Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
26 Mars 2020
On nous cache tout on nous dit rien
On nous cache-cache et cache-tampon
Colin-Maillard et tartempion
Ce sont les rois de l'information.
Jacques Dutronc
En reprenant le livre de Michel Pierre...
Je tombe sur cette phrase en page 62 :
"Le lendemain, dimanche 8 juillet 1923, le journaliste du Petit Journal qui ne semble pas trop croire à l'histoire des Bolcheviks amateurs de Cadillac écrit que le commissaire Vidal "cherchera également à établir exactement dans quelles conditions a été échafaudée la prétendue affaire d'autos à vendre aux Soviets et qui n'avait pour but que d'attirer M. Quémeneur dans le guet-apens où il a trouvé la mort."
Donc...
Le commissaire Achille Vidal n'a pas commis de forfaiture...
Il n'a pas écarté, a priori, la possibilité d'un trafic avec la Russie des Soviets.
On continue chez Michel Pierre, en page 230 :
"Au moment de l'enquête, de l'instruction et du procès, en 1923 et 1924, personne ne croyait à d'illégales transactions de voitures vers l'URSS. D'autant que l'on savait alors que dès 1920, le Conseil suprême allié avait levé le blocus auquel ce pays était soumis lors de la guerre civile qui l'avait dévasté. Comment continuer d'y croire, des décennies plus tard, si ce n'est par le refus d'examiner les faits, les dates et les documents."
Et Michel Pierre poursuit :
"Tous les détails de la Nouvelle économie politique, la NEP, proclamée le 12 mars 1921 par Lénine sont avérés ainsi que les chiffres et tous les courants d'échange qui ont fait l'objet de nombreuses publications."
Puis, Michel évoque avec humour le bouquin de Marcel Jullian...
Un mauvais livre, écrit rapidement, trop rapidement, d'après les émissions radio d'Europe 1 en janvier 1979.
Jullian en pages 108/109 :
"Ouvrir le dossier des surplus américains, c'était, sans doute, déboucher une plaque d'égout. Il en serait remonté des puanteurs. Et l'odorat de certaines personnes s'en serait trouvé incommodé. Les lettres et appels téléphoniques ne nous ont pas manqué, à Europe 1, pour nous parler de scandales politiques et avancer des noms célèbres. Parfois, la confusion sautait aux yeux : l'affaire citée n'était nullement contemporaine de la nôtre. En d'autres occasions, il s'agissait visiblement de ragots, colportés de bonne foi. Il n'en est pas moins vrai que, sans contestation possible, les puissants du jour pouvaient préférer, voir ramener l'affaire Quémeneur à un assassinat à propos d'un terrain à Traou-Nez plutôt qu'à un règlement de comptes dans un milieu touchant, de près ou de loin, au gouvernement en place. L'élimination brutale était plutôt à la mode. Le 14 juillet, alors que l'on annonce pour le lundi suivant le transfert de Seznec de Paris à Morlaix, les journaux déclarent "une seconde affaire Quémeneur : un riche brésilien, Ernest Kramer, disparaît à Nantes". En octobre 1924, ce sera le tour de Soulière, directeur du service agricole du Finistère, puis celui d'un envoyé soviétique nommé Boris Savinkov - c'est vers l'URSS que le matériel est acheminé - enlevé à Paris, et, plus tard, celui du général Koutiepoff. Pour éviter que naisse un scandale, toujours dommageable aux bons principes, l'envoi au bagne d'un petit maître de scierie ne serait sûrement pas considérer, par les gens sérieux, comme d'un coût exorbitant."
Le Populaire du 14 juillet 1923
Michel Pierre écrit en page 231 :
"Autre fantasme de "Seznec au pays des Soviets", Marcel Jullian, dans son livre L'affaire Seznec publié en 1979, évoque le contexte de l'année 1924. Selon lui, le procès aux assises de Quimper est concomitant d'éliminations brutales "à la mode". "En octobre 1924, ce sera le tour de Soulière, directeur du service agricole du Finistère, puis celui d'un envoyé soviétique nommé Boris Savinkov - c'est vers l'URSS que le matériel est acheminé - enlevé à Paris, et, plus tard, celui du général Koutiepoff." "Un mélange de faits à peu près aussi éclairants que si on cherchait à mettre en relation la mort de Staline le 5 mars 1953 avec l'affaire Dominici un an plus tôt et le second procès de Marie Besnard, un an plus tard."
Michel nous donne la réalité des faits : Soulière s'est suicidé de deux balles dans la tête dans un hôtel de Toulouse le 7 janvier 1925. Savinkov a disparu dans les locaux de la Loubianka, siège de la Guépéou.
Quant à Koutiepoff, il a bien été enlevé à Paris le 26 janvier 1930 par des agents soviétiques et on ignore tout de sa fin.
Et Michel Pierre conclut :
"On voit mal dans ces opérations des années de terreur stalinienne le rapport avec l'affaire Seznec."
Le Petit Journal du 14 septembre 1923
Seulement,
faut pas croire...
Le gars Rouz non plus, il n'y croit pas à la thèse du crime politique.
Et, là, je parle de l'auteur que je respecte.
Pas de celui qui s'est fait marabouté par le Tintin brocanteur.
On a tout envisagé...
Une complicité de bistrot...
Un chantage du broc...
Un renvoi d'ascenseur.
Une pitié (pas "piété" malgré la "ferveur"), mais pitié subite...
Pour cet individu dont il m'a toujours dit qu'il avait un grand besoin de reconnaissance...
Et puis, ça s'est pas arrangé, le besoin de reconnaissance, depuis l'interview de 2008.
Son premier livre - où il nous a menti sur le soi-disant auteur américain, actuel grand-père de son épouse - a été un échec.
Les fouilles de Traon ar Velin de février 2018 l'ont définitivement ridiculisé.
Surtout qu'il nous a soulés longtemps, très longtemps, avec l'examen des scories, d'une bouteille de limonade et d'un morceau de chenet pourri...
Et le troisième ouvrage qui va avoir du mal déjà à paraître puis à se faire connaître à partir d'une cave à vin du Faou...
Alors oui, peut-être de la pitié.
Va savoir...
Revenons à Bernez Rouz...
Qui, lui, nous cite L'Humanité du 13 octobre 1948 :
"Dans la même veine, L'Humanité du 13 octobre 1948 n'hésite pas à affirmer que Quéméneur a été abattu sur ordre du gouvernement Poincaré. Quéméneur était un commanditaire du TRUST. Cet organisme avait été créé en décembre 1921 pour lutter contre les contre-révolutionnaires, ennemis de la révolution bolchevique. Le TRUST dirigé à Paris par un certain Yakoutchev avait réussi à infiltrer les milieux des russes blancs en France."
Ce que ce cher Rouz ne nous dit pas...
C'est que cet article de L'Humanité reprend en fait la thèse de ce foldingue de juge Charles-Victor Hervé.
Quant à Denis Langlois...
Il cite, en page 343, la parution du livre Baker/Vilain :
"Ils ont consulté des documents inédits en provenance des Etats-Unis et ont conclu que ce trafic n'avait pas existé. Dès 1920, l'embargo a été en effet largement levé. Un commerce légal a repris entre la Grande-Bretagne et la Russie soviétique. (…) De toute façon, très peu de Cadillac ont été acheminées en France durant la guerre et revendues, lorsqu'après les hostilités on a liquidé les stocks de matériel américain. Quelques centaines seulement qui se sont trouvées dispersées sur tout le territoire français et dans les colonies d'outre-mer. Faute de véhicules disponibles, il était dès lors matériellement impossible d'acheter des Cadillac par centaines, ou même par dizaines, pour les revendre en espérant réaliser un important profit."
Et….
SaintOp/Seznek, sur son blog L'affaire Seznec revisitée, en critiquant la page 283 de l'ouvrage de Denis Seznec :
Je vais maintenant conclure, comme j'ai commencé, en citant Michel Pierre (page 232) :
"On peut comprendre qu'au cours de la guerre froide, les récits de liens secrets entre des officines louches et des agents soviétiques aient pu séduire et que la fable de livraison de véhicules d'occasion vers une URSS exsangue ait pu trouver ses partisans. Le plus étonnant est la capacité de survie d'hypothèses aussi fumeuses."
Pas mieux.
Liliane Langellier