Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
23 Mai 2018
C'est l'or… il est l'or… l'or de se réveiller… Monseignor… il est huit or…
Blaze/Yves Montand in La Folie des Grandeurs (1971)
Il y a là deux mythes de l'imagerie populaire réunis : l'or et les dollars.
Avec l'arrivée des Sammies à Brest...
Il règne un parfum de ruée vers l'or.
Un souvenir des premiers pionniers...
Même si le film de Chaplin ne date que de juin 1925.
Et puis...
Et puis, vous vous souvenez ce que m'a dit Bruno Lombardo qui habite l'autre moitié de la maison de Traon ar Velin ?
Il y a encore des gens qui viennent fouiller car ils sont persuadés que Pierre Quémeneur a été enterré avec tout son or sur lui.
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Dans la légende dorée Seznec, les dollars or ont été échangés entre Guillaume Seznec et Pierre Quémeneur, le mardi 22 mai 1923, à l'Hôtel des voyageurs, rue de Siam, à Brest...
On imagine assez mal des dollars or sur une table de bistrot !
Et puis, rue de Siam, les trottoirs ne sont pas assez larges pour envisager une table en terrasse (cf photo en annexe).
Alors Seznec se reprend et nous raconte qu'il a refilé l'or à Quémeneur dans la Panhard qui les menait à Lesneven pour acheter la Cadillac de Le Verge.
Seznec avait de l'or.
Aucun doute là-dessus.
Il avait reçu ces dollars or en blanchissant l'armée américaine.
Les Américains entrent en guerre le 6 avril 1917.
Mais attention, Guillaume Seznec n'a pu avoir de contacts avec les Américains, à sa blanchisserie de Brest, que de novembre 1917 (arrivée progressive des Sammies à Pontanézen) à février 1918, date à laquelle il cède la dite blanchisserie à son beau-frère Marc.
A la même date, il achète Traon ar Velin à Morlaix et convertit la scierie en blanchisserie en transférant du matériel de Saint-Pierre.
Pour la vie des Sammies au camp de Pontanezen, lire Azraelle 29 :
"Dès le 1er septembre 1919, tout le personnel d'urgence fut libéré du devoir pour rentrer aux Etats-Unis. A partir de ce moment il y eut une diminution du personnel aussi rapidement que les conditions le permettaient. Vers le 1er Décembre le personnel fut réduit à un officier et huit hommes."
Extrait d'une description du camp lors de l'affaire Seznec.
Le nombre des dollars
Par Seznec lui-même = 4.000 dollars or in Le Matin du mercredi 27 juin 1923 :
Pour le nombre de dollars or, Marie-Jeanne Seznec reprend les mêmes montants en précisant les nombres de pièces dans La Dépêche de Brest du vendredi 29 juin 1923 :
"Depuis longtemps déjà, de son côté, notre ami eut bien voulu que nous lui cédions des dollars en or que j'avais amassés alors que je blanchissais à Brest le linge des hôpitaux et celui des Américains. J'avais ainsi mis en réserve 19 pièces de 20 dollars et 206 pièces de 10 dollars, mais je ne voulais m'en séparer à aucun prix.
Pourtant, pour obtenir la propriété désirée, je me voyais contrainte de m'y résoudre."
4040 dollars en pièces d'or équivalent à 65.000 Francs de 1923.
Soit 6.686.718,79 euros 2017.
(conversion via INSEE)
Mais 4040 dollars - 40 dollars (dépensés le 11 mai 1923 pour la communion solennelle de Jeanne).
Allons chez Skeptikos :
"4040 dollars, c'est un drôle de chiffre. Chiffre assez curieux qui fait plutôt vrai. Il est sorti texto de la bouche de Marie-Jeanne qui les compte souvent et donc, qui sait ce qu'elle dit. Mais y a un truc qui me chiffonne (humour de blanchisserie), c 'est quand même beaucoup de pièces de 20 dollars pour payer trois chemises repassées et deux faux cols amidonnés. Bon, c'est sans doute pas exactement ça . C'est sans doute des paiements de trucs en nombre, en gros nombre. Y parait pourtant, qu'en cas de gros marché, y avait des contrats établis et que ça se payait dans la monnaie du pays...C'est curieux qu'on nous explique jamais...
Donc, à l'évidence, c'est pas ça , la somme...
Seznec s'est renseigné sur le cours du dollar le 28(?) mai, dans deux banques (Le Parisien du 14/07/1923). Marie Jeanne dit aussitôt que c'était avant. Mais passons, le tout c'est qu'il s'y intéresse et cela tendrait à faire penser que ces dollars existent.
Donc, c'est pas la somme. Et de là, les gribouillis sinistres dans les fausses promesses de vente. Puisque ça semble la seule raison valable pour refaire les PV.
Et quand va-t-il remettre tout le fourbi à Quéméneur ?
Moi, je suggère une solution assez simple : à Rennes, en arrivant avec la Cadillac. On les compte, on les recompte. On prend peut-être la décision d'en informer le commanditaire...qui dit aussi de changer de banque , pour le chèque...
Le samedi matin, Quéméneur, les dollars dans la valise, se pointe avenue du Maine, au comptoir de la BPC, pas le comptoir d'un café quelconque, On l'accueille bien volontiers. Et ensuite, il va chercher son chèque à la poste restante. Pas de chèque. Le banquier se montre souple, après un tel dépôt...Bien sûr , il peut attendre. Comment pourrait-il faire autrement?
Je vous dis ça comme ça : les 100 000 F, pour obtenir le poste de directeur local se décomposent en 60 000 F du chèque Pouliquen , 10 000 F de prêt en liquide obtenu de sa banque et le reste , 30 000 F en dollars . Tiens, c'est rigolo, ça fait 2020 dollars...
Bon, je fais ça, à la louche, mais c'est mieux pour mettre dans une petite boîte.
Vous avez compris bien sûr, Seznec a tout simplement doublé le nombre de dollar qu'en réalité, il possédait."
N.B. La somme de 4.040 dollars n'a pas été choisie au hasard par les Seznec.
Elle représente 2/3 du prix de vente de Traou Nez : 100.000 F - 35.000 Francs (prix achat officiel) = 65.000 Francs.
Qui aurait vu les dollars or ?
Parce qu'une boîte de presque 7 kilos, quand même...
C'est pas fait pour passer inaperçu !
Oui, après d'interminables problèmes de calcul niveau certificat d'études, on en est arrivé à un poids de dollars de 6,751 kilogrammes.
Chaque pièce de 20 dollars pèse 33,43 gr (x 99 pièces), et une pièce de 10 dollars 16,71 gr (x 206 pièces)
Qui les a vus ?
Mais la fidèle bonne Angèle Labigou, bien sûr !
"Invité à faire connaître les dimensions de la boîte, le témoin les donne en coupant successivement une branche de roseau : la longueur correspond à 44 cm, la largeur à 16 centimètres et la hauteur à 11 cm."
Déposition d'Angèle Labigou le 30 juin 1923.
Guillaume Seznec, lui, indiquera :15 cm de long, 5 cm de large et 5 cm de haut.
Jean-Yves Seznec : "Il y avait une caisse. Une petite caissette d’après mon père…. Mais bon, il me l’a montré comme ça avec ses mains."
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in Bernez Rouz en page 66 :
"Si l'existence du trésor de guerre de Seznec n'est pas contestable, la cassette qui le contenait pesait plus de 6 kilos. Aucun témoin ne l'a signalée dans la journée : ni Le Grand ni Quéméneur qui l'aurait dit à sa soeur, ni Me Vérant ni le directeur de l'Hôtel des Voyageurs ni Le Verge ni Pélagie Caradec, la bonne de Quéméneur. Seul Seznec prétend avoir donné les dollars à Quéméneur mais dans deux lieux différents. Ces dollars ont-ils servi à l'achat de la propriété de Traou-Nez ? "
Le Grand, il en parle, mais il ne les a pas vus :
"Comme Seznec m'avait appris jadis qu'il possédait des dollars-or, j'ai objecté à M. Quemeneur : Seznec a donc vendu ses dollars ? Seznec m'avait dit qu'il possédait 3 200 dollars depuis qu'il avait fait du blanchissement pour les Américains au cours de la guerre. "
Et ce n'est pas le témoignage tardif du notaire Jean Vérant (5 novembre 1923) qui va faire avancer le schmilblick :
"Je connais Seznec depuis ma démobilisation en 1919. J'étais son notaire habituel. Je puis vous assurer qu'il avait en sa possession des dollars : en février ou mars 1923, il est venu à mon étude pour causer de diverses affaires que je traitais pour lui. Il me fit voir une trentaine de pièces de dollars et me demanda quelle était leur valeur. Il me dit qu'il en avait chez lui une grande quantité, dans une boîte."
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Pour Jean-Yves Seznec :
"Parce que en fait, dans notre vécu, quand mon père était vivant, qu’on était petit mais qu’on ne connaissait pas l’histoire de la famille en fait, mais lui il racontait la vie de son père, qu’il avait eu une blanchisserie, qu’il avait travaillé, qu’ils étaient payé avec des pièces, tout ça…
Il a vu l’existence de tout ça !
Donc il nous le racontait.
Il a vu les pièces d’or ?
Oui, je ne me souviens plus bien, c’était dans une pièce, dans une petite boite, tout ça, lui, il l’a vu en tant qu’enfant…
Donc ça a existé…
Oui, ça a existé. C’était une réalité. Ils ne pouvaient rien en faire, c’était stocké là, c’était une réalité.
Donc, en gros, il aurait donné les pièces d’or à Quémeneur ?
Bah oui, avec la disparition de Quémeneur ils ont perdu leurs économies. Leur pécule. Ils ont perdu plein de trucs, parce qu’en fait ils devaient acheter cette propriété et ce qui intéressait mon grand père, c’était pas la propriété, c’était les bois qu’il y avait autour..
Oui, ça je sais…
Donc, c’était vraiment… ça se comprend…
Donc ça les arrangeait pas du tout… Et le fait qu’il soit mort ne les arrangeait pas du tout non plus."
(...)
"Combien il y avait de dollars or, on ne saura jamais…
Il y avait une caisse. Une petite caissette d’après mon père…. Mais bon, il me l’a montré comme ça avec ses mains.
Donc je ne sais pas j’évaluerai ça…
On ne sait pas les dimensions…
Oui, oui, il y avait des dollars or.
Ils s’amusaient avec les dollars.
C’est des pièces, hein, donc ils les manipulaient les enfants surtout qu’ils les sortaient et les remettaient dedans. Non non, il les a eus concrètement.
(...)
Vous savez après, j’ai essayé de voir encore plus loin, c’est que forcément, ils se sont démunis de cet or-là, mais cet or-là, il est quelque part, quand même…
Et je pense que…
C’est gratuit ce que je dis, c’est absolument gratuit. C’est vraiment mes déductions à moi.
Que, à un moment donné, j’ai lu ça je sais plus où… Je ne sais plus qui avait relaté ces faits-là…
Que, à un moment donné, avant que la police n’aille fouiller le bureau de Quémeneur…
Oui …
Ou que les enquêteurs aillent fouiller le bureau de Quémeneur, la famille de Quémeneur elle a fouillé son bureau.
Ça, je sais…
Et imaginez, vous fouillez un bureau pour des raisons qui leur étaient personnelles, peu importe…
Et puis vous trouvez, vous trouvez, je sais pas moi, des pièces d’or…
Donc ça veut dire que Pouliquen, le notaire, il aurait piqué l’or.
Je pense ça et puis ça serait compréhensible…
Pour moi, je trouve ça logique, quelque part…
Ils fouillent un bureau,
Ils trouvent de l’or, le mec il le récupère…
Ils ont dû trouver peut-être du pognon…
Forcément vous ne fouillez pas un bureau gratuitement quand même…
Soit que vous voulez récupérer des papiers parce que vous savez plus ou moins, ils étaient peut-être en affaires, avec leur… Avec des membres de leur famille et que peut-être aussi…
Mais Pouliquen, c’était un féroce, hein, le notaire !
Je sais pas… Et puis vous trouvez de l’or, alors vous allez pas le laisser…
Si vous êtres rentré pour fouiller…
Bah moi, je le prends, j’ai pas de soucis là-dessus…
Avant je l’aurais pas pris, mais maintenant oui…
Voilà. La logique veut que vous le prenez et vous n’y voyez pas vraiment un mal parce que vous vous dites « il a disparu »…
Bah bien sûr, c’est chez lui…
Il a disparu. Il est plus là. C’est chez lui. Ils ne savent pas encore les tenants et les aboutissants de ce qui s’est passé, mais par précaution, même par précaution ils se disent "Bah on prend ça, de toutes façons, ça va être fouillé."
Oui, moi aussi, je pense, comme Jean-Yves (et ce, depuis longtemps), je pense que Quémeneur avait dû enfermer les foutus dollars or dans son coffre de Ker Abri à Landerneau.
Et que c'est le notaire Pouliquen qui a tout raflé.
....................
Mais nous...
Il nous faut maintenant être sages...
Oui, il y a certainement eu des dollars or.
Mais..............
On ne saura jamais dans quel lieu Guillaume Seznec a refilé ses dollars à Pierre Quémeneur.
Ni à quelle date.
Et on ne connaîtra jamais non plus le montant exact des dits dollars.
Rappelez-vous : aucune tenue de comptabilité chez les Seznec depuis 1921.
Et les dollars or ont certainement dû faire partie des bénéfices occultes, qui, comme leur nom l'indique, ne laissaient aucune trace nulle part.
Même si on arrive à établir formellement que Marie-Jeanne a bien blanchi le linge des Sammies pendant deux années, de novembre 1917 à novembre 1919....
On ne saura jamais combien tout cela lui a rapporté très exactement.
Il nous faut apprendre désormais à oublier toutes nos certitudes pour coller le mieux possible au récit des petits-fils.
C'est ce que Langlois a fait, non ?
Alors que le récit de Petit Guillaume était vraiment orienté pour freiner Denis Seznec dans sa 13ème demande de révision...
Et, Denis Langlois, il a reçu votre bénédiction...
Alors pourquoi pas moi ?
Quant à ceux qui critiquent les dires des petits-fils...
Ce serait les dires de leur grand père...
Ils nous en feraient des caisses !
Liliane Langellier
"Ce n'est pas le doute qui rend fou : c'est la certitude."
Ecce homo (1888), Warum ich so klug bin, 4 de
P.S. Lire sur mon blog La Piste de Lormaye : Le mercredi 23 mai 1923.
P.S. 2 C'est mon 13ème article depuis l'émission du 13 mai dernier 💪💋💪💋
P.S. 3
23 mai = 4e jour du mois de prairial dans le calendrier républicain français, officiellement dénommé jour de l'angélique
Cet extrait m'a gentiment été envoyé par Claude Humbert, et l'autorisation de le publier est supposée puisque certains extraits de ce journal sont consultables sur google books. Un énorme merc...
Le blog d'Azraelle 29 sur le camp de Pontanezen à Brest.
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