaire Paris".
Les enquêteurs concluent à l'impossibilité pour Quéméneur d'avoir rejoint Paris ce soir-là par le train. Ils accusent Seznec d'avoir tué Quéméneur en rase campagne, d'avoir immergé le corps dans les étangs de Houdan, ou de l'avoir transporté jusqu'à la Seine à Mantes-la-Jolie. Seznec varie dans ses déclarations, pas les témoins. Il a en outre quelques difficultés à expliquer qu'après avoir subi tant de pannes, arrivé à 46 km de Paris où il pouvait vendre sa voiture, il a préféré retourner à Morlaix la faire réparer. Il dira aux enquêteurs : "Avant de me quitter, M. Quéméneur m'a dit : "Si tu vois que la voiture est vendable, tu pourras continuer sur Paris. Dans le cas contraire, retourne à Morlaix, tu la feras réparer par ton mécanicien. Au reste, demain matin à 6 heures je me trouverai à la porte de Versailles où je t'attendrai pour le cas où tu aurais pu continuer".
Cette dernière précision apparait curieuse. La porte de Versailles est à l'Ouest de Paris. Seznec a dit aux enquêteurs que Quéméneur descendait à l'Hôtel de Normandie près de la gare Saint-Lazare. Si effectivement il a pris le train à Dreux, s'il a rejoint son hôtel (où il n'a jamais été vu) ou un autre hôtel, on voit mal notre homme harassé par un voyage éprouvant se lever aussi tôt pour attendre un hypothétique Seznec à 6 heures du matin. Il faut se rappeler que Seznec est arrivé avec 5 heures de retard à son rendez-vous de Rennes.
Extraits du cahier de Guillaume Seznec :
Ce que je puis bien affirmer, c’est que Quéméneur dans la soirée du 25 mai m’a quitté en cours de route pour prendre le train prétendait-il pour arriver plus sûrement à Paris pour le rendez-vous, craignant comme de juste que l’automobile Cadillac qui n’avait que panne sur panne finisse par caler définitivement, et en plus avant de me quitter il m’avait bien recommandé que, si je me voyais l’impossibilité de me rendre ou si je prévoyais que le mauvais état de la voiture la rendait invendable, de retourner avec à Morlaix et de la faire réparer immédiatement par le mécanicien qui était en ce moment à mon service et que, s’il aurait eu besoin de moi soit pour me rendre seul à Paris ou pour amener la voiture de Lesneven, il m’aurait soit téléphoné ou télégraphié. N’ayant donc rien reçu, je n’avais pas à me préoccuper, vu que je n’étais pas associé et pensant peut-être qu’il avait changé d’idée ou il voulait s’occuper de son affaire tout seul. Je ne puis préciser au juste les détails de l’affaire que Quéméneur entreprenait, puisque je ne la connaissais que par les vagues renseignements que Quéméneur lui-même avait pu me donner.
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Je n’ai jamais voulu annoter quoique ce soit sur le carnet de Mr Quéméneur qui n’a d’ailleurs jamais été entre mes mains, l’expertise a certainement mal interprété mon écriture. Si j’ai dit qu’il m’avait quitté à Dreux, c’est parce que je me croyais absolument dans cette ville et ce n’est que quand je me suis rendu sur les lieux que j’ai bien reconnu tout de suite que je n’avais jamais été à cette gare et que je ne m’y reconnaissais pas et ce n’est que, quand je me suis rendu à Houdan, j’ai reconnu à l’instant même que c’était bien dans cet endroit que j’avais quitté Quéméneur le 25 mai au soir. Et aussitôt j’ai reconnu également l’Hôtel du Plat d’étain où nous avons mangé, ainsi que le quincaillier qui m’avait vendu une lanterne arrière.
Mais je dis bien que je me suis rendu chez ce quincaillier à huit heures et quart ou huit heures et demie au plus tard et j’ai laissé Quéméneur en face de l’hôtel de la gare à neuf heures et quart ou neuf heures et demie au plus tard et j’ai continué seul la route de La Queue les Yvelines ; ce qui est d’ailleurs reconnu que je me trouvais à quelques distances d’Houdan à quelque peu d’intervalle à faire une réparation et le témoin précise que j’étais seul en ce moment et même il m’aurait demandé si je n’avais pas besoin d’un coup de main et c’est tout juste s’il commençait à faire nuit en ce moment.
Inutile donc que je vous répète que je ne pouvais pas être dans la cour de la gare plus tard que 9 heures et demie. La thèse de l’accusation n’est pas du tout confirmée par les époux Jeangirard qui disent se mettre à table vers 8 heures et restent environ une demi-heure, mais ils ajoutent qu’ils n’affirment pas avoir fini de manger à notre arrivée.
Quant aux époux Piau, leur déclaration est entièrement ignoble quand ils viennent affirmer nous avoir reconnus dans la voiture par derrière malgré la capote levée et avec les rideaux de côté en place. Pour Garnier c’est également une fausseté quand il vient dire avoir reconnu Quéméneur, une personne qu’il n’avait jamais vue que par la photographie avec la police mobile dans une voiture fermée et d’après lui la nuit, et moi qui d’après ses dires aurais descendu, il me voit aujourd’hui en personne il ne me reconnaîtrait pas. Deuxièmement il déclare encore que nous avions demandé à haute voix la route de Paris. Alors que son camarade Nouvion qui était avec lui vient affirmer qu’aucun de nous n’avait adressé la parole. Il est donc certain que ces témoins sont faux ou ils se trompent de véhicule.
Vous noterez aussi que tous ces témoins n’ont précisé aucune date, ils disent simplement vers la fin de mai et ils ajoutent que journellement il y avait des automobilistes qui se trompaient et qui arrivaient dans la cour de la gare à toute vitesse. Je puis vous dire que pour moi ce n’est pas le cas, car je connaissais parfaitement la route que j’avais à prendre. Je puis donc affirmer que ces témoins s’ils croient dire vrai qu’ils se trompent de véhicule. Et que si Quéméneur a pris le train à Dreux il a pu soit prendre cette direction par le train ou par tout autre moyen pour prendre le train pour Paris.
24 mai 1923 |26 mai 1923 DOCUMENTS : Récit de Pouliquen - Lettre de Pouliquen Vers 4 heures du matin, Pierre Quéméner frappe à la porte de la chambre de Guillaume Seznec à l'Hôtel...
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