Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
20 Février 2020
Si vous devez cent dollars à la banque, c'est votre problème. Si vous devez cent millions de dollars à la banque, c'est le problème de la banque.
Jean-Paul Getty.
Dès le début de l'histoire...
Lors du mardi 22 mai 1923...
Pierre Quémeneur est saisi de frénésie...
Il veut à tout prix emprunter 100.000 francs à sa banque.
La Société Bretonne de Crédit et Dépôts de Brest.
Tout au long de notre histoire...
On croise des banques et encore des banques...
Alors, je vous propose de chercher avec moi...
Les banques de Pierre Quémeneur.
1. BREST. Société bretonne de crédits et de dépôts
Pierre Quéméneur avait besoin d'urgence d'une somme de 100.000 francs
Cela le prend frénétiquement le mardi 22 mai.
Et à Brest.
Pas 50, 60, ou 80. Non. Je répète : 100.000 francs.
C'est d'ailleurs cette somme qu'il va demander par téléphone dès 9 heures du matin à son charmant beau-frère le notaire Pouliquen (lire page 81 chez Bernez Rouz dans "La primo-enquête de Jean Pouliquen").
Pierre Quéméneur avait, le 19 mai 1920, consenti un prêt de 100 000 francs à son beau-frère Jean Pouliquen qui, clerc de notaire à Châteaulin, envisageait d'acheter une étude à Pont-l'Abbé
C'est toujours un découvert de cette même somme qu'il va filer demander à son banquier brestois, Gabriel Saleun, à la Société bretonne de crédit et de dépôts.
C'est certainement cette somme qui devait figurer sur le premier acte de vente de Traou Nez, signé par nos deux compères, en terrasse, rue de Siam....
Et qui aurait pu servir comme preuve d'argent à venir.
Ce n'est pas une somme tirée au hasard à la FDJ !
Je me suis souvenue que nos amis de "L'affaire Seznec revisitée" avaient évoqué le Capital de la B.P.C. (Banque Privée Coloniale) à hauteur de 2000 actions de 500 francs = 1.000.000 francs. Voilà qui fait un bras. Ou une volière de 10 pigeons à 100.000 francs l'unité.
Donc résumons, que ce soit au notaire, au banquier ou à Seznec, c'est toujours 100.000 francs dont Pierre Quéméneur a besoin de toute urgence.
Lire chez Marc du Ryez :
"En tout cas, elle n'avait pas lieu d'être. Parce que la demande de crédit de Quéméner n'a jamais été refusée. Ou plutôt si : par lui-même.
On l'apprend en lisant l'article de La Presse du 28 juin 1923, dans lequel Saleun, par l'intermédiaire de ce journal, tient à rectifier des affirmations de Seznec parues les jours précédents :
« C'est le mardi matin que M. Quémeneur vint me trouver, m'a déclaré M. Saleun. Il voulait des fonds pour le jeudi 24 mai. Contrairement à ce que M. Sezenec affirme, nous ne les lui avons pas refusés. En effet, la demande d'ouverture de crédit de M. Quémeneur devait être soumise au conseil d'administration qui aurait décidé, le lendemain 23 mai ; or le même 22 mai, à 1 h. 30 de l'après-midi, M. Quémeneur vint à nouveau me trouver à la banque pour m'informer qu'il n'avait plus besoin de ce crédit. Il me déclara qu'il avait téléphoné à un parent qui lui avancerait les fonds. »
Quéméner n'est donc pas venu quémander 10.000 malheureux francs l'après-midi après s'être fait éconduire pour une plus grosse somme un peu plus tôt. Il a tout simplement annulé sa demande de crédit. Cela signifie qu'il s'était assuré les fonds nécessaires. Son budget était bouclé. Il ne lui manquait que 10.000 francs et ce fut une affaire de quelques minutes. Saleun essaya de dissuader Quéméner de se lancer dans cette affaire d'automobiles, mais ce n'était plus possible."
Lire aussi sur La piste de Lormaye : Si Brest m'était conté.
2. Paris. La B.P.C. Banque Privée Coloniale
Pierre Quéméneur était en relation avec la Banque Privée Coloniale
Il le dit clairement Pierre Quéméneur. Il va à Paris 150 avenue du Maine.
Là où se trouve le Siège Social de la B.P.C. Banque qui a également une succursale à Brest (entre autres), et devinez où : rue de l'Amiral Linois !!!
Mais si, souvenez-vous, la blanchisserie de Guillaume Seznec est au N°3 et la banque est au N° 7.
On peut trouver des éclaircissement en page 23 de Bernez Rouz :
"Sur les activités bancaires de Pierre Quéméneur, l'enquête révélera tardivement (en août 1924) des tractations entre Pierre Quéméneur et la Banque privée coloniale qui fait faillite pendant l'été 1924. Cette banque avait trois agences dans le nord du Finistère : à Lesneven, à Landerneau et à Brest. Un employé de banque du siège à Paris indique au juge : "Quéméneur était en relation avec mon frère qui devait lui confier la direction d'une succursale soit au Havre, soit à Cherbourg". Ces propos sont confirmés par Aymard Vacquié : "Au moment où l'affaire Quéméneur battait son plein, mon frère ou M. des Horts m'ont dit que Quéméneur aurait sollicité la direction d'une agence de la Banque privée coloniale". Jean Vacquié, banquier, donne des précisions sur cette étrange affaire : "Au premier trimestre de l'année 1923, j'avais prié M. des Hortz, banquier à Landerneau qui m'avait vendu la Banque nationale de l'Ouest, de me trouver une personnalité dans la région de Bretagne pour faire partie du conseil d'administration de la Banque privée coloniale dont j'étais le fondateur. M. des Hortz me mit en rapport avec M. Quéméneur. Les négociations n'ont pas abouti."
Beysseyre des Horts, ancien secrétaire de la BPC, ne sera jamais entendu par le juge d'instruction. Suite à la faillite frauduleuse de l'établissement bancaire, il a quitté son domicile de Meudon le 1er juillet 1924 sans laisser d'adresse."
Une banque bidon. Et deux escrocs. Non, non, ne venez pas me chanter que cette banque-là s'occupait du trafic de Cadillacs, je suis lasse du grand n'importe quoi. Cette banque-là s'occupait de trouver des pigeons. Et de leur promettre la lune. Ce fut le cas pour Pierre Quéméneur.
Avait-il rendez-vous 150 avenue du Maine pour apporter sa participation financière de 100.000 francs afin de rentrer dans leur conseil d'administration ?
Il y a aussi cette étrange trace à Brest, d'un versement de 5.000 francs via l'agence de Landerneau au siège social de Paris, le 24 mai (lire chez Denis Seznec en pages 360/361, dans l'édition 2006)
3. Paris. La Banque de France et la Société Générale
Le jeudi 23 mai 1923.
Les deux hommes dînent ensemble à l’hôtel où ils ont leurs habitudes. Le patron René Dupuis confirme qu’ils « devaient livrer l’auto amenée par Seznec le lendemain à Paris », puis à 21 heures précises, Pierre Quéméneur expédie un télégramme à Me Pouliquen à Pont-l’Abbé (ndlr Ne me demandez pas pourquoi Pierre Quémeneur - qui s'ennuyait ferme en attendant Guillaume - n'a pas eu l'idée de passer un coup de téléphone à son beau-frère. Ne me demandez pas pourquoi... Surtout qu'il a bien réussi à appeler Marie-Jeanne... Ne me demandez pas pourquoi... C'était sans doute "la mode aux télégrammes" ?)
Il est ainsi rédigé : « Expédier urgent chèque barré sur Société générale maison mère Paris et non Banque de France, à mon adresse recommandée : Quéméneur négociant Landerneau. Poste restante numéro trois. Paris ».
Pouliquen s’exécute dès le lendemain à l’agence de la Société générale de Pont-l’Abbé. Ce chèque, expliquera-t-il au commissaire de police de Pont-l’Abbé le 18 juin 1924, était nominatif mais pouvait être touché par toute personne se disant Quéméneur. Cette facilité pour un tiers de toucher un chèque non-barré m’avait engagé à l’expédier en pli chargé ». Le même jour, le notaire expédie un mot à son beau-frère :
« Mon Cher Pierre,
« Je n’ai reçu ta dépêche que ce matin à 9 heures et comme le courrier de Paris part à 9 h 43, je suis arrivé à la poste après le départ du courrier. Dans ces conditions, j’ai préféré attendre l’après-midi pour t’expédier le chèque en question. J’ai préféré ne pas te le barrer pour que tu puisses le toucher plus facilement. N’étant pas connu à Paris, la Générale n’aurait pas voulu te le payer.
« J’ignore pour quelle affaire tu as besoin de cette somme mais j’espère que tu l’as examinée toi-même sans tenir compte des renseignements fournis par Seznec. N’oublie pas en tout cas que je ne pourrais disposer très longtemps de cette somme et que s’il y a un acte à rédiger, tu dois en toute justice me donner la préférence.
« Bien amicalement à toi. »
Ce courrier montre que les relations entre les deux beaux-frères n’étaient pas au beau fixe. Pouliquen s’inquiète de voir Quéméneur sous influence de Seznec pour des affaires qui lui semblent peu claires et qu’il réprouve. Il s’inquiète aussi de la vente du domaine de Plourivo qui pourrait lui échapper. Pour le notaire de Pont-l’Abbé il va de soi que toute transaction immobilière doit passer par lui, ce n’est pas forcément le credo du conseiller général ; en effet neuf mois auparavant il a vendu un terrain par l’intermédiaire d’un notaire de Landerneau.
Le fait que Me Pouliquen ne barre pas le chèque reste une énigme.
La demande initiale faite à Brest le 22 mai était bien un chèque barré, demande renouvelée ce 24 mai. Il explique ce fait par une facilité de paiement, ce qui permettait à Quéméneur d’être payé en espèces sonnantes et trébuchantes.
La deuxième interrogation est pourquoi ce changement de banque ?
Adresser un chèque à la Banque de France donnait-il un caractère plus sérieux à la tractation ?
Quel intérêt y avait-il de l’adresser à la Société Générale ?
Qui avait une agence boulevard Malesherbes, à Paris.
Vous me suivez bien là ???
On est resté jusqu'à présent dans des banques bien franco-françaises...
Imaginez-vous un seul instant que notre Pierre Quémeneur aurait ouvert un compte dans une banque américaine ???
A Paris ???
Place Vendôme ??????????
Où Léon Turrou aurait eu lui aussi un compte...
Ce qui reste à prouver...
Ils n'ont, en tous cas, pas pu y passer le 21 mai 1923...
Car c'était le Lundi de Pentecôte..
Je le dis et je le répète.
L'affaire Seznec est une affaire bretonne.
Entre deux Bretons.
Les derniers délires ricains n'ont rien à voir à l'affaire.
Et les banques étrangères non plus.
M. Pierre Quémeneur, en tant que conseiller général de Sizun, Finistère, avait, of course, tous ses comptes en Bretagne.
Il était peut-être en contact avec la B.P.C. pour un job important.
Et avec la Banque de France ou la Société Générale pour toucher son argent sur Paris.
Mais il n'a jamais...
Jamais.
Possédé un compte à la Bankers Trust de la Place Vendôme.
Qu'on vienne me prouver le contraire !
C'est vrai...
Qu'avec des si, on mettrait Paris en bouteille.
Liliane Langellier,
avec Thierry Lefebvre pour les recherches d'archives et les illustrations.
P.S. SaintOp/Seznek, sur son blog "L'affaire Seznec revisitée", a répondu à notre dernier brillant auteur :
"Sur le blog qui assure l’auto-promotion du nouvel ouvrage, on peut lire une longue réponse à l’article ci-dessus. Chacun pourra juger de la clarté du propos et de la pertinence des réponses faites aux interrogations posées, contentons-nous d’hypothèses fumeuses et de déductions subtiles. A cette heure, Pierre Quéméner est peut-être toujours sur le quai de la gare d’Houdan, personne n’ayant osé le sortir de son profond sommeil.
A la lecture des vagues réponses apportées, on devine que le témoignage de Petit-Guillaume est la clé de voûte du raisonnement. Inutile d’y revenir, il y a deux ans j’ai écrit ici même tout le bien que je pensais de ces souvenirs d’enfant de 12 ans transmis 55 ans après les faits – pendant l’intermède personne n’a vraiment cherché à expliquer comment la cadillac poussive s’était subitement transformée en chenard et walker de course (coïncidence, le dimanche après-midi où Guillaume Seznec ralliait Traon-Velin, l’épreuve des 24h du Mans connaissait son premier vainqueur, à 90km/h de moyenne… soit moins que la moyenne nécessaire pour l’ami Guillaume afin de cadrer avec le témoignage de son fiston!!… cherchez l’erreur)."
Pour en lire plus...
Affaire Seznec : Si Brest m'était conté... - Affaire Seznec : La piste de Lormaye
Je ne connais de Brest que la chanson de Barbara... Ce qui est un peu court dans l'affaire qui nous préoccupe. Mais... J'ai toujours été fascinée par ce que je ne connaissais pas. Et voilà que...
http://piste.de.lormaye.over-blog.com/2014/11/affaire-seznec-si-brest-m-etait-conte.html