Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
27 Avril 2022
Une Grenouille vit un bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
— Nenni. — M'y voici donc ? — Point du tout. — M'y voilà ?
— Vous n'en approchez point. La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout Bourgeois veut bâtir comme les grands Seigneurs,
Tout petit Prince a des Ambassadeurs,
Tout Marquis veut avoir des Pages.
Voilà que je lis ce jour :
"Le fait nouveau concerne l'affaire de Cadillac vers la Russie des soviets."
Il n'y a pas plus de "fait nouveau" que de beurre à la cantine.
Ah les Soviets...
Cela fait tellement riche de parler des Soviets...
Qui, comme les Ricains, n'ont strictement rien à voir avec notre affaire Seznec.
Ce n'est pas du tout "un fait nouveau".
En 1923, cette hypothèse avait été examinée.
Cela débute dans L'Ouest-Eclair du 29 juin 1923 :
Cela continue dans Le Journal du 1er juillet 1923 :
Et oui, c'est dans la bouche de l'épouse de "Chardin" :
"D'autre part, il n'est pas Américain, mais Suédois. En outre, il n'a jamais été en relations avec des représentants des soviets."
L'Humanité du 2 juillet 1923 réagit violemment :
"Soviets, s'indigne, le 2 juillet 1923, le journal communiste L'Humanité, il n'était pas mauvais de glisser le mot Soviets dans cette histoire, ça fait toujours bien, même dans une phrase dubitative ou négative."
Dans Le Petit Journal du 8 juillet 1923...
"le commissaire Vidal "cherchera également à établir exactement dans quelles conditions a été échafaudée la prétendue affaire d'autos à vendre aux Soviets et qui n'avait pour but que d'attirer M. Quémeneur dans le guet-apens où il a trouvé la mort."
Cette histoire de Soviets n'est pas du tout nouvelle puisque la presse en parlait dès le début de juillet 1923.
Et que le commissaire Vidal a creusé aussi cette hypothèse de trafic avec les Soviets.
L'Ouest-Eclair du 12 juillet 1923 :
"Il s'agirait de l'arrestation de l'individu qui avait monté l'affaire des autos à vendre aux Soviets et que M. Quemeneur allait voir à Paris."
......................
Chez Bernez Rouz en page 51 :
'Dès sa première audition par le commissaire Cunat le 26 juin, Seznec décrit précisément le marché qui le liait à Quéméneur : "Courant avril 1923... Pierre Quéméneur m'a fait part qu'il avait reçu une lettre d'un américain "Sherdly". Il y a de l'or à gagner en barres, il s'ait d'une affaire de voitures pour le ravitaillement de la Russie."
Chez Michel Pierre :
"Nul n'a cru non plus à l'hypothèse d'un possible "trafic" de Cadillac avec l'URSS et personne n'a relayé une telle possibilité qui, si elle avait existé, n'aurait échappé ni à la presse, ni aux enquêteurs.
[...]
Il n'est donc pas étonnant que personne, ni la presse, ni l'accusation ou la défense de Seznec, ne se soit beaucoup préoccupé de l'existence d'obscurs circuits de transaction entre la France et l'URSS puisque chacun savait à l'époque que des contacts normaux se mettaient en place.
A partir du moment où nul n'envisage sérieusement cette hypothèse, la recherche du contact lié à cet improbable commerce, le dénommé "Sherdy" ou "Cherdly", n'a pas été une préoccupation majeure, ni des enquêteurs, ni des magistrats, ni de la défense."
Et dans sa dernière interview :
« Dès le début de l’enquête, les autorités s’interrogent sur ce commerce d’automobiles destinées à l’Union soviétique rapporté par Seznec et qui expliquerait le voyage des deux hommes à Paris. D’autant que ce trafic n’a jamais eu le début du commencement de la moindre réalité. En 1923, l’URSS peut acquérir légalement des véhicules neufs et ne se serait-pas encombrer d’un projet foireux d’acquisition de véhicules d’occasion, vieux d’au moins cinq ans, et sans utilité. Les Soviétiques avaient besoin de tracteurs, pas d’anciennes voitures destinées à l’origine à des officiers américains sur le front. De plus, comment imaginer qu’ils auraient, pour cela, fait appel à nos deux bretons ? c’est un scénario de « Pieds-Nickelés ». »
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Qu'est-ce que les Soviets seraient venus chercher en Finistère ?
Quels contacts avec un conseiller général de Sizun ???
Encore une théorie du complot international...
Contre deux clampins finistériens ????
Me de Moro-Giafferi avait bien conseillé à Seznec de la boucler sur ce soi-disant trafic pour ne pas risquer de se ridiculiser.
Le conseil est encore valable actuellement.
Guillaume Seznec a inventé ce mensonge des "soviets" pour se sortir d'affaire.
Uniquement pour se sortir d'affaire.
Restons donc calmes et pensons plutôt Houdan et ses environs.
Qui ont pu, tout à loisir, devenir le tombeau de Pierre Quémeneur.
Mais, après tout, si Denis Seznec a envie de se ridiculiser devant la Cour de Révision avec les théories fumeuses de Louis La Brocante...
C'est son affaire.
Mais qu'il n'oublie pas ce qui figure dans son livre (avec moultes fautes d'orthographe) :
Même après quelques barbecues morbihannais bien arrosés...
S'appuyer sur un tel "pied-nickelé", qui change d'avis comme de chemises, mais qui veut absolument "en être" s'il y a une demande de révision à venir...
C'est risquer de perdre toute crédibilité.
Alors qu'il n'en a déjà plus beaucoup !
Liliane Langellier