Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
10 Octobre 2023
Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous.
Paul Eluard.
Et oui...
Vous lisez bien...
Il n'y a pas eu que l'ombre de l'affaire de la Grande-Palud qui a plané sur le procès Seznec...
Il y a eu aussi celle du procès de Landru.
La Dépêche de Brest du 16 juillet 1923
Le procès de Landru - qui se déroule aux assises de Seine-et-Oise en novembre 1921 - a passionné la France entière.
Si les grands journaux, Le Figaro avec Georges Claretie ou Le Matin avec l'écrivain Colette, ont parlé quotidiennement de ce procès entre le 8 novembre et le 30 novembre...
La P.Q.R. (NDLR Presse Quotidienne Régionale), elle, n'a pas été en reste.
A commencer par La Dépêche de Brest :
Et par Ouest-Eclair du 8 novembre 1921 :
Le gars Guillaume lisait la presse régionale...
Et, cela n'a pas été sans influencer certains de ses choix.
1/ L'avocat Me de Moro-Giafferi
Brillantissime pour la défense de Landru...
C'est lui que Seznec demandera à avoir comme défenseur.
Mais il est appelé au gouvernement Henriot :
" En 1924, il fut appelé pour défendre Guillaume Seznec, en raison de la disparition du conseiller général Pierre Quémeneur survenue un an plus tôt, de laquelle on accuse Guillaume Seznec d'être l'auteur.
Réélu cette même année, il est nommé sous-secrétaire d'État à l'Enseignement technique du au dans le gouvernement Edouard Henriot (Cartel des Gauches). Il ne pourra pas assurer la défense de Guillaume Seznec, qui avait fait appel à ses services, quelques mois plus tôt. Il proposa son plus proche collaborateur, Me Marcel Kahn un jeune avocat qui n’avait jamais plaidé jusqu’ici devant une Cour d’assises."
Denis Seznec y verra (comme dhab) un complot politique contre son papy martyrisé...
Juste un aléa de la vie politique.
Mais pourquoi Seznec n'a-t-il pas demandé un avocat breton ?
Parce qu'il a pris connaissance dans ses journaux de la brillante défense de Landru par Me Vincent de Moro-Giafferi.
2/ Gambais et les étangs de la forêt de Rambouillet
Le commissaire Achille Vidal est, dès le début de l'enquête, persuadé que le crime a eu lieu entre Houdan et Gambais.
Il va, en conséquence, faire sonder tous les étangs du coin.
Même en faire assécher certains.
Et proposer une prime aux inspecteurs et aux chercheurs sur place :
La Dépêche de Brest du 10 juillet 1923
Gambais...
Le lieu où Landru louait une résidence secondaire "L'Ermitage" à Monsieur Tric.
Seznec a bien dû voir, dans les phares de sa Cadillac, apparaître le nom de Gambais...
Et il a dû penser immédiatement à l'affaire Landru.
Echo d'Alger du 26 novembre 1921
Et à la façon dont l'assassin se débarrassait de ses cadavres...
Notamment dans les étangs... A boues dissolvantes.
Landru in Echo d'Alger 24 novembre 1921
Seznec in Echo d'Alger du 3 juillet 1923
3/ Le petit carnet
Il est aussi question d'un petit carnet dans l'affaire Landru.
Celui où Landru notait ses victimes sous des noms de code.
Et, où il notait les prix des voyages d'après un indicateur :
Seznec falsifiera, lui, la fin du petit carnet de Quémeneur.
4/ L'expert Bayle
"Puis vient le tour de Bayle. Le grand Bayle. Pas par la taille, mais par la renommée. Directeur des services de l'Identité judiciaire. Aucune affaire criminelle de quelque envergure ne lui échappe. Il a expertisé la machine à écrire saisie dans le grenier de Seznec. Pour lui, aucun doute, c'est celle qui a servi à taper les faux actes de vente. On constate les mêmes défaut de frappe, la même usure des caractères."
in Langlois "Pour en finir avec l'affaire Seznec.
"Edmond Bayle, pour sa part, licencié en sciences physiques, ancien élève de l'Institut Pasteur, a pris la succession d'Alphonse Bertillon, le créateur de l'anthropométrie, au poste de directeur de l'Identité judiciaire à la préfecture de police de Paris en 1921. En 1924, il est connu pour avoir aidé à confondre des falsificateurs de bons de la Défense nationale, c'est aussi un spécialiste des analyses de produits et denrées alimentaires. Ses avis font autorité. L'un d entre eux va même lui coûter la vie : cinq ans après le procès de Quimper, le 16 septembre 1929, il est abattu de trois coups de revolver par un nommé Philipponet se disant victime d'une de ses expertises."
in Michel Pierre en page 102.
5/ Les recherches dans les gares aux environs de Dreux
Oui, pour Seznec, c'est Houdan et Dreux...
Mais pour Landru aussi :
Le Petit Parisien du 2 mai 1919
6/ Homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris
La mort par incinération des victimes de Landru.
Dans sa célèbre cuisinière.
Je ne crois pas à la version du cadavre de Quémeneur brûlé dans la chaudière de Seznec.
Illustration Gilles Pascal pour 13 h 15 le dimanche.
Trop compliqué et bien trop risqué de revenir de La-Queue-Les-Yvelines avec un cadavre dans la Cadillac.
Mais les voisins de Seznec, eux, y croyaient.
Les Postic, Le Saout, et autres mythos.
Et ils avaient, eux aussi, lu la presse régionale.
En 1921...
Il y a même une tentative de faire brûler une tête de mouton dans la foutue cuisinière de Landru...
L'Echo d'Alger du 25 novembre 1921
Histoire de voir si tout cela était possible.
Voilà qui s'est imprimé dans l'imaginaire collectif.
L'Ouest-Éclair, 3 septembre 1923
7/ La disparition des cadavres
Georges Claretie in Le Figaro du 28 octobre 1924
"Or, si Seznec est coupable, c'est un superbe crime qu'il a commis, une sorte d'affaire Landru en raccourci, et qui montrerait chez le criminel une admirable ingéniosité, un roman très bien fait."
"Seznec ne peut expliquer sa disparition. Landru, lui, avait une réponse : "Oh ! une femme, messieurs les jurés, c'est bien volage." Mais Quemeneur n'était pas une femme."
Gambais. Etangs des Bruyères.
8/ C'est Georges Claretie, avocat, chroniqueur judiciaire au Figaro qui va suivre les deux procès.
Et qui ne manquera jamais d'en dire les similitudes.
Le Figaro du 28 octobre 1924
9/ Arthur Bernède a écrit un opuscule sur les deux affaires :
10/ Landru et Seznec avaient chacun 4 enfants :
Deux garçons, deux filles...
Dans la même succession filles/garçons.
Alors quand on plaint les enfants du bagnard Seznec...
Que dire des enfants d'Henri Désiré Landru...
Un nom plus que lourd à porter....
11/ Le système de défense des deux accusés : « Montrez-moi les cadavres ! »
La négation des crimes.
Jusqu'à la mort...
Landru niera avoir tué ses fiancées...
Jusqu'à la mort...
Seznec niera avoir tué Quémeneur.
Landru nie jusqu'au bout être l'auteur des crimes dont on l'accuse, concédant toutefois avoir volé et escroqué ses supposées victimes. Il fait preuve à diverses reprises d'une éloquence souvent provocante devant la Cour, allant, par exemple, jusqu'à s'exclamer : « Montrez-moi les cadavres ! ». Landru est également renommé pour certaines de ses réparties, certaines attestées par les témoins de l'époque, d'autres apocryphes…
« Montrez-moi les cadavres ! » = la défense de Guillaume Seznec.
Monsieur Kerloch, huissier, dans l'émission Cinq colonnes à la Une du 2 juin 1967 :
"Evidemment tant qu'on n'a pas trouvé le cadavre, n'est-ce pas… Il disait toujours : "Montrez-moi le cadavre" Tant qu'on n'a pas trouvé le cadavre, on ne peut pas prouver qu'il a tué."
12/ Le commissaire Jules Belin, chargé de l’enquête Landru, appartenait comme Achille Vidal, comme Pierre Bonny, à la Sûreté générale.
Une enquête telle que celle sur l'affaire Seznec, aurait pu être cantonnée à la Bretagne et à la brigade mobile du commissaire Jean-Baptiste Cunat à Rennes.
Mais le notaire Pouliquen avait ameuté la Sûreté générale. (visite mercredi 13 juin, télégramme et deux lettres 16 et 18 juin 1923)
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Douze points communs entre ces deux affaires, ce n'est pas rien...
Et, cela peut donner à réfléchir.
Quant à l'hypothèse de la disparition du cadavre de Pierre Quémeneur du côté de Gambais...
Michel Pierre y croît aussi...
Comme moi....
Et cela le fait doucement rigoler que l'on puisse trouver, un jour, les restes de Pierre Quémeneur pas loin de chez moi !!!
"Mais des témoignages recueillis ce matin laisseraient supposer que l'assassin ne s'est pas donné tant de mal, ayant à sa disposition les étangs de la région, grands étangs sombres et profonds, enchevêtrés de roseaux et dont le fond est composé d'une vase mouvante.
Les gens du pays qui connaissent bien ces étangs sont unanimes à affirmer qu'un corps, jeté dans cette eau glauque et trouble, ne remonte jamais. Les liens l'enserrent, la vase l'enlise et les brochets voraces dont certains ne mesurent pas moins d'un demi mètre, se chargent du reste... En trente minutes, tout au plus, l'assassin pouvait se rapprocher d'un de ces étangs, assassiner son compagnon et le jeter dans l'au. Cette hypothèse a paru assez vraisemblable à la police pour que les investigations soient dirigées de ce côté."
in Ouest Eclair du 4 juillet 1923.
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Ce n'est pas si innocent que je sois tombée sur la superbe plume de Georges Claretie...
Je ne crois pas au hasard.
"Il n'y a pas de hasard, écrivait Paul Eluard, il n'y a que des rendez-vous".
Reste à retrouver l'étude du membre de la Faculté de médecine d'Alger sur les boues dissolvantes des étangs de Gambais.
Liliane Langellier
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