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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.

« Je connais le coupable » : quand Guillaume Seznec se confiait à Ouest-France après 20 ans de bagne...

L’affaire Seznec, l’une des affaires criminelles emblématiques du XXe siècle, a 100 ans. Le 25 mai 1923, Guillaume Seznec et Pierre Quéméneur quittaient Rennes pour Paris afin d’y vendre une voiture. Le second nommé disparaît sans laisser de trace. Seznec est alors condamné au bagne à perpétuité par le tribunal de Quimper (Finistère). Après 20 ans en Guyane, il revient sur ses terres en 1947, à Plourin-Ploudalmézeau. Il est alors interrogé par les journalistes de Ouest-France.

Un article de Gabriel MURAILLE.

C’est l’un des mystères du XXe siècle, l’une des affaires criminelles les plus connues en France : Guillaume Seznec a-t-il tué Pierre Quéméneur, le 25 mai 1923 ?

La justice a tranché rapidement : en novembre 1924, le maître de scierie de Morlaix (Finistère) est reconnu coupable d’avoir tué Pierre Quéméneur, sans préméditation, par le tribunal de Quimper. Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité. Mais, pendant longtemps, Guillaume Seznec, ses proches, et même ses descendants continueront de clamer son innocence.

Un témoignage dans le journal Ouest-France du 4 juillet 1947

À l’occasion des 100 ans de cette affaire, nous vous proposons une plongée dans les archives de Ouest-France.

En 1947, Guillaume Seznec revient en France, après plus de 20 ans de travaux forcés. Son retour est suivi par les journaux, dont Ouest-France. Dans l’édition de Brest, le 4 juillet 1947, un article est publié, son titre :  Après plus de 20 années d’exil, Guillaume Seznec est revenu au pays natal . Une déclaration de l’ex-bagnard est mise en avant : « Je suis innocent et je connais le coupable. » Les journalistes précisent même que Seznec leur a offert un verre de rhum de la Martinique !

 

« Des reporters crient à Mme Le Her : “C’est lui !” »

La rencontre a lieu à Plourin-Ploudalmézeau, où journalistes, photographes et cinéastes se sont donné rendez-vous chez Jeanne Le Her, fille de Guillaume, et son mari François Le Her. « 5 h 30 !…. Un bruit de moteur sur la grand-route… Brusquement tous les dormeurs s’éveillent et tandis que des reporters crient à Mme Le Her : “C’est lui !” […], peut-on lire dans l’article. De la voiture qui s’est arrêtée, un homme aux cheveux blancs, coiffé d’un chapeau marron, vêtu d’une veste grise rayée de vert et d’une culotte marron : Seznec ! »

Les retrouvailles entre Seznec et sa famille sont racontées. Il parle de ses 20 ans au bagne. « Tu sais Jeanne, je n’ai pas été un voyou là-bas… », assure-t-il à sa fille.

Les journalistes se lancent : « Une question qui nous brûle les lèvres : puisque vous êtes innocent, qui est le coupable ? » Guillaume Seznec répond : « Je le connais et, le moment venu, je dirai son nom car j’ai les preuves de mon innocence et de sa culpabilité. » 

Le manoir Traou-Nez, « vendu à un prix normal »

Le Breton évoque aussi la vente du manoir de Traou-Nez, à Plouviro (Côtes-d’Armor), propriété de Pierre Quéméneur, et qui serait le mobile du crime : « L’on a prétendu que je l’avais acheté 35 000 francs seulement. En réalité, j’avais, de la main à la main, déjà versé à Quéméneur 4 040 dollars, soit 80 000 francs à l’époque, montant des économies de ma femme qui, vous le savez, tenait à Brest une blanchisserie fréquentée à partir de 1917 par des soldats américains. À cette somme devait s’ajouter les 35 000 francs dont il était fait seulement mention dans l’acte de vente. L’enregistrement n’y trouvera peut-être pas son compte, mais la propriété était vendue à un prix normal. »

« Je n’ai jamais été au Havre à l’époque »

Autre point soulevé par les journalistes de Ouest-France, sa présence au Havre le 13 juin 1923, date à laquelle est envoyé un télégramme soi-disant rédigé par Pierre Quéméneur à sa famille. « Je ne suis pas allé à l’époque dans cette ville que j’ai vue hier pour la première fois, soutient Guillaume Seznec, malgré plusieurs témoins qui ont déclaré l’avoir vu ce jour-là. À la date indiquée, j’étais à Saint-Brieuc en l’étude de Me Bienvenue. D’ailleurs, c’est 6 mois seulement après mon prétendu séjour dans ce port que trois témoins, qui ne m’avaient jamais vu, sont venus affirmer m’y avoir rencontré. »

Néanmoins, aucune trace de Seznec à Saint-Brieuc ce jour-là n’a été trouvée. Et il n’évoque pas la date du 20 juin 1923, jour où la valise de Pierre Quéméneur est retrouvée au Havre. Selon l’enquête, Guillaume Seznec a été vu par un douanier près de la gare, portant une valise…

L’histoire de la machine à écrire

Le 13 juin, plusieurs témoins l’ont reconnu lorsqu’il achète une machine à écrire dans la boutique de Joseph Chenouard, au Havre. Le vendeur s’en souvient : l’acheteur avait fait changer le ruban violet de la machine par un ruban bicolore, violet et rouge. Or, c’est cette machine Royal 10 d’occasion qui a servi à taper les deux actes de vente de la propriété de Plourivo : l’exemplaire retrouvé dans la valise du Havre et celui que Seznec avait en sa possession. Plusieurs experts ont certifié que la signature de Pierre Quéméneur, apposée sur les deux actes de vente, était des faux par imitation.

 

 « J’avais contribué à faire punir et même révoquer trois policiers de Rennes qui m’avaient accusé à tort de me livrer au trafic des stocks américains, raconte Guillaume Seznec. Or, après plusieurs perquisitions infructueuses à mon domicile de Morlaix, ce sont eux qui, en l’absence de tout membre de ma famille, ont un beau jour découvert chez moi la fameuse machine qui avait servi à taper la promesse de vente de Traou-Nez. » Il s’interroge : « Elle était nette de toute poussière. Or, elle fut retrouvée dans ma scierie, où elle avait soi-disant séjourné de longs jours… »

Il conclut son entretien avec les journalistes en répétant : « Je connais le coupable, il avait intérêt à la disparition de Quéméneur. Il fut d’ailleurs interrogé par la police à cette époque… »

Néanmoins, 100 ans après les faits, Olivier Talabardon, magistrat et arrière-petit-neveu de Pierre Quéméneur, s’est exprimé dans Ouest-France sur cette affaire, en compagnie de l’historien Michel Pierre, spécialiste du bagne et auteur du livre L’impossible innocence, histoire de l’affaire Seznec (Tallandier). Pour eux, il n’y a pas de doute possible : Seznec est bien le coupable. Dans cette affaire, le doute planera toujours.

 

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