Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
2 Novembre 2022
Dans une passe étroite il n'y a ni frère ni ami.
Proverbe arabe.
Portrait de Guillaume Seznec dans Paris-Soir 14 septembre 1933
Que sait-on exactement sur Guillaume Seznec ???
Qu'il trafique.
Qu'il est mauvais payeur.
Qu'il est prêt à tout pour gagner quelques dollars de plus (c'est une formule !)
Côté frères Marc...
Nous savons aussi que Seznec les rencontre souvent à Paris...
Pour acheter aux stocks.
Dans le reportage de Bernez Rouz pour France 3 Iroise en octobre 2004 :
Denis Seznec :
« Toutes les après-guerres, ça génère des trafics, sauf que les voitures, c’était la valeur, c’était la grande valeur qui arrivait sur le marché, et ces trafics ont généré beaucoup de margoulins, de gars qui achetaient et qui revendaient, et ceux qui achetaient en Bretagne notamment, parce que beaucoup de stocks étaient en Bretagne également, et jusqu’à Romorantin, qui n’est pas en Bretagne mais qui est à côté du Mans. De ces stocks-là, on les amenait à Paris, parce qu’à Paris, on pouvait pratiquement doubler le prix. »
Alain Boulaire :
« Oui. Il y a certainement eu des filières. Maintenant, comme tout trafic illicite, il est extrêmement dur de les remonter. Je crois que, en plus de ça, c’était pas la priorité à ce moment-là, donc il faut voir et fouiller dans les archives. C’est un sujet certainement extrêmement intéressant. Oui, certains Américains ont joué un rôle là-dedans, c’est-à-dire tout le monde a trafiqué parce qu’il y avait énormément d’argent à se faire. »
L'Humanité du 30 mai 1920
J'ai trouvé toute seule (et oui...) quel était le sous-secrétaire d'Etat aux Stocks qui avait magouillé : Emmanuel Brousse.
Denis Seznec en page 447 :
"Faut-il croire aussi qu'en haut lieu on craint que les émissions et leurs suites ne fassent apparaître que la famille d'un haut dignitaire de l'Etat avait tiré sa fortune du trafic des surplus de la guerre 1914-1918, noeud véritable de l'affaire Seznec ?"
J'ai trouvé aussi (et oui...) avec qui il avait magouillé : les Kermina.
Une fois le fil tiré, la pelote de laine est venue toute entière.
Les dates des stocks Kermina : 1920/1921.
Les dates des achats Seznec (en voitures, camions et autres) : 1920/1921.
Ouest-Eclair du 29 mai 1926
"Ce Charly comptait, à cette époque, faire de grosses affaires avec un industriel qui s'était rendu acquéreur d'une partie des stocks amériains du camp de Pontanezen, près Brest."
J'ai déjà écrit dans un article précédent que Seznec connaissait parfaitement Paris.
D'autant plus qu'il avait deux guides attitrés : Pierre et Charles Marc, les frères de Marie-Jeanne.
Côté finances, je pense que Seznec essayait de faire un tour de trésorerie...
Que, fauché, il était le spécialiste de la cavalerie bancaire.
"Faire de la cavalerie bancaire est une opération consistant à camoufler l'impossibilité d'un remboursement. Dans une opération de cavalerie bancaire, de nouveaux crédits sont utilisés en permanence pour rembourser les emprunts antérieurs."
Il achetait ses bagnoles à crédit, et les revendait aussitôt ce qui lui permettait avec l'argent de son acheteur de payer son vendeur...
Souvenez-vous de ce qu'écrit Bernez Rouz en pages 46/47/48/49 :
[Ce que témoigne Louis Larvol, le maire de Plomodiern] : "Actuellement il exploite une scierie et saboterie mécanique à Morlaix et depuis il roule en automobile et en side-car, cependant je le crois incapable de se rendre acquéreur de l'auto dont vous me parlez. Cet homme n'a pas une très bonne réputation au point de vue de la probité."
[...]
"L'implication de Pierre Marc, le beau-frère de Seznec est aussi particulièrement intéressante. D'abord parce qu'il est mécanicien à Clichy, il connaît donc le marché automobile et les opportunités qu'offre la vente des stocks américains Il nous apprend que Seznec vient acheter une pièce pour réparer son camion et repart avec deux grosses voitures achetées 15000 francs l'unité. Il avait donc de l'argent pour cela."
Non.
Il n'avait pas de l'argent pour cela.
Il faisait de la cavalerie de trésorerie.
Il achetait à crédit, revendait aussitôt et payait le crédit avec l'argent de la revente.
Et puis...
Un beau jour...
Bim, bam, boum !!!
Il n'a plus pu revendre sa marchandise et donc rembourser son vendeur.
D'où l'urgence de gager sa Cadillac à Pierre Quémeneur.
Quand il a vu qu'il pouvait obtenir 15.000 francs aussi facilement du conseiller général, Seznec a perdu la tête.
Et, pour rembourser ses dettes aux stocks....
A monté, avec les frères Marc, l'arnaque des Cadillacs destinée à Quémeneur.
Rappelez-vous combien il était facile de se procurer du papier-à-lettres à entête de l'administration américaine.
Lire sur ce blog : Petite histoire d'un Américain voleur de Cadillac.
Oui, Pierre Quémeneur y a cru (d'où ses dires à Legrand et Saleün).
C'est sa crédulité qui l'a fait périr.
Seznec a monté l'arnaque de A à Z.
C'était urgent pour lui de rembourser ses achats aux stocks.
Posez-vous la question de savoir pourquoi le grand avocat Vincent de Moro Giafferi a demandé à Seznec de ne pas parler des affaires de cadillacs (?)
Je rappelle ici que Moro était l'avocat de la famille Kermina dans le procès qui les a opposés au serbe assassin Papazoghou, en octobre 1922.
L'Oeuvre du 15 octobre 1922
"Le fils et le gendre de la victime sont au banc de la partie civile
lorsque Me de Moro-Giafferi prononce sa plaidoirie."
Seznec aurait-il été menacé sur sa famille et sur ses biens ???
Bernez Rouz écrit, dans son chapitre "Quemeneur aurait été assassiné par le gang des Cadillac", en page 160 :
"Le président des assises, Dollin du Fresnel, estime que le trafic vers la Russie est un mythe. Tout laisse à penser que ce trafic de Cadillac est un miroir aux alouettes pour plumer un notable bas-breton. Seznec dans cette hypothèse pourrait être le rabatteur du pigeon landernéen. D'où ce retour précipité et incongru vers Morlaix, alors qu'il était arrivé à 46 km de Paris, d'où son mutisme ensuite sur ces trafiquants qu'il connaissait depuis 1920. Seznec se serait tu pour protéger sa famille."
Dans cette même page 160, Rouz cite lui aussi Claude Bal :
"Il n'était pas fou votre Seznec... Il était comme les copains, il a fermé son bec."
En tout cas, Quemeneur, lui, il est bien tombé dans le piège.
Ce n'est pourtant pas faute que son beau-frère Me Pouliquen l'ait mis en garde.
C'est ce que montre et démontre la remarquable primo-enquête retrouvée par Bernez Rouz (pages 79/92) :
"Après un interrogatoire sommaire, il fut confronté avec moi [ndlr c'est Jean Pouliquen qui écrit ] Il commença par dire que c'était mon beau-frère qui lui avait donné rendez-vous à Brest le 22 mai. Je lui opposais le démenti le plus formel puisque j'avais assisté à l'entretien téléphonique et je lui disais d'en faire la preuve puisque sa fiche portait certainement à la poste une communication téléphonique ce jour-là. Se voyant pris, il avoua que c'était peut-être lui qui avait appelé mon beau-frère."
Désolée...
Mais mon hypothèse est toute aussi valable que la thèse délirante du brocanteur "à l'international" avec l'intervention d'un héros du F.B.I. dans l'affaire Seznec...
Toute aussi valable...
Isn't it ???
Je vais terminer par Claude Bal [*] qui donne la parole à Gherdi en page 199 de son livre "Seznec était innocent" :
"- Mon pauvre ami, fait-il en se fondant sur tout son savoir, Seznec et Quémeneur ne traitaient pas avec des enfants de choeur. Les voitures n'allaient pas à Meudon ! Et vous croyez, vous, comme ça, que notre petit Seznec allait se mettre à table ? Qu'il allait avouer qu'il était venu au Parc et Au Tambour ? Il a bel et bien fermé son bec, votre innocent !
- Comme les copains ! fais-je avec un sourire.
- Comme tous les copains ! insiste Gherdi, et ce n'est pas vous qui leur ferez ouvrir !
- Comme vous aussi, Gherdi !"
Liliane Langellier
Claude Bal et Jeanne Le Her -Seznec
[*] Je donne ici la parole au bô gosse Claude Bal parce qu'il a mené, lui, une véritable enquête.
Mais les conclusions qu'il en a tirées sont pour le moins fantaisistes.
Puisqu'il a été facile pour le commissaire Camard de les démonter une à une.
A sa décharge, Jeanne Le Her-Seznec, après en avoir été très très très proche, lui a mis la misère et l'a traîné dans le mal par pure jalousie....
Car il commençait à sortir avec sa fille Francette.
Dixit Jean-Yves Seznec [conversation téléphonique enregistrée].
Claude Bal et Denis Seznec
P.S. Merci à toutes et à tous...
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Soit 922 articles sur l'affaire Seznec avec mon blog La Piste de Lormaye.
Qui dit mieux ???