Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.400 articles.
23 Juin 2015
Pour intriguer Pierre Quémeneur, elle a dû intriguer Pierre Quémeneur, l'affaire Cadiou.
Dans le procès-verbal de perquisition à Ker Abri, le 11 juillet 1923, on découvre "Saisies sur le coin de l'étagère fixée au mur, coin gauche, dans le même bureau, 42 cartes postales relatives au crime de la Grande-Palud."
Je me suis, bien sûr, procurée l'ouvrage d'Arthur Bernède : "L'introuvable assassin".
Mais c'est un site de la mairie de Landerneau qui la relate le mieux.
Chronique d'un faits divers du début du siècle à Landerneau.
Alors, je ne vais pas vous en priver.
En 1913, Landerneau est une ville industrielle de 8252 habitants environ (chiffres 1911).
L’aggravation des rivalités internationales à l’aube du XXe siècle se traduit notamment par une politique militariste des différents pays européens. Dans un contexte de course aux armements, un comité allemand fonde à 4 km de Landerneau, au lieu dit La Grande Palud, une usine de blanchiment de coton pour la fabrication de poudres de guerre.
On confie la direction technique de l’usine à un ingénieur allemand mais les affaires ne marchèrent que peu de temps à cause de « bruits malveillants » concernant la qualité des produits de l’usine.
Une nouvelle société est fondée en 1909 et a pour directeur Louis Cadiou. Le siège est à l’usine même, à la Forest-Landerneau. L’usine devient l’un des fournisseurs des poudreries nationales du Moulin Blanc et d’Angoulême. Les affaires sont extrêmement prospères, en 1913. Mais, à la fin de l’année, coup de théâtre, l’Administration de la Guerre prévient le directeur qu’il est rayé du nombre des fournisseurs de l’Armée. Coup fatal d’autant que 250 000 F de matières premières restent en stock. Des pourparlers s’engagent pour vendre l’usine, sans résultat. C’est alors que Louis Cadiou disparaît fin décembre 1913, son cadavre sera retrouvé 30 jours plus tard, à 600 m de l’usine.
A sa mort, le personnel, une quarantaine d’ouvriers originaires de La Forest-Landerneau, est licencié fin janvier 1914. La Veuve Cadiou loue son usine, par acte du 20 novembre 1914, à 2 industriels. La nouvelle société prend la dénomination de « Société anonyme cotonnière bretonne » et a pour objet l’industrie et le commerce de la cellulose. Elle fermera à nouveau ses portes en 1921, puis reprendra du service de 1922 à 1950.
Louis Cadiou disparaît le 29 ou le 30 décembre 1913. La date de la disparition est déterminante car les témoignages divergent à cesujet.
L’occasion est trop belle pour la presse de rappeler le scandale des Poudres : Cadiou était soupçonné d’avoir réalisé des malversations et se serait enfui en Allemagne. Il devient, à la veille de la guerre, «l’homme au service des Allemands ». Du complot fomenté par les Allemands à la conspiration familiale visant à toucher l’héritage de l’homme d’affaires, tout y passe !
L’ingénieur de l’usine a été vu quittant l’usine avec Louis Cadiou le 30 décembre. La mésentente entre les 2 hommes jette la suspicion sur lui. Il est l’auteur de lettres anonymes dénonçant Cadiou auprès du Ministère de la Guerre. Cet acte malveillant a précipité la chute de l’entreprise. L’Ingénieur souhaitait d’ailleurs quitter l’usine pour occuper un emploi dans un établissement concurrent, ce que son contrat de travail à la Grande Palud ne lui permettait pas. Parfait mobile ?
Des centaines de lettres anonymes arrivent de partout signalant la présence de Louis Cadiou jusqu’au Havre.
Devant l’inefficacité de la police à retrouver son mari, Mme Cadiou fait appel à Mme Hoffmann, une célèbre «somnambule», voyante de Nancy. En présence de quelques effets du disparu, elle révèle l’endroit où le corps de M. Cadiou a été enterré.
Le 4 février 1914, Jean Cadiou, le frère du disparu, se rend dans les bois qui se situent non loin de l’usine. Il creuse et retrouve le corps, 34 jours après sa disparition, enterré dans un bois, à 600 mètres de l’usine. Les gendarmes, accompagnés de nombreuses personnes, viennent assister à l’exhumation du cadavre. Une profonde blessure au niveau du cou laisse à penser que Louis Cadiou a été égorgé.
L’ingénieur Pierre assiste à l’exhumation, il tient un couteau dans la main ce qui le désigne d’office comme le parfait coupable. Dans la soirée, les gendarmes retrouvent une bêche ensanglantée à son domicile. Il est arrêté.
L’autopsie confirme hâtivement que la victime a été égorgée. Coup de théâtre, plusieurs lettres anonymes signalent que le médecin légiste a fait une erreur : une nouvelle autopsie a lieu et révèle la présence d’une balle de calibre 6mm dans la mâchoire de la victime. Louis Pierre possède un révolver du même calibre qu’il aurait revendu en 1913.
L’évènement, c’est le cas de le dire, fit grand bruit à Landerneau. Mr Cadiou aurait été aperçu pour la dernière fois, le 29 ou le 30 décembre sous le pont du chemin de fer voisin de l’usine, en compagnie de son ingénieur, Mr Pierre.
La presse et l’opinion publique soutiennent l’ingénieur Pierre. En effet, Le parquet soutient que le meurtre a été commis le 30 décembre. Plusieurs personnes auraient vu Louis Cadiou le 31 décembre ou le 1erjanvier.
Il y a des contradictions également entre les dépositions des employés de l’usine qui affirment avoir vu Louis Cadiou et l’ingénieur Pierre sortir ensemble de l’usine le 29 ou le 30 décembre. Nombreux sont ceux qui disent avoir aperçu la victime les jours suivants à Morlaix.
Après 110 jours de captivité, Pierre est remis en liberté.
Après sa libération, Pierre est renvoyé devant les Assises du Finistère le 29 juillet 1914. La guerre éclate, le procès est ajourné. Le Parquet après beaucoup d’hésitations, décide alors d’arrêter l’Ingénieur Pierre. Son procès s’ouvre après la fin de la guerre, en 1919.
« Le procès est plus qu’un fait local, c’est un événement, et jamais de mémoire de quimpérois, une affluence plus considérable, plus curieuse n’a stationné aux abords du Palais de justice », note le chroniqueur du Nouvelliste.
L’accusation peine à confondre le coupable. Louis Pierre est alors acquitté à 11 voix contre une et remis en liberté, le 30 octobre 1919. Le drame de la Grande-Palud restera à jamais un mystère impénétrable.
De nombreux articles, des séries de cartes postales, deux chansons ont été produits suite à ce crime. La littérature journalistique est importante.
- De nombreux articles de presse illustrés
La presse locale et nationale présenta jour après jour les péripéties de l’enquête. Il est possible de confronter ces 3 vecteurs de l’information et de la rumeur publique que sont le journal, la carte postale et la chanson.
Les journaux concernés sont : la Dépêche de Brest, l’Ouest Eclair,Le Nouvelliste, Le Matin, Le Petit Parisien, l’Illustration,l’Excelsior, Le Monde Illustré
- On dénombre au moins 16 cartes postales que l’on peut mettre directement en relation avec cette affaire.
- Deux complaintes sur feuilles volantes ont été aussi imprimées, en français. La première attribuée à un dénommé J. Berthou est composée dans la semaine qui suivit lecrime. La seconde paraît le 30 mars 1914.
Ce dont on ne nous parle pas c'est bien de l'ancien maire de Landerneau, le copain et confident de notre Pierrot : Julien Le Grand. Fondateur de l'usine de la Grand'Palud. Avec les capitaux de la société allemande Thémming.
"Je considère M. Legrand comme un honnête homme. Sa société fut, en effet, fondée avec l'aide d'industriels et d'ingénieurs allemands, et le gouvernement ne l'ignorait pas. On voulait connaître, à ce moment, la fabrication allemande.
Quant à l'usine de Daoulas, où l'on me proposait une place d'ingénieur technique, elle est française... Les actionnaires sont très connus à Brest et à Landerneau." in interrogatoire de l'ingénieur Pierre en page 26 de l'ouvrage d'Arthur Bernède.
On ne cite pas non plus de M. Emile Cloarec, député de Morlaix.
On ne nous parle pas non plus de Charles Danguy-des-Déserts, maire de Daoulas de 1911 à 1947, conseiller général et notaire là où doit avoir lieu la future construction de l'usine rivale de Daoulas.
1/ Julien Legrand
Legrand Joseph Marie Julien est né le 17 octobre 1865 à Argenton sur Creuse (36).
Sa mère décède en le mettant au monde.
Elle s'était mariée le 26/11/1860 avec Martin Legrand, décédé à l'âge de 36 ans, le 18/7/1872.
Martin Legrand s'est remarié avec Anne Léonard. Ils auront une fille : Marie Marguerite Legrand, née le 22/7/1869.
Julien Legrand se marie le 9 juillet 1891 Lambezellec avec Rollier Marie Louise Joséphine (née 20 février 1869 Ouessant) d’où :
2/ Pourquoi parler de la Grand'Palud
- les lieux sont les mêmes que l'affaire Seznec : Landerneau, Morlaix, Brest,
- on retrouve certains personnages mêlés aux deux affaires : Legrand, l'avocat Me Feillard, le procureur Guillemart, le juge d'instruction Binet,
- les deux affaires sont jugées aux assises de Quimper.
Mais l'une est instruite à Brest (Cadiou) tandis que l'autre sera instruite à Morlaix.
- les deux affaires mettent en cause des puissances étrangères (les Allemands et les Soviets),
- Dans les deux affaires, les témoignages sont à géométrie variable.
Et puis, franchement, vous n'allez pas me dire que Pierre Quémeneur a collecitonné et collé sur son mur ces 42 cartes postales de l'affaire Cadiou uniquement pour faire joli !!!
Liliane Langellier
Julien Legrand. Briqueterie et Tuilerie de Landerneau en 1898 (Archives départementales du Finistère)