Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.300 articles.
23 Juin 2021
Un train peut en cacher un autre...
Parcourir la presse d'époque...
Encore et encore...
Et y faire chaque jour des trouvailles.
Toutes plus intéressantes les unes que les autres...
Aujourd'hui...
C'est l'article d'Emmanuel Bourcier dans L'Oeuvre du 22 juillet 1923.
"Je suis venu à Landerneau me renseigner sur Quemeneur.
Le mystère de sa disparition sera-t-il éclairci avant que, dimanche prochain, se déroule le grand Pardon annuel, à Sizun, dont il était le conseiller général ?
Ici, sa vie et sa mort font toujours marcher les langues.
Petit marchand de vins à Saint-Sauveur avant la guerre, me dit-on, il eut la chance, étant mobilisé, d'être attaché à la scierie de Morlaix. Sa fortune date de là. Il apprit ainsi la possibilité d'acheter des arbres en quantité dans la forêt de Lorge, et son ami d'enfance, Rogel, établi à Cardiff, lui facilita la vente aux Anglais de poteaux de mine, payés 80 shillings la tonne. La livre étant à 66 francs, il gagna ainsi plus de 600000 francs d'un seul coup, ce qui l'étourdit un peu. Orgueilleux et naïf, il aida d'abord tous ses beaux-frères, puis il rêva des plus hautes destinées.
Après la guerre, il vendit encore du bois en Angleterre, mais à de moins bonnes conditions, et il fut aux aguets de tous les bricolages possibles et fructueux. Cela explique comment il put croire Seznec quand celui-ci lui proposa de vendre aux Russes, dans d'extraordinaires conditions, des automobiles. Il ne s'étonnait même pas que ces acheteurs d'autos se soient adressés à un modeste marchand de bois.
- Il était convaincu, me conte M. Legrand, ancien maire. Et, la veille de son départ encore, il vint me trouver. J'eus l'impression qu'il m'aurait volontiers emprunté de l'argent pour réaliser ses merveilleuses opérations. Je le mis engarde, mais vainement. Car j'étais au courant de ses projets et je connaissais fort bien Seznec. Trois jours auparavant, le 22 mai, Seznec et sa femme étaient venus me demander d'avaliser une traite de 4.800 fr., afin de pouvoir payer des dettes en souffrance. Quemeneur attendait, en bas, dans la voiture de Seznec. Il partirent ensuite ensemble pour Brest, l'un pour faire escompter en banque sa traite, l'autre pour tenter d'emprunter 100.000 fr. à la Banque Bretonne, et ils allèrent en chemin de fer à Lesneven, pour voir une Cadillac chez M. Thévenet.
"Les 2 000 francs trouvés dans la manche de Seznec proviennent-ils de ces 4.800 francs ? Je ne le crois pas, car, après l'arrestation de son mari, Mme Seznec revint me demander un emprunt, en ajoutant n'avoir plus que 80 francs chez elle."
D'autre part, les gens se demandent si Seznec a pu agir seul. Il y a les lettres expédiées de Paris, soi-disant de la Chambre de Commerce américaine et qui étaient envoyées à Seznec par quelqu'un. Qui ?
- Je suppose, dit M. Legrand, qu'on voulait seulement faire emporter à mon ami Quemeneur la plus grosse somme possible, le dévaliser en route, mais non le tuer. Mais les choses tournèrent mal. Quant au corps, n'aurait-il pas été jeté à l'eau, avec comme poids le cric très lourd de Seznec, qu'on n'a pas retrouvé ?
Toujours est-il que le retour seul de Seznec surprit beaucoup. Et, le 13 juin, quand les deux frères de Quemeneur vinrent demander une auto pour se rendre à Morlaix au garagiste Gestin, celui-ci téléphona à Seznec et le questionna sur son compagnon sans obtenir de réponse. Cela parut fort louche.
Pour ma part, conclut mon interlocuteur, je crois à des complicités. Mais c'est à la police de les découvrir."
Seznec, en tout cas, ne semble guère disposé à l'y aider.
Emmanuel Bourcier.
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Oui, le journaliste de L'Oeuvre s'est déplacé à Landerneau...
Mais ce que lui raconte Legrand est des plus inattendus.
Même si l'histoire de la présence de Mme Seznec le 22 mai est sujet à caution...
Il nous confirme certes que la richesse de Quémeneur est due au commerce de bois.
Mais, pas un mot sur les dollars or...
Au contraire il précise que Mme Seznec était tellement fauchée qu'elle est venue pour lui emprunter de l'argent.
Julien Legrand a menti, comme les petits copains.
Mais quel est le vrai du faux dans cet article de L'Oeuvre ?
Et ces trois phrases qui sonnent comme un glas :
"Je suppose, dit M. Legrand, qu'on voulait seulement faire emporter à mon ami Quemeneur la plus grosse somme possible, le dévaliser en route, mais non le tuer. Mais les choses tournèrent mal. Quant au corps, n'aurait-il pas été jeté à l'eau, avec comme poids le cric très lourd de Seznec, qu'on n'a pas retrouvé ?"
Oui, Legrand, qui, n'aura pas le loisir de témoigner au procès Seznec.
Puisqu'il est décédé le 11 janvier 1924.
Too bad !
Lire sur ce blog mes différents articles concernant Julien Legrand.
Liliane Langellier