Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
6 Janvier 2020
La piste de Traou-Nez en Plourivo, c'est deux hommes Privat et Hervé.
C'est le livre de Maurice Privat "Seznec est innocent" qui paraît le premier en 1931.
Avec le sous-titre "Traou-Nez, le manoir du mystère".
Dans la collection "Documents secrets".
On est en plein délire.
Les faits :
"Le manoir de Traou-Nez est à trente mètres. Une fenêtre est illuminée : celle du premier étage à gauche où couche Pierre Quémeneur quand il vient dans sa propriété. Les marins s'étonnent. Autour de trois heures du matin que peut-il se passer dans cette pièce ?
"Mais voici que des ombres viennent sur la berge, à six mètres de leurs observateurs invisibles, qui ont jeté l'ancre sans être remarqués. Deux hommes et une femme, a observé Charles Touarin. Un coup de revolver est entendu par tous. Un homme trébuche, tombe sur le genou, se relève comme s'il était poursuivi. Silence. A cette heure, dans ce domaine retiré, ce bruit de balle répercuté par les échos inspire une crainte.
"Un homme et une femme - où se trouve le troisième ? - viennent sur le bord de l'eau. La femme interpelle, en français, les marins qui observent sans être vus :
- Venez chercher des cigarettes, dit-elle."
"(...) Charles Touarin est prudent. Il sait qu'il vaut mieux ne pas se mêler des affaires des autres. Comme on dit dans le Midi : chacun son truc. Le couple disparaît. Dix minutes plus tard, derrière le castelet, éclate un deuxième coup de revolver."
en page 218 de Privat.
Les témoins : les matins de la gabarre : Théodore Le Guen, qui la commande, Yves Fleury, Jean Lantoine, le jeune Charles Touarin. Rejoints par Pierre Malpot.
Qui expliquent ça à leur patron Alexandre Le Coz.
Qui se confesse à l'arbitre de la corporation, le syndic : La Gadec.
La Gadec, en se rendant chez le juge de paix de Pontrieux, Charles-Victor Hervé, rencontre le maréchal des logis, chef de la brigade de gendarmerie Muller.
La date :
Après bien des tergiversations, on retient le 25 mai 1923 entre minuit et deux heures du matin.
Le juge Hervé envoie ce récit au parquet de Guingamp. Qui le transmit à la Cour de Rennes. Où il fut acheminé à la cour d'assises de Quimper.
On est lors du procès de Seznec.
Le 27 octobre 1924.
Les journaux locaux et nationaux regorgent d'articles sur ce procès.
Tous les Bretons sont sur les dents.
La folle hypothèse de Momo Privat :
"Louis Quémeneur, qui ressemble à son frère en plus paysan, et dont l'œil gauche clignotte, comme celui de l'acheteur de la machine à écrire, avait une chambre au manoir mais habitait le bourg où il prenait ses repas. Cependant il couchait fréquemment chez son frère. Ayant une maîtresse à Plourivo, il préférait la voir dans l'isolement de la propriété. Elle venait le rejoindre et l'attendait quand il ne rentrait pas immédiatement : il a la dalle en pente et l'arrose volontiers.
Pierre Quémeneur attendait donc son frère. Il repartirait à Landerneau au matin, avec lui, pour se rendre à la fête de famille chez son oncle Jestin en Commana. Une femme ouvre la porte, monte chez Louis. Elle va se mettre dans les draps. Il s'étonne, ouvre l'huis qui communique avec la chambre de son cadet et cherche à profiter de l'occasion. Le frère survient et surprend le couple. Dispute. Louis Quémeneur, outré, qui a sans doute un verre dans le nez est furieux. Il sort son revolver. Pierre tente de le désarmer, n'y peut parvenir, prend la fuite. Il rejoindra les bois vallonnés par la rivière. Mais la haute marée coupe sa fuite. Il reçoit une balle dans la jambe, trébuche, repart vers le chemin de fer.
Ses poursuivants ont vu la gabarre. Les marins ont-ils entendu ? La jeune femme les hèle. Ils font les morts. Louis Quémeneur et sa compagne reviennent vers la maison, cherchent le disparu, l'aperçoivent. Nouveau coup de revolver. Est-il atteint ? Ramène-t-on le malheureux dans sa chambre ? Louis Quémeneur, dégrisé, veut-il cacher le drame ?"
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Le juge Charles-Victor Hervé publie "Justice pour Seznec" en 1933 à compte d'auteur.
On peut lire en pages 65/66 :
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Tout cela s'est très mal terminé.
L'hypothèse a bien été transmise à la cour d'assises, mais elle n'a été ni retenue ni transmise aux jurés, car, dans la nuit du 25 au 26 mai 1923, il sera prouvé que Seznec et Quémeneur étaient quelque part entre Houdan et Gambais.
Le livre de Maurice Privat est retiré de la vente le 25 mai 1932 suite à l'assignation de Jean Pouliquen.
Le 5 octobre 1932, le directeur du journal La Province (qui a relayé les délires du petit juge) et Charles-Victor Hervé sont condamnés à payer solidairement 50.000 Francs de dommages et intérêts à MM. Louis Quémeneur et Jean Pouliquen.
Maurice Privat s'est retrouvé seul devant ses juges, le 7 juillet 1933. Le juge Hervé, cité comme témoin, ne vient pas à l'audience.
Il est condamné à 15 jours de prison, 1000 francs d'amende, et 120.000 francs de dommages et intérêts.
Et voilà que...
Denis Seznec nous sort de sa manche (où elle était coincée depuis 1992) Gabrielle Dauphin, un témoin de la noce de Marie-Gabrielle Guyomard, fille du gardien de Traou-Nez.
Qui, elle, nous ressort le conte des coups de feu.
Mais...
La recherche aux archives a tranché : la noce de Marie-Gabrielle a bien eu lieu le 23 mai 1923, pas le 25, ni le 27.
Oui, Denis Seznec privilégie cette piste...
Parce qu'elle accuse Louis Quemeneur, le frère du disparu et disculpe son grand-père.
Et que tout ça reste en famille.
Parce que c'est la piste que Guillaume Seznec a indiqué, dans son rêve, après son accident, fin novembre 1953, à l'hôpital.
Parce que sa mère Jeanne y tenait.
Et qu'elle en a même frôlé la folie en creusant hystériquement sur les lieux.
Et puis...
Pas grave pour les inexactitudes...
Après tout...
On a l'habitude !
isn't it ?
Liliane Langellier
Jeanne Seznec à Plourivo le 4 décembre 1953.