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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.

Affaire Seznec : Le 13 juin 1923 revisité...

L’Histoire n’est qu’une histoire à dormir debout.
Jules Renard

Connaissez-vous "La Fabrique de l'Histoire" ?

La brillante émission d'Emmanuel Laurentin sur France Culture ?

Entre 9 h et 10h chaque matin.

A ne rater sous aucun prétexte.

 

Je suis une followeuse d'Emmanuel sur Twitter, sur Facebook, Instagram, and so on...

....................

Si on reprend l'hypothèse des petits-fils...

A savoir, un Seznec cherchant à tout prix à embrouiller tout le monde...

Et à diriger les investigations loin de Morlaix...

L'analyse du 13 juin découle naturellement.

Le principal but de Guillaume Seznec était d'envoyer un télégramme pour rassurer la famille du conseiller général.

Et gagner ainsi du temps.

Il faut donc organiser l'emploi du temps de cette journée en fonction de ce but.

La poste !

Reprenons l'acte d'accusation :

"Vers 15 heures, Seznec entre dans la boutique du sieur Chenouard, marchand de machines à écrire, 22, rue de la Bourse, pour y acheter une machine portative d'’occasion, De Hainaut et Legrand s’y trouvent eux-mêmes et le reconnaissent et, à leur témoignage si décisif s’ajoutent ceux non moins formels de Chenouard et de ses employées, les demoiselles Feuilloley et Héranval. A 16 h 35, il est au bureau central de la poste et remet aux mains du commis Hue, qui croit bien le reconnaître, le télégramme rédigé d’avance sur un imprimé réglementaire.

            A 17 heures, muni de la machine à écrire dont il a fait l’emplette chez Chenouard, il reprend l’express n° 158 pour Paris et arrive à la gare Saint-Lazare à 20 h 8, traverse la ville et gagne la gare Montparnasse, tout juste à temps pour prendre l’express n° 599 qui, à 21 heures, assure le service de Paris à Lannion."

Donc à 16 h 35 Auguste Hué le voit à son guichet de la poste du Havre.

Guillaume a rédigé son texte sur le télégramme (rédigé d'avance).

"rédigé d'avance"... Par de Jaegher ? Par Kerné ?

Dont les écritures n'ont pas été expertisées...

Denis Langlois en page 49 :

"Au Havre, le commissaire interroge le postier Auguste Hué, qui a enregistré le télégramme envoyé du Bureau central pour faire croire à la survie de Quémeneur. Ses souvenirs sont moins précis. A 16 heures, c'est la grande affluence. Il décrit cependant "un homme très grand et mince avec sur le visage comme des traces de variole et une barbe de plusieurs les bras ballant au corps, coiffé d'un chapeau mou et fendu, habillé de couleur sombre."

"Son allure générale était très négligée, ajoute-t-il, et en lisant l'adresse de l'expéditeur : "Quémeneur, négociant à Landerneau", je me suis fait cette réflexion : "Voilà un négociant qui a une drôle de tenue."

Le télégramme lui a été donné tout rédigé avec la mention "un mot rayé" suivie de la signature Quémeneur."

En tout cas, le gars Seznec ne reste que le strict minimum de temps à la poste.

Alors qu'il passe deux fois chez Chenouard.

Mais sachez-le : en tout et pour tout, Seznec n'est resté que 2 heures au Havre.

Le Journal du 4 juillet 1923

Ouest-Eclair 5 juillet 1923

Tout ça pour ça !

Mais quel besoin avait-il donc d'acheter cette machine à écrire ?

Aucun.

Si ce n'est qu'il embrouille ainsi les enquêteurs qui vont se ruer chez Chenouard plutôt qu'à la poste.

Multiplication des pistes et des témoins : sa stratégie.

Qui fera dire à André Cayatte :

"C'était un personnage à la fois roué et candide !"

Revenons à la machine à écrire...

"... l'existence des deux machines à écrire (cf livre de Denis Seznec en page 175). La machine ROYAL type 10, découverte le 6 juillet à la scierie de Morlaix, porte le numéro 434.080. Alors que la référence de la machine inscrite sur la facture de Chenouard au Havre, vendue le 13 juin,  porte le numéro 684.604. Et c'est bien ce numéro-là que Chenouard avait fourni à la police dès ses premières dépositions."

 

 

Chenouard a donc vendu une machine à écrire Royal 10 N° 684.604 à Guillaume Seznec.

Or, la machine à écrire saisie dans le grenier de la scierie portait le N° 434.080.

N'était-ce pas un élément valable pour demander une révision du procès Seznec ?

#jedemande

Ouest-Eclair 12 juillet 1923.

On ne retrouvera jamais la machine initiale dont Seznec a dû se débarrasser.

La machine - qui sera apportée par les hommes de Cunat - dans le grenier de la scierie portera le Numéro 434.080.

Ouest-Eclair du 26 juillet 1923

D'où la surprise de Mme Seznec qui sait très bien que la machine a été emmenée loin de Traon-ar-Velin.

Rappelez-vous ce qu'elle dit le 6 juillet (in Denis Seznec en page 171) :

" - Sur l'acte de vente de Traou Nez que vous nous avez pris, il y avait des lettres avec des traces rouges, je m'en souviens. Regardez le ruban de celle-là, il est tout noir ! Il n'a pas servi à taper l'acte de vente, c'est évident."

Lire in La perquisition du 6 juillet 1923.

La machine à écrire du Havre était donc équipée d'un ruban rouge et bleu (lire l'extrait de l'article de O.E. du 26 juillet 1923 reproduit ci-dessus), capisce ?

Celle qui a été trouvée dans la perquise rue de Brest avait un ruban noir.

Et oui...............

Il fallait absolument faire tomber rapidement Guillaume Seznec.

La presse était sur les dents.

Et au cul des policiers.

D'autre part, dans la police, c'était pas la joie...

Il y avait du tiraillement entre Paris et La Bretagne.

Oui, entre les commissaires Achille Vidal et Jean-Baptise Cunat.

Et pour faire tomber Seznec, c'est donc cette foutue machine à écrire qui fera l'affaire.

Chez Langlois en page 232 :

"Et la machine à écrire ? Avec constance, lorsqu'il est interrogé officiellement mais aussi dans les lettres clandestines qu'il adresse à Marie-Jeanne ou dans la note confidentielle qu'il adresse à Me Kahn, Seznec affirme que la machine à écrire ne pouvait être chez lui où les policiers l'ont découverte. Il imagine qu'on l'y a déposée. En prison, il échafaude tout un stratagème destiné à établir que la machine vendue au Havre à Ferbour a été racheté à Paris par un nommé Pouliquen. Il demande à Marie-Jeanne de rechercher de faux témoignages allant dans ce sens. Mais il ne varie jamais sur la surprise qu'il a eue en apprenant qu'on a trouvé la machine dans le grenier de sa chaufferie.

La police a été accusée de l'avoir déposée puis découverte. On a été obligé pour cela de bâtir un scénario très compliqué, une vaste machination policière impliquant la participation de nombreuses personnes. Ne serait-il pas plus simple de considérer que la machine ayant servi à taper les faux signés par Seznec avait été cachée par celui-ci ou l'un de ses proches ailleurs que dans la scierie ? La police a pu l'apprendre et l'a déplacée pour enfoncer davantage Seznec."

Rien à ajouter.

Si........

Dans la plaidoirie de Me Philippe Lamour qui, ironie du sort, fut aussi l'avocat de Bonny, plaidoirie qui est reprise en pages 83/84 de Claude Bal, on peut lire 

"10. La machine dans le hangar.

 

            Mais voici mieux encore :

            Avec le flair que je signalais tout à l’heure, des policiers arrivent un jour chez Seznec, à Morlaix. Sans hésitations, ils se dirigent droit vers un hangar qui avait pourtant été deux fois perquisitionné en vain. Dans ce hangar, ils montent et vont droit à un certain endroit.. Et là ils trouvent ce que de toute évidence ils savaient devoir trouver, une machine à écrire qui, bien qu’elle soit dans un hangar de scierie où volent toute la journée des poussières de bois, n’a pas un grain de poussière. Ils trouvent cette machine à un endroit déterminé, où ils sont allés immédiatement. Et c’est la « Royal » achetée au Havre par le prétendu Seznec ! Or, je le répète, deux perquisitions sans résultats avaient déjà eu lieu auparavant. Cette troisième perquisition était irrégulière, vous le savez, Monsieur le Substitut ; il est bien regrettable que ce jour-là, comme par hasard, les perquisitions étant faites, Seznec, inculpé, ayant déjà un avocat, les dispositions de la loi n’aient pas été respectées... Cela eut évité bien des suspicions regrettables. Oh ! rassurez-vous, je n’accuse pas la police d’avoir déposé malicieusement cette machine pour écraser Seznec d’une nouvelle charge. Je ne veux pas croire que la passion professionnelle aboutisse à de tels excès. Et il me suffit qu’un commissaire de brigade mobile, que nous connaissons tous et que j’estime profondément, m’ait affirmé que l’inspecteur qui l’a trouvée en était, lui du moins, incapable. Mais je dis que cette machine a été placée là par l’homme, toujours le même qui, parce qu’il est coupable, a intérêt à perdre Seznec, et que cet homme, comme au Havre, a averti la police (1) qui, elle, une fois encore, a été droit au but. Il suffit d’aller sur les lieux pour être pleinement édifié sur cette possibilité.

 

 

La maison de Seznec est à l’extrémité de Morlaix, en contrebas de la route de Brest, à l’endroit où cette route tourne pour remonter la côte et sortir de cet encaissement au fond duquel se trouve Morlaix. A l’extrémité même de Morlaix, le groupe des dernières maisons, au nombre desquelles est celle de Seznec, s’avance en pointe dans le bas de la vallée. De la route de Brest descend un chemin qui passe d’abord devant la scierie et arrive ensuite à la maison, séparée de la maison par un chemin d’usage particulier. En 1923, il n’y avait rien d’autre à cet endroit que le talus qui remonte jusqu’à la route de Morlaix. Lorsque le soir vient, de la route de Brest, cet emplacement n’apparaît que comme un trou noir avec un petit chemin perdu qui descend dans l’obscurité. Le premier bâtiment qu’on rencontre sur ce petit chemin perdu, c’est la scierie, d’un accès facile ; derrière, c’est la vallée et ses prairies, une petite rivière, de la broussaille, quelques arbres. Lorsqu’on descend là, à la nuit tombée, on est seul et dans l’ombre. Je m’engage, Messieurs, si vous le voulez, à aller déposer, douze nuits de suite, douze machines à écrire dans ce hangar sans que personne me voie.

 

            N’importe qui pouvait donc déposer cette machine dans ce hangar ouvert. Ah ! vraiment, c’est trop grossier, cette machine accusatrice qu’on trouve chez Seznec arrêté et qui est là pour l’accuser d’une façon aussi lourde. Comment a-t-on pu accueillir avec autant de complaisance, aussi peu d’esprit critique, un élément aussi épais, aussi suspect et d’ailleurs aussi tardif ?

           

Comment n’a-t-on pas vu, comme vous le voyez maintenant, que n’importe qui pouvait, quand il le voulait, déposer une machine chez Seznec emprisonné ? Pourquoi n’avoir pas eu la curiosité de savoir comment la police, qui n’a rien trouvé dans le local aux précédentes perquisitions, aille droit à la machine et soit si bien renseignée ?

 

 

(1) Ce qui détermina, en effet cette troisième perquisition illégale et, aux apparences, inutile, puisque, par deux fois, on avait déjà fouillé les dépendances de fond en comble, est une lettre anonyme, adressée à la police, où il était précisé à quel endroit se trouvait la machine à écrire !

 

Et pour clore...

On va aller chez Bernez Rouz (en page 196) :

 

"Pourtant, l'affaire de la machine à écrire n'est pas si claire. Le dossier d'instruction s'est enrichi quelques jours avant le procès d'une demande d'explication au patron de la 13e brigade mobile de Rennes. Le président des assises est intrigué par la double perquisition de Traon-ar-Velin. Si on a trouvé la machine à écrire le 6 juillet 1923, on aurait déjà dû la trouver lors de la première perquisition le 30 juin. Le commissionnaire divisionnaire expliquera que pour une question de coût la perquisition n'avait concerné que le garage et la maison."

 

Voilà.

Liliane Langellier

 

P.S. Et oui, je sais, cher Jean-Yves, on est bien le 13 juin...

Et la malédiction du 13 évoquée par votre père Petit Guillaume a encore frappé.

D'autant plus que je viens de retrouver un 13 de plus et pas des moindres : 

"Le 13 août 1924,

le procureur général Guillot signe officiellement l'acte d'accusation."

 

P.S. 2 Il y a eu du tout et du n'importe quoi pour expliquer la journée au Havre le 13 juin...

Surtout du grand n'importe quoi, d'ailleurs..

Ainsi le juge Jean Favard, écrit-il dans son livre "Quelques affaires retentissantes... Les révisions en question" :

"Mais voici revenue l'omnisciente Catherine Clausse, dont nous avions déjà pu apprécier les élucubrations relatives à la Royal, pour proclamer impossible d'aller de Montparnasse à Saint-Lazare de 7 h 15 à 8  heures.

On aimerait savoir comment cet "expert en contre-enquêtes historiques" en est arrivé à cette conclusion péremptoire. 

(...) Plus gravement encore Catherine Clausse jugeait tout aussi impossible que Seznec, après avoir expédié un télégramme à 16 h 35, ait pu prendre le train à 16 h 54 après être passé au magasin Chenouard pour y prendre la Royal."

 

P.S. 3  Pour l'emploi du temps de Jean Pouliquen ce même 13 juin...

Lire le joli mois de juin du notaire Pouliquen

La machine à écrire dans Ouest-Eclair. N° 434.080.

La machine à écrire dans Ouest-Eclair. N° 434.080.

Le centre du Havre in Guide Michelin 1922.

Le centre du Havre in Guide Michelin 1922.

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