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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.

Affaire Seznec. Kermina. Gherdi. Les Algériens en France en 1920...

Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous.
Paul Eluard.

Commençons par le plus grand historien sur ce sujet, Benjamin Stora :

"Les Algériens sont arrivés en métropole dès les années 1920. Cette immigration est alors essentiellement originaire de Kabylie et représente, à la veille de la seconde guerre mondiale, près de cent mille personnes. Elle est relativement âgée, les candidats à l’exil ont souvent la trentaine : des paysans envoyés par leur village avec, pour mission, de renvoyer des mandats postaux à leur famille. La première vague, celle de l’entre deux guerres, a laissé des empreintes en se fixant en région parisienne, dans la région lyonnaise, marseillaise ou encore dans le Nord-Pas-de-Calais : les Algériens ont épousé la carte de l’industrialisation de la France.

[...]

Dans les baraquements du bassin minier du Nord de la France ou dans les cafés-hôtels des banlieues de la région parisienne, les hommes de Messali Hadj sont venus à la rencontre des immigrés pour leur prêcher la « bonne parole ». Dès les années 1930, les cafés-hôtels deviennent ainsi des lieux de vie et de mémoire. On y prend les nouvelles du « bled », on y écoute de la musique, on y recherche du travail ou on y fait la prière du vendredi. Le sentiment national va naître de l’exil. Loin de sa terre l’on découvre l’entre soi, une connivence avec d’autres exilés."

Je rappelle ici que Guillaume Seznec connaissait bien le quartier parisien de La Goutte d'Or. Il y avait laissé une voiture en réparation chez le garagiste Alexandre Bon.

Alexandre Bon...

C'est le garagiste chez qui Seznec a confié une voiture, qu'il avait achetée 15.000 francs au marquis de Lescouët en 1920, pour la revendre. Il avait son garage au 46 rue Léon 75018 Paris. L'automobile ne trouva pas acquéreur et, en juillet 1923, M. Bon la renvoya à son client.

La Goutte d'Or = station de métro La Chapelle où se trouvent les baraques de liquidation des stocks Kermina.

.........................

"La veille de la Première Guerre mondiale révèle l’implantation en métropole d’une véritable communauté algérienne. Mais du fait de leur statut spécifique, ni Français ni étrangers, le dénombrement n’est pas aisé. Lors du recensement de 1901, ils ne sont pas distingués des Français mais apparaît la mention de "travailleurs originaires d’Algérie". Ils restent bien loin derrière les migrants européens. Une enquête de 1912 comptabilise 4 à 5 000 Algériens en métropole dont un millier dans la capitale et sa périphérie. Ils ne font plus seulement partie du salariat agricole, mais appartiennent aussi au prolétariat industriel et urbain. Ils travaillent par exemple à la raffinerie Say, à la Compagnie des Omnibus et sur les chantiers du métropolitain à Paris, les usines Michelin, dans les mines du Pas-de-Calais, les industries lyonnaises, sur les docks du port de Marseille. Le patronat apprécie l’apport de cette main-d’œuvre docile et bon marché, non négligeable eu égard aux forts besoins de l’industrie, et souhaite également y recourir pour briser les grèves ouvrières.

Mais c’est la Grande Guerre qui amorce un mouvement migratoire représentatif vers la France. Près de 100 000 travailleurs d’Algérie auxquels s’ajoutent 175 000 soldats coloniaux sont recrutés entre 1914 et 1918. Les pouvoirs publics renvoient après l’armistice tous les travailleurs et soldats dans leurs colonies d’origine, même si quelques-uns parviennent à rester en France.

Dès 1921, plus de 35 000 "sujets" algériens sont recensés en France, leur nombre atteint plus de 85 000 en 1936, avant de redescendre à 72 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale."

in L'immigration algérienne en France.

Reprenons Gherdi et Kermina.

1/ Francis Gherdi 

Boudjema Gherdi est né à Chébli (Alger).

Le 23 septembre 1892.

Fils de Mohammed Ben Maklouf Gherdi et de Fatma Guerbacer.

Il a 20 ans en 1912.

Domicilié 2 rue Collette 75017 Paris en mai 1915 d'après la publication des bans du mariage Boudjema Gherdi - Rose Antoinette Jayet publiée à Saint-Ouen. 

Saint-Ouen / Aubervilliers = 4 kilomètres.

Il a servi au Camp Américain de Romorantin.

On retrouve son identité sur son acte de mariage en date du 27 mai 1922.

Il est mécanicien et est alors domicilié 19, rue de la Jonquière, Paris XVIIe.

Rue de la Jonquière / Aubervilliers = 7 kilomètres.

C'est totalement impossible que Boudjema Gherdi n'ait pas fréquenté les baraques (stocks) du métro aérien de Joseph Kermina.

La Lanterne du 15 mai 1920

"liquidateurs des stocks américains des camps de Montoux, Gièvres et d'Aubervilliers..."

In Les Potins de Paris du 8 juillet 1920

2/ Joseph Kermina

Né le 10 décembre 1858 dans le Loiret à Saint-Jean-le-Blanc.

Classe 1878.

Il est connu et respecté.

Ancien entrepreneur de travaux publics, il participe à la construction du port de Mostaganem et du port de Dunkerque. Et à celle du métro parisien (ligne N°1).

C'est à lui qu'appartient la compagnie des taxis G2.

Son fils aîné, Lucien Kermina (1887/1935) s'est brillamment battu contre l'Allemagne.

Son fils Francis est tombé pour la France.

Francis Kermina (1893/1918).

Kermina avait aussi deux filles.

- Madeleine (1890/1967), mariée avec Raymond Gagneraud, entrepreneur,  puis, avec Roland Quetil de la Poterie, blanchisseur à Dinan (si, si...)

- Marie-Rose (1897/1980).

Les baraques des stations de métro in Le Petit Parisien du 28 novembre 1920.

Le Journal des Débats Politiques et Littéraires du 5 juin 1921 :

"les baraques Métro Barbès, La Chapelle, Sèvres-Lecourbe, Nationale et Glacière".

[Métro aérien]

Joseph Kermina travaillait avec ses fils ET ses gendres.

in Le Temps du 13 septembre 1921

Cela dura jusqu'en 1926 :

Ouest-Eclair du 13 décembre 1926

...............................................

Il est totalement impensable que Francis Gherdi n'ait pas rencontré, à un moment ou à un autre, Joseph Kermina. 

Soit parmi les Algériens de Paris, soit (et surtout) pour son commerce de pièces détachées.

Guillaume Seznec, lui, traînait vers le Parc des Expositions et vers la Goutte d'Or...

Il aurait pu aussi s'intéresser à cette petite annonce dans Ouest-Eclair du 4 août 1922 :

Kermina et Seznec achetaient aux stocks du Camp de Romorantin, Gherdi y bossait...

"Un gigantesque dépôt militaire américain est construit à partir d’ à côté de Romorantin, le G.I.S.D. (General Intermediate Supply Depot) s'étendait sur les communes de Gièvres, Pruniers, Selles-sur-Cher et Villefranche en formant un vaste losange dont les diagonales respectives étaient de 10 km et 3 km."

Ouest-Eclair du 11 juillet 1921

En fréquentant ce camp...

Seznec, Kermina, Gherdi ne pouvaient pas ne pas se connaître.

Et vous pensez que les deux frères Marc, Charles et Pierre, habitant la banlieue est, ne connaissaient pas les fameuses baraques Kermina du métro aérien (?)

Un petit rappel : l'assassinat du "roi des stocks" avait été évoqué par Youenn, dans les commentaires de mon article sur Gherdi, le 3 décembre 2012 : 

"Tenez, par exemple, vous seriez fort aimable, Seznek, de nous conter « l’assassinat du roi des stocks en 1921 », ça nous changerait de tous nos écrivains, journalistes et autres enquêteurs qui, semble-t-il, depuis A. Bernède en 1931, nous ont confiné à ce propos dans le plus grand…silence !"

Et, pour finir, cette curieuse phrase de Gherdi à Claude Bal (en page 198 de son livre "Seznec était innocent") :

"- Il n'était pas fou votre Seznec, proclame-t-il avec une immense satisfaction. Il était comme les copains, il a fermé son bec !"

Sicut dixit !

 

Liliane Langellier

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