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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.

Rappel : article du 6 juin 2021 : Affaire Seznec. Les boues dissolvantes des étangs de la forêt de Rambouillet...

Le système de défense de celui que la presse nommera le « Barbe-Bleue de Gambais » était simple :

« Pas de cadavres ? Pas de crimes ! À vous de prouver le contraire… »

J'aime la belle écriture...

Le joli verbe...

La sonorité des mots...

Le tempo de la ponctuation...

C'est sans doute pour cela que j'avais été si sensible à la belle écriture du premier livre de Denis Langlois sur l'affaire Seznec.

Alors, forcément, quand j'ai lu Claretie dans L'Ami du Peuple du 18 mai 1931...

J'ai craqué...

Mais notre cher Georges, il avait déjà écrit dans Le Figaro du 18 novembre 1928, une chronique qui m'a laissée pantoise.

Alors, on y va...

 

 

L'innocence de Seznec ?

C'est beau la ténacité ! Mme Seznec, à force de dire, de répéter, de clamer que son mari est une victime, a fini par convaincre les gens de l'innocence d'un homme contre lequel, de mémoire de chroniqueur judiciaire, on n'avait jamais vu tat de preuves accumulées.

Mais chaque jour nous apporte une nouvelle lettre de Mme Seznec. Ne disait-on pas aussi la semaine dernière, que son mari s'était échappé du bagne ? Un forçat qui s'évade ! il n'en faut pas davantage pour faire croire à son innocence. Pauvre Mme Seznec ! Elle ne se résigne pas, et il faut la plaindre. Mais peut-être, qui sait ? est-elle aussi la victime de professionnels entrepreneurs de réhabilitations judiciaires, qui l'exploitent. Tout est possible.

Je la revois, il y a quatre ans, à cette cour d'assises de Quimper, où personne ne pouvait croire - sauf elle - à l'innocence de son mari. Avec ses traites durs, son teint bistré, vêtue d'un corsage de velours, une coiffe blanche de Bretonne sur la tête, le geste bref, la voix tranchante, elle semblait personnifier la colère et la haine. La haine contre tous ceux qui accusaient son mari, policiers, juges, témoins, victime même - ce Quémeneur qui avait disparu et qu'on osait dire assassiné. D'une voix douce, mais ferme, l'excellent magistrat qui présidait les débats, M. Dollin du Fresnel, lui rappelait que pour sauver son mari, elle s'était contredite, qu'elle avait menti, qu'elle avait essayé de trouver des témoins favorables - sentiment louable au fond, de la part d'une femme qui, malgré l'évidence, veut sauver son mari. A tout cela, Mme Seznec répondait par des mots de violence, et de foi aussi. Comment son mari pouvait-il être coupable ?

Et maintenant, du fond de la Bretagne, elle écrit, parle, proteste et s'indigne toujours. Seznec ne saurait qu'être injustement condamné. C'est son mari !

La malheureuse ! Pour le public, devant cette légende d'innocence, il est bon peut-être de résumer cette affaire qu'on cherche trop à déformer.

De tous les accusés qu'on ait vus, Seznec est certainement celui qui eut le plus de malchance. Partout où il n'aurait pas dû se trouver, il a été vu, aperçu, reconnu. Et où il aurait du être, on ne le voit jamais. On le suit à la trace, pas à pas. Il semble même qu'une sorte de fatalité se soit acharnée à accumuler contre lui les charges et les preuves.

Seznec, un homme au passé trouble, s'en va un jour de Morlaix à Paris en automobile avec un de ses amis, nommé Quémeneur. Pourquoi ? Pour faire "des affaires". Quémeneur ne revient pas ; il ne revient jamais. "Il m'a quitté à Dreux", disait Seznec à sa famille. Ce n'était pas vrai. Et la malchance commence déjà. Cette automobile ne marche pas. Elle a panne sur panne. Et à chaque arrêt, on remarque Seznec et Quémeneur. On les voit encore le soir à Houdan, à une heure où il n'y a plus de train pour Paris. Et depuis lors on ne voit plus Seznec que tout seul. Il est seul, lorsque sur la route du retour, il laisse à un garagiste un bidon d'essence. Ce bidon est taché de sang, et son vêtement lui aussi portera des taches sanglantes.

Les vases des étangs de Gambais fouillées pour enquête Landru.

Quémeneur a donc disparu dans la forêt de Rambouillet. Où ? Comment ? On ne sait. Mais un professeur de la faculté de médecine d'Alger, qui, à la suite de l'affaire Landru, a étudié les étangs de la forêt, nous apprend qu'ils ont des boues dissolvantes, et qu'au bout d'assez peu de temps, il est impossible d'y retrouver un cadavre.

Seznec revient donc seul à Morlaix. Mais la famille de Quémeneur reçoit du Havre un télégramme signé "Quémeneur" lui disant : "Ne vous inquiétez pas." A la consigne du Havre on découvre la valise de Quémeneur (tachée de sang). Chez Seznec, on trouve un contrat tapé à la machine passé entre Seznec et Quémeneur à une date postérieure à la disparition. Quémeneur serait-il donc encore vivant ?

- Evidemment, dit Seznec puisque jamais je ne suis allé au Havre.

- Hélas ! non, et voilà la fatalité qui s'en mêle. Il y est allé, et on l'y a vu partout.

Destinée, comme disent les Arabes.

Dans le train de Rouen au Havre, monte un voyageur qui s'appelle M. Janot. La malchance veut qu'il soit représentant en machines à écrire. Il parle à son voisin - c'est Seznec. Quelques heures après, Hénot va chez M. Chouanard, marchand de machines à écrire. Là, il voit un client qui désire en acheter une ; il lui en montre le fonctionnement. Cet acheteur, c'est Seznec. M. Chouanard la lui vend, en présence de deux de ses employées. Tous trois reconnaîtront Seznec.

Un homme dépose dans la gare la valise de Quémeneur. On le reconnaît, c'est encore Seznec. Le soir, à la gare Montparnasse, un habitant de Morlaix (quelle malchance !) voit un homme prendre le train, portant sous son bras un paquet ressemblant à une machine à écrire. Il le connaît bien - c'est Seznec. Fatalité.

On perquisitionne chez Seznec et on y trouve quoi ? Une machine à écrire, la machine que précisément M. Chouanard a vendue au Havre. M. Bayle l'examine et affirme que, sans erreur possible, elle a tapé le contrat signé Quémeneur. Un expert regarde la signature et celle du télégramme expédié du Havre. "Sans hésiter, ce sont des faux et de la main de Seznec !"

A cela, que répondait l'accusé à Quimper ? "Tout le monde se trompe, je ne suis pas allé au Havre. Je n'ai pas acheté de machine à écrire. D'ailleurs je n'ai jamais eu de machine !"

- Mais celle trouvée chez vous ?

- C'est la police qui l'y a mise !

Et Mme Seznec, hargneuse, répondait : "La police a fait du vandalisme chez moi !"

Non, jamais, vraiment, il n'y eut coupable plus malchanceux.

Et cette malchance s'accroît tous les jours, car Quémeneur revient de moins en moins ; chaque minute qui s'écoule ajoute une preuve de plus à la culpabilité - comme pour Landru, du reste. 

Y a-t-il aujourd'hui encore beaucoup de gens pouvant croire encore que ses onze victimes coulent des jours heureux à Buenos-Aires ?

Mme Seznec, elle, n'a pas perdu tout espoir, et cela l'honore. Les femmes et les mères doivent toujours espérer. Je me souviens de la mère d'un forçat condamné à perpétuité, venant un jour me trouver, et me dire : "Je crois qu'il est temps de faire un recours en grâce pour mon pauvre enfant ! Il vient d'avoir de "l'avancement". On l'a changé de section et on l'a mis aux incorrigibles !"

Je n'ai pas eu vraiment le courage de la détromper. 

Georges Claretie

Bon...

D'accord..

En novembre 1928, Le Figaro devait pourtant avoir des correcteurs. Qui auraient dû vérifier l'orthographe des noms.

Mais le ton y est !

Et le ton, c'est bon !

Mais ce qui est surtout intéressant dans cet article...

C'est le coup des boues dissolvantes des étangs de Rambouillet.

Qui permettaient de dissoudre les corps.

A suivre, donc...

Dautel à l'étang des Bruyères.

C'est Georges Claretie qui va suivre le procès Landru pour Le Figaro du 8 au 30 novembre 1921.

Dans une série d'articles : "Landru devant ses juges".

On y lit notamment :

Pour moi cette hypothèse d'une disparition proche de Houdan est plus crédible qu'un retour de Quémeneur en Bretagne !

 

Liliane Langellier

 

Recherches Retronews :

Je suis abonnée à Retronews et à Geneanet.

J'ai également joint pour la seconde fois la mairie de Gambais dont j'attends la réponse.

L’Écho d’Alger, 3 juillet 1923

Le Petit Mantais 4 juillet 1923

Le Matin, 4 mai 1919

L’Écho de Paris, 5 mai 1919

L’Écho de Paris, 6 mai 1919

L’Œuvre, 5 mai 1919

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