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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.

Rappel : Affaire Seznec. Les chantages successifs de François Le Her qui ont causé sa mort...

Toute notre éducation est fondée sur le chantage affectif et la double contrainte, la carotte et le bâton, et l'apprentissage sans intelligence des préjugés les plus stupides.
Joseph Messinger

Reconstitution. Photos Michel Pierre.

Je republie cet article.

J'ai toujours été très très intriguée de voir Jeanne Seznec si soumise à cet horrible Le Her...

Sauf si...

François Le Her avait les moyens de la faire chanter.

Genre : Si tu ne fais pas ce que je te dis...

Il aurait révélé à la justice qu'il n'avait JAMAIS croisé Pierre Quémeneur à Paris.

La suite ci-dessous...

Je suis intimement persuadée :

1/ Que François Le Her a monnayé son témoignage au procès de Quimper en 1924.

Je reconnais que Marie-Jeanne Seznec, femme de Guillaume, était une battante.

Et qu'elle était fort aidée en cela par son beau-frère Emile Petitcolas. Le mari de Marie Anne, soeur de Seznec. Grand franc-maçon. Avec un réseau indéniable.

Et que, dès le début de l'accusation de son époux, elle s'est activée pour chercher encore et encore des témoignages qui pourraient l'innocenter.

Mais si, souvenez-vous...

Au début, le témoignage de Le Her était des plus imprécis.

Dans Le Petit Parisien du 2 juillet 1923 : 

Il raconte avoir rencontré Pierre Quéméneur le 9 juin 1923.

Voilà que Le Her ne se présente pas à la Sûreté Générale pour témoigner...

Vous lisez bien : "Sa déposition perd, de ce fait, toute vraisemblance."

Et surtout surtout : "et s'être assez longuement entretenu avec lui le 9 juin...."

Mais voilà que (in Le Petit Parisien du 3 juillet 1923) :

Il se présente mais "Il n'a pu confirmer son premier témoignage et a conclu que son entrevue avec le conseiller général du Finistère datait peut-être du mois de mai."

Michel Keriel, lui, place le premier témoignage de Le Her au commissariat de la rue Fondary, le 29 juin 1923.

"Je me pointe donc le 29 juin au commissariat de mon quartier - rue Fondary - aux fins d'y narrer mon histoire. Un peu spéciaux, ces gars-là... au lieu de sauter en l'air à ces essentielles révélations, figurez-vous qu'ils n'en ont strictement rien à foutre... mais rien de rien ! C'est limite s'ils ne me fichent pas dehors avec perte et fracas !

(...) Le 1er juillet, je mets le cap en direction de la redoutable Sûreté, laquelle tient table ouverte rue des Saussaies."

in Michel Keriel (*), en page 97.

Et le témoignage devant le juge Campion en novembre 1923.

Soit 5 mois de réflexion !

Les journaux ont parlé de cet éventuel témoin...

Et, à mon avis, Marie Jeanne Seznec et Petitcolas l'ont repéré dans la presse et l'ont chèrement payé, ce témoignage.

2/ Que François Le Her s'est servi de son (faux) témoignage pour harceler Jeanne Seznec.

Il connaît Jeanne Seznec alors qu'elle n'a pas 20 ans, en novembre 1930 (née le 8 novembre 1912). 

Il est mythomane.

S'invente une brillante guerre.

Et enchaîne mensonges sur mensonges.

Il se proclame même l'un des trois rescapés du cuirassé Danton, coulé aux Dardanelles en 1915.

Alors qu'il y fut de juin 1911 à décembre 1913.

En 1915, il était sur le d'Estrées.

Le mariage ne l'a pas calmé...

En 1919, âgé de 26 ans, alors qu'il est sellier à Porspoder, il échappe de peu à un procès d'Assises, pour avoir violé la jeune Lucie Louédoc.

Car la mère Louédoc accepte de retirer sa plainte contre argent sonnant et trébuchant.

Mme Loudéoc était très pauvre. DPB 12 juin 1918.

Quand l'affaire Seznec fait la Une des journaux...

Il voit là une façon de se faire de l'argent facile.

Très facile.

Après son témoignage auprès du juge Campion..

Le 23 janvier 1924, la presse s'en mêle :

S'il a été payé grassement pour ce témoignage, il peut librement faire du chantage à Jeanne Seznec.

Pour l'épouser tout d'abord.

Puis, au retour de Guillaume Seznec du bagne, garder l'exclusivité et se faire du beurre avec les médias.

S'ajoute à tout cela un alcoolisme chronique qui fait de lui un homme violent et un poil dans la main gros comme un baobab.

"Ta fille en fait de belle depuis que tu es revenu du bagne.... Il n'y a plus moyen de la commander... Tu n'as qu'à retourner au bagne..." (**)

Il est furieux quand Guillaume Seznec, las de toutes ces disputes, quitte Kergleuchard pour aller vivre chez Mme Bosser, en octobre 1947.

Car c'est son gagne-pain qui fout le camp.

Les chantages reprennent de plus belle.

"Avec une salope comme toi on ne sait jamais quoi faire... Puis revenant à l'affaire de mon père, il ajouta : Depuis que j'ai connu cette famille Seznec.... cette sale race... depuis que j'ai fait ce témoignage en justice... je n'ai pas eu le bonheur... J'ai répliqué en lui disant : Mais tu es allé aux Assises avant... J'avais appris que mon mari avait en effet comparu avant notre mariage aux Assises de Quimper pour viol. Mon mari a été furieux de ma réponse. Il en fut ainsi de toute la journée.

[...]

En sa présence (du commis Cadiou), il dit : Tu vois... on est encore en pétard... avec une salope comme ça, il n'y a rien à faire... quand tu te marieras, ne prends pas une fille d'assassin." (**)

Jusqu'au jour où...

Jeanne Seznec, lasse, très lasse de tant de misères et de tant de chantages...

Va le descendre à bout portant.

Reconstitution. Photos Michel Pierre.

1/ Le dessert chez les Le Her

Je vous dresse la scène : nous sommes le dimanche 3 octobre 1948.

A Kergleuchard.

Dans la ferme de Plourin-Ploudalmézeau.

Le lendemain, 4 octobre, c'est l'anniversaire de Bernard Le Her.

Dans toute famille "normale", on aurait préparé un gâteau avec 5 bougies (oui, Bernard Le Her était né le 4 octobre 1943). Mais, là, non.... Au moment du dessert, on envoie les enfants jouer dans le jardin. Et le plus loin possible de la maison.

Non. Ce n'était pas Pâques. Non. Ce n'était pas pour la chasse aux oeufs.

En clair et non crypté : on les éloigne.

Qui ? 19 octobre 1948.

2/ Le revolver sur le buffet

Tout le monde trouve sans doute normal qu'avec 4 enfants à la maison, il y ait un revolver en vue sur le buffet. Et qu'il soit posé là sans que son cran d'arrêt ne soit mis.

C'est pas coutume dominicale dans toutes les familles, ça, hein ?

Reconstitution. Photos Michel Pierre.

3/ Le coup de grâce

L'ancien procureur de Quimper, Bruno Gestermann, m'a souvent posé la question de "comment je m'y serais prise pour tuer un homme face à moi".

Difficile de lui répondre.

Je hais les armes.

Je n'en possède pas.

Et je n'aime pas trop ceux qui en possèdent.

Mais pour vérifier ses dires, j'ai bien lu le rapport d'autopsie de François Le Her.

Oui, il y a eu le "coup de grâce" donné derrière la nuque.

Cet ultime coup qui permet de s'assurer que le mort ne sera plus jamais vivant !

En page 114 de Michel Keriel (oui, je sais, d'après certains faut pas croire ce qu'il y a d'écrit dans les livres, livres auxquels ils font référence par ailleurs pour leurs propres écrits...) :

"Le cadavre de François Le Her présente trois blessures par balles, aucune balle n'étant restée incluse. Il y a donc trois orifices d'entrée et de sortie. Les trois balles ont été tirées à courte distance, de la gauche vers la droite de la victime, en ce qui concerne deux d'entre elles d'arrière en avant, en ce qui concerne la troisième ayant pénétré au niveau de la nuque. Ces blessures sont contemporaines de la mort. L'une d'entre elles, celle due à la balle tirée d'arrière en avant au niveau de la nuque, est susceptible d'avoir amené une mort presqu'immédiate. Elle est certainement la cause de la mort."

Brest, le 5 octobre 1948.

Qui ? 2 novembre 1948.

Ce que j'essaye de vous dire c'est que Jeanne Seznec, épuisée par tous les chantages de son monstre d'époux, a fini par le descendre.

On ne se réjouit jamais de la mort d'un homme, mais, dans le cas présent, il ne l'avait pas volé !

Jeanne Seznec ne s'en est d'ailleurs jamais caché.

Témoignage de Jeanne Le Her, le 11 octobre 1948, auprès du juge d’instruction Sultana de Brest :

« (…) Mon mari s’est alors précipité sur moi. Il m’a crochée je ne sais pas où. Je sais que sa main est venue par là (l’inculpée nous montre son cou). Il y a eu une courte bagarre, quelques secondes. J’ai eu la certitude qu’il allait me tuer. Je crois qu’il a fait un geste vers l’arme. Je n’en ai pas la certitude. Est-ce ses yeux, est-ce son arme, j’ai vu que j’allais y passer. J’ai sauté sur le revolver comme une affamée. J’ai tiré, tiré, tiré. Je ne savais pas qu’un revolver pétait comme ça. Je ne sais même pas combien de coups. Ne m’en voulez pas si je ne m’en souviens pas bien, ça s’est passé tellement vite. Vous n’allez pas marquer ça sur les journaux. J’en ai assez. »

Qui ? 12 octobre 1948.

Alors...

Quand je lis que Denis Seznec déclare à Breizh-Info le 23 avril 2023 :

"Jeanne Seznec, sa fille cadette, chez qui il vit, entouré de ses quatre petits-enfants, (Il sera le parrain de Denis) va connaître un autre drame. Son mari – l’un des témoins de survie de Quémeneur qu’elle a connu lors de meetings en faveur de son père – est abattu de deux balles de revolver. Elle s’accusera – arguant de la légitime défense – mais son acquittement sera unanimement prononcé en quelques minutes par la cour d’assisses de Quimper."

Il n'est pas "abattu"...

Elle l'a abattu, nuance !

Même si cela doit être terrible d'avoir un grand-père bagnard, un père pédophile et une mère meurtrière...

A un certain âge, il faut savoir quand même regarder la réalité en face.

Si douloureuse soit-elle.

 

Liliane Langellier

Plourin Ploudalmezeau. Enterrement de François Le Her.

In "Qui ?" du 12 octobre 1948.

(*) Je rappelle ici que Michel Keriel, grâce au procureur de la République de Quimper, Bruno Gestermann, a eu accès aux dossiers Le Her et Seznec.

 

(**) in le livre "Autour de Seznec" de Michel Keriel.

Déposition de Jeanne Le Her - Seznec devant M. Sultana, juge d'instruction près le Tribunal de 1re Instance de l'arrondissement de Brest (département du Finistère).

Lundi 11 octobre 1948.

 

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