Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
10 Octobre 2019
Le procureur : "C'est pourtant ignoble de tuer".
L'avocat : - "Oui, mais ça fait vivre tant de monde à commencer par vous et moi."
Sacha Guitry. La poison.
On en a beaucoup entendu parler des procureurs dans l'affaire Seznec.
Et je pense là au tout premier, à Théodore Picard, le malheureux procureur de Morlaix, qui ne s'est jamais défenestré de regrets (selon les dires de Denis Seznec dans son livre) mais est mort le 4 novembre 1928, à son domicile 26 quai du Léon à Morlaix, des suites d'une longue maladie.
Que n'a-t-on pas écrit contre ce procureur-là.
Maurice Privat s'en est donné à cœur joie dans son livre "Seznec est innocent" en 1931..
Allant même jusqu'à écrire que Théodore Picard avait été amoureux de la belle Marie-Jeanne Seznec dans sa prime jeunesse. Et l'avait demandé en mariage.
En page 33 :
"Elle était si jolie, si charmeuse qu'un Monsieur de Guingamp la demanda en mariage. C'était un jeune magistrat qui voulait s'établir. Il rencontra la belle sur les bords de l'Aulne, rivière noble où se mirent des maisons avenantes. Elle accompagnait son père au marché où il vendait de la graine à Luzerne, sainfoin, haricots. Elle achalandait l'éventaire par sa présence. Le père Marc était un brave homme, travailleur et entreprenant, que sa femme, très dépensière, devait conduire à la débâcle. A ce moment, il passait pour riche. Théodore Picard, troublé par la jeune fille, en oublia de vider son verre à l'apéritif, signe d'une extrême confusion."
En page 152 :
"Le hasard voulu que le procureur de la République fut l'ancien juge de Châteaulin qui avait voulu épouser Marie-Jeanne Seznec. Il n'avait pas pardonné à son rival de l'avoir emporté. Après le verdict qui envoyait le malheureux aux travaux forcés à perpétuité, il s'approcha de celle qui l'avait dédaigné et, sur les marches du Palais de Justice de Quimper lui jeta, brutalement : "Hein ! Je l'ai eu votre Seznec !" C'était une belle âme !"
Plus proche de nous, au début des années 2000, on a eu l'intervention du procureur de la République de Quimper, Bruno Gestermann.
Grâce auquel Michel Kériel et Bernez Rouz ont pu consulter le dossier Seznec et le dossier Le Her pour écrire leurs ouvrages.
Entre 2007 et 2012, j'ai été très souvent en contact avec Bruno qui m'a aidée à repenser l'affaire Seznec autrement.
Tout récemment...
Avec les fouilles de Morlaix de février 2018, c'est le procureur de Brest, Philippe Recappé qui a dû essuyer les foudres de la bande Langlois/Vilain/Martin...
Pour s'être montré très prudent sur leurs délires.
En ne souhaitant pas ré-ouvrir le dossier Seznec.
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Parallèlement à tout cela, je follow sur Twitter Eric Maurel, procureur de la République de Nîmes….
Qui est venu me parler de son ouvrage.
"Paroles de procureur" paru dans la collection Témoins de Gallimard.
En janvier 2008.
A mon tour, donc, de vous en parler pour éclaircir cette fonction mal connue et mal aimée des quidams de base : procureur de la République.
Biographie de l’Auteur :
Eric Maurel est né en 1960. Il est fils, petit-fils et neveu de gendarme. Après des études en droit, il entre à l’Ecole nationale de la magistrature. Il choisit le parquet : substitut du procureur à Ajaccio puis à Bayonne, procureur de la République à Abbeville, Saint Omer et Pau, procureur adjoint à Pontoise. Il est actuellement procureur de la République à Nîmes. Eric Maurel est aussi ancien auditeur de l’IHEDN et IHESI, ancien officier de Réserve dans l’infanterie et officier d’état major. Il est titulaire de plusieurs décorations et notamment à titre militaire de la Médaille d’or de la défense nationale, la Médaille d’argent des services militaires volontaires.
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Quatrième de couverture :
"On ne les entend jamais. Confinés par les médias dans les rôles de "méchants", les procureurs ne se départissent guère eux-mêmes de leur devoir de réserve. Héritage de l'histoire, ils sont de surcroît perçus comme étant aux ordres du pouvoir politique. La réalité est bien différente. À l'heure où l'institution judiciaire est placée au coeur des débats de société, Érick Maurel, procureur de la République à Pau, après avoir été en poste auprès de tribunaux aussi stratégiques que Bayonne, Ajaccio et Saint-Omer (où il fut un témoin privilégié du premier procès d'Outreau), prend la parole : "Mon métier s'exerce non pas au nom de l'État ou du gouvernement, mais de la République ; il est fait de prises de responsabilités, non d'actes de soumission ; son essence est d'être l'avocat de la nation." Les procureurs interviennent dans toutes les affaires judiciaires qui défraient la chronique (dossiers politico-financiers, terrorisme, pédophilie, violences urbaines...). Parviennent-ils à douter et à faire preuve d'humanité quand l'implacable machine judiciaire construit des évidences? Comment conçoivent-ils le recours à la prison, quand celle-ci paraît tellement inadaptée aux désirs de la société? De quelle liberté disposent-ils, eux qui sont placés sous l'autorité du garde des Sceaux? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles Érick Maurel prend le risque de répondre, alors même que des réformes sont engagées et que l'actualité judiciaire démontre combien peut être délicat l'exercice de ce métier."
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Extraits :
"Deux hommes de vingt et un ans volent une auto. Le premier, enfant d'immigrés et issu d'un quartier dit sensible, sans formation ni travail, a déjà été arrêté dix fois pour des vols de voitures. Le second, né dans un milieu favorisé, doit bientôt présenter le concours d'entrée à la faculté de médecine et n'a jamais commis de délit. Lequel doit être sanctionné le plus lourdement ? Le premier ? Parce qu'il n'a cessé de réitérer des actes de délinquance ? Mais pourquoi agit-il ainsi, quelles sont les carences familiales, éducatives, sociales qui le maintiennent dans son opposition à la loi ? Le second ? Parce que, par son éducation et son niveau d'études, il disposait des moyens intellectuels et matériels, comme de son libre arbitre, pour ne pas voler ? Mais peut-on annuler d'un coup son passé sans histoire et son avenir prometteur ? Je laisse à chacun le soin de trouver une réponse. Si elle existe."
"Aristote professait que la loi est étrangère à la passion. C'est pourtant avec passion que les magistrats du ministère public veillent à l'application de la loi."
"La prison n'est pas un monde figé. C'est une ruche, par moments bruissante et à d'autres calme et silencieuse. C'est un univers avec ses lois, ses us, ses rites. Il y rentre et sort en permanence toutes sortes de personnes : médecins, aumôniers, assistantes sociales, juges, détenus libérés et prévenus condamnés, policiers et gendarmes en cours d'enquête, visiteurs de prison, enseignants, étudiants, artistes ou sportifs, journalistes, responsables d'ateliers de production, personnel administratif, surveillants…"
"Je suis toujours étonné de constater combien les rapports des adultes incarcérés ressemblent à ceux des enfants scolarisés ; combien même certains détenus agissent comme, très probablement, ils se comportaient à l'école ou au collège."
"Cependant, le système cellulaire de punition n'est pas une création républicaine mais le fruit de la volonté d'hommes d'Eglise. Ce n'est pas par hasard si nos cellules modernes sont si semblables à celles des moines du Moyen Age."
P.S. Le matin du vendredi 20 septembre, j'ai trouvé ce thread illustré sur le compte Twitter d'Eric :
Le #procureur de la République
Principes fonctionnels et Règles déontologiques
Avec un peu d'humour pour les plus jeunes et les autres
Petit exposé et #thread illustré
1 - Le principe hiérarchique
Les magistrats du ministère public ou parquet appartiennent à une hiérarchie.
Les substituts et vice procureurs sont sous l'autorité des procureurs et les procureurs sous celle des procureurs généraux.
Le procureur général peut demander au procureur de la République d'engager des poursuites mais pas de classer sans suite (article 36 du code de procédure pénale).
Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement (...)
Il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales.
Il ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles.
2 - Indivisibilité du ministère public
Les magistrats du parquet peuvent se remplacer mutuellement, prendre la place d'un collègue à l'audience, signer un acte à sa place. Tout acte fait par un membre du ministère public engage tout le parquet auquel il appartient.
3 - Liberté de parole
En dépit des principes hiérarchique et d'inéligibilité, la parole d'un parquetier est absolument libre ; comme l'ont rappelé plusieurs reprises la Cour de Cassation, le Conseil de la Magistrature, le Conseil Constitutionnel.
Un parquetier doit pouvoir prendre toute réquisition qu'il juge convenable dans l'intérêt de la justice. Il peut requérir une relaxe ou un acquittement là où même son procureur avait décidé d'engager des poursuites. La parole ne peut lui être retirée ou refusée à l'audience.
4 - Loyauté et impartialité
Comme tout magistrat, le #procureur est tenu aux devoirs de loyauté en vertu du principe de procès équitable consacré par la #CEDH. Il doit respecter un devoir d'impartialité dans les poursuites et les débats judiciaires.
5 - Irresponsabilité du ministère public
Le parquet ne peut être condamné aux frais de #justice et aux dépens.
Le #procureur et aucun magistrat du parquet ne peuvent faire l'objet d'une récusation
Nul ne peut faire interdire la présence d'un magistrat du parquet à l'audience.