Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
24 Octobre 2022
Qu'on écrive un roman ou un scénario, on organise des rencontres, on vit avec des personnages ; c'est le même plaisir, le même travail, on intensifie la vie.
François Truffaut / Entretien avec Franck Maubert - Avril 1982
Sur l'air de la complainte de Fualdes :
"Ecoutez la triste histoire
De ce pauvre Quémeneur
Qui vivait avec sa soeur
A Landerneau c'est notoire
Et qui fut assassiné
Le 25 ou l'26 mai..."
Mon scénario final se précise...
D'une part, nous avons l'homme politique impliqué dans l'affaire des stocks américains : Emmanuel Brousse...
D'autre part, le tripatouilleur de stocks : Joseph Kermina.
Reste à relier tout ça avec Guillaume Seznec.
Seznec connaissait sûrement l'assassinat de Kermina...
Les journaux locaux en avaient parlé :
Ouest-Eclair du 11 septembre 1921
La Dépêche de Brest du 11 septembre 1921
Du côté des beaufs...
Charles Marc, le frère de Marie-Jeanne, est proche de Seznec.
Qui lui revendra sa blanchisserie de Saint-Pierre-Quilbignon.
Charles a un copain chelou : Louis Charles Balson.
La Dépêche de Brest du 31 mars 1921
Qui, avec son associé Louis Genoud, a racheté la dite blanchisserie.
Fin mars 1921, Charles Marc est domicilié à Brest, 33, rue Emile Zola.
A partir du 11 août 1921, il est à Paris 16e, 36, rue de Longchamp.
"D'autre part. il est avéré qu'il s'occupa également de commerce d'automobiles et surtout d'achats divers aux stocks américains."
"D'autre part, un commerçant de la ville assure avoir reçu la visite, à différentes reprises, de ce Louis Charles, accompagné de Seznec, Marc et d'une quatrième personne portant de fortds moustaches et qu'il y a lieu de supposer être M. Quemeneur."
in Ouest-Eclair du 4 juin 1926.
Balson meurt dans un étrange accident de voiture le 24 mai 1929.
"Entre Sombernon et Pouilly-en-Auxois, la voiture de M. Balson, dentiste à Dijon, se retourne sur elle-même. M. Balson est tué (in Le Petit Parisien 24 mai 1929)."
L'autre beau-frère, Pierre Marc, aussi est proche de Seznec.
Chez Denis Langlois en page 325 :
"Le 8 avril 1920, Seznec est entendu de nouveau au sujet de ses achats d'automobiles à Paris :
"C'est le 29 novembre 1919, au Champ de Mars, à Paris, lors d'une exposition d'automobiles que j'ai fait ces achats. J'étais accompagné de mon beau-frère Pierre Marc, mécanicien à Clichy, et de deux de ses amis. Nous nous sommes rendus dans un café du Champ-de-Mars, boulevard Bourdonnais, c'est là que le contrat de vente de deux américaines a été passé entre M. Randoin et moi."
On ne retrouvera jamais aucune trace du garagiste Randoin d'Annecy."
Par contre....
Oui, pourquoi ne pas imaginer un scénario qui impliquerait les deux beaux-frères ???
Qui se seraient abouchés avec la bande à Kermina (?)
Au moment de l'arrestation, de l'enquête, du procès et du bagne (et même après le retour du bagne), on n'entend plus jamais parler de ces deux-là.
Tout ce temps-là, la famille Marc s'est montrée très très hostile à Marie-Jeanne Seznec.
Qu'elle a complètement délaissée.
Le père Marc ne lui fera pas de cadeau dans Le Petit Journal du 1er juillet 1923 :
"Il est des hommes qui sont capables de tout. Seznec est de ceux-là.
- Le croyez-vous donc coupable ?
- Je ne dis pas cela, mais seulement qu'il est capable d'avoir fait le coup. Il est des gens que rien n'arrête lorsqu'ils veulent s'emparer d'une auto ou d'une somme d'argent qui ne leur appartient pas. S'ils trouvent sur leur route un obstacle, ils le suppriment. Seznec est un bon à rien, incapable de s'attacher à une besogne quelle qu'elle soit. Il achète une propriété, un commerce, une usine, puis une lubie lui passe. Il plante tout là et s'en va ailleurs c'est ainsi qu'il m'a ruiné."
Et puis...
Rappelez-vous...
Guillaume Seznec n'a JAMAIS pu justifier de sa grande consommation d'essence dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26 mai 1923.
In Le Gaulois du 23 octobre 1924
Kadillak/Seznek/SaintOp :
"A l'heure du laitier, toujours dans les environs d'Houdan, la cadillac se retrouve à court de carburant. Fuite du réservoir ? évaporation anormale ? Seznec l'a t-il bu ? Ce ne sont pas les quelques dizaines de kilomètres soit disant parcourus qui ont pu assécher la belle américaine."
Et s'il avait poussé la Cadillac jusque chez l'un de ses chers beaux-frères ???
La-Queue-Les-Yvelines / Porte Dauphine : 43 kilomètres.
A/R 86 kilomètres.
Ils auraient pu, tous trois (tous deux ?), monter ensemble le scénario du correspondant américain (Charles, Charley, Charlic, Charly) pour attirer Pierre Quémeneur dans un piège.
Seulement voilà...
La rencontre se passe mal.
Il y a bagarre.
Et Pierre Quémeneur est tué.
Les deux zigs se chargent du cadavre et Guillaume Seznec est prié de retourner fissa à Morlaix.
A Seznec...
D'inventer un scénario qui tienne la route.
On connaît la suite...
Rappelez-vous ce qui est écrit dans L'Ouest-Eclair du 12 juillet 1923...
"L'arrestation aurait été différée parce que l'individu en question serait en relations avec certains hommes politiques qui seraient intervenus à la Sûreté Générale, non pour entraver l'action de la justice, mais pour prévenir qu'il est tout-à-fait impossible que la personne soupçonnée soit coupable."
Parlerait-on là du fils Kermina ???
Joseph Kermina a deux fils :
- Lucien Kermina (1887 - 1935),
- Francis Kermina (1893).
Fils sauvé in extremis par l'intervention de l'homme politique Emmanuel Brousse ???
Jamais cité dans notre histoire, le père Emmanuel Brousse (1866 - 1926)...
Forcément avec ses quatre fils journalistes...
"Dans la famille Brousse, on est journaliste. Le père, prénommé également Emmanuel, est le responsable de l’imprimerie de l’Indépendant. L’oncle, Louis, est journaliste et carrément directeur du même journal. Journaliste aussi, après avoir été pharmacien, le cousin Emmanuel-Robert. Journaliste donc Emmanuel junior. Et bien sûr seront journalistes ses quatre fils : Charles, Jean, Georges et, devinez, Emmanuel ! Pas facile de s’y retrouver …
Revenons au nôtre … très jeune il commence comme typographe dans l’imprimerie familiale avant de commencer à écrire des papiers sur l’actualité locale. Le voilà rédacteur politique puis gérant de la société L'Indépendant pendant 28 ans. Il se lance dans l’arène politique : il est élu conseiller municipal de Perpignan puis conseiller d’arrondissement, et en 1895 conseiller général pour le canton de Saillagouse. Il est administrateur des hospices de Perpignan lorsqu'il se présente sous l’étiquette « Gauche républicaine Démocratique » dans l'arrondissement de Prades aux élections générales législatives du 6 mai 1906. Dans sa profession de foi, il se prononce en faveur d'une politique « modérée, tolérante, ferme sur le plan extérieur, mais dénuée d'ingérence confessionnelle sur le plan intérieur ». Il est élu … et restera député jusque deux ans avant sa mort."
in Mont-Louis, monument pour un ministre assez particulier.
- Charles Brousse (1891 - 1981), espion anti-nazi pendant la Seconde Guerre Mondiale,
Lire Agents secrets à Castelnou.
- Emmanuel Brousse (1900 - ?),
- Georges Brousse (1908 - 1945), directeur de l'Indépendant, mort en déportation, le 15 avril 1945.
Qui a lui-même un fils, Georges Brousse.
- Jean Brousse (?)
Pour moi...
Brousse est intervenu pour sauver la peau du fils Kermina.
Pimentons encore un peu cette histoire...
Et si les deux frères Marc étaient les deux zigs avec qui Pierre Quémeneur prend un apéritif à Rennes en attendant Guillaume Seznec.
Ou deux de leurs complices ???
C'est chez Bernez Rouz, (qui, lui, nous parle de l'Hôtel parisien à Rennes) en page 69 :
"Il rejoint le conseiller général à la terrasse d'un café où il discute avec des amis rennais. Cette scène rapportée par L'Ouest-Eclair du 8 juillet ne fera l'objet d'aucune recherche. Rares sont pourtant les personnes qui ont parlé longuement au duo pendant leur équipée mystérieuse vers Paris. Aucune recherche ne sera entreprises non plus sur l'emploi du temps de Quéméneur à Rennes."
Seznek sur le Forum Justice Affaires Criminelles, le 18 février 2015 :
"La première avancée sur le sujet serait de connaître l'identité des personnes que Quéméner rencontre à Rennes et notamment à l'apéro à l'Hôtel de Paris..."
Et...
Histoire de corser encore un peu plus mon scénario...
Si le délire de Guillaume Seznec (novembre 1953) à Jacques Marestet était vrai ????
Le Parisien Libéré du 27 novembre 1953
"Quand Jacques Marestet, le journaliste du Parisien Libéré, s'était présenté, cela avait fait toute une histoire. De ton lit, tu avais entendu les mots d' "exclusivité, de "contrat", de "droits".
Tu avais rassemblé tes forces et tu avais crié :
- Entrez, monsieur Marestet, je serais heureux de parler avec vous !
Marestet était entré et s'était assis auprès de ton lit. Il t'avait parlé de la campagne qu'il menait dans son journal. Pour lui, plus que jamais, la clé de l'énigme se trouvait à Brest-Lambezellec. Les coupables étaient à chercher dans le gang des Cadillac qui guettait Quemeneur sur la route entre Rennes et Houdan.
Tu l'avais écouté, puis doucement en lui prenant la main, tu lui avais dit :
- Je vais vous faire une confidence que je n'ai jamais faite à personne. Quand nous sommes sortis du restaurant Le Plat d'Etain à Houdan, j'ai laissé la conduite de la Cadillac à Quemeneur. Nous ne sommes pas allés loin, la voiture a fait une embardée dans le fossé. Quemeneur a été blessé à un bras. Mais une autre voiture avec deux hommes nous a rejoints. L'un d'eux, un athlète, a soulevé Quemeneur dans ses bras et l'a porté dans la seconde voiture. Quemeneur m'a crié de faire demi-tour et de retourner en Bretagne. La voiture s'est éloignée...
Le journaliste t'écoutait avec des yeux ronds.
- Mais pourquoi n'en avez-vous pas parlé en 1923 ?
- Je l'ai fait. Le commissaire Vidal n'a pas voulu me croire et mon avocat, Me de Moro-Giafferi, m'a conseillé de ne pas insister. Cela mettait trop de gens en cause...
Marestet a pris des notes sur son calepin et est sorti précipitamment."
Rappel : C'est Me Vincent de Moro-Giafferi qui défend la famille Kermina lors du procès de l'assassinat de Joseph Kermina (octobre 1922).
Pas étonnant qu'il demande à Seznec de ne pas parler des stocks américains.
L'Oeuvre du 15 octobre 1922
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Voilà.
Mon scénario final, conjugué au conditionnel, n'est ni meilleur ni plus mauvais qu'un autre.
Il a l'avantage d'être totalement franco-français. Sans l'intervention des deux plus grandes puissances mondiales.
Il épargne le foutu chandelier Louis XV qui reste, à Morlaix, sur la cheminée du salon de Traon-ar-Velin. A veiller sur la vertu de Marie-Jeanne Seznec.
De plus, il nous économise un billet d'avion pour aller enquêter du côté du F.B.I. aux States.
Je suis sûre de moi pour Brousse et Kermina.
Après...
Je vous concède que c'est plus difficile de relier tout ça aux frères Marc et à leurs potes.
Mais pourquoi pas ???
Guillaume Seznec aurait-il menti pour couvrir ses deux beaux-frères dont il était le complice ???
A suivre...
En février-mars 1923, Pierre Laval devient maire d'Aubervilliers.
Pourquoi je dis ça, moi ???
Liliane Langellier
P.S. Lire aussi sur ce blog : Les Marc, la belle-famille de Guillaume Seznec.
Si certains de mes lecteurs peuvent me donner des renseignements complémentaires sur les frères Marc...
Ils seront les bienvenus.