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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Février 1914. C'est une voyante, la somnambule Camille de Nancy, qui a permis de retrouver le corps de Louis Cadiou...

C'est une voyante qui téléphone à
une autre voyante et qui lui dit :
- Allo ! vous allez très bien, et moi-
même ?
Coluche

Sur la chaîne d'informations BFMTV tournent en boucle les images de la recherche de ce pauvre petit Émile...

Des voyantes se sont déjà emparées de l'affaire, allant même jusqu'à se filmer sur les lieux pour TikTok...

Je rappelle ici que les Chrétiens sont supposés écarter toute forme de voyance...

J'ai été largement briefée sur ce point par deux amis : le frère Joseph Marie Lemaire, exorciste de l'abbaye de Solesmes, et, par le père curé Dominique Auzenet, exorciste au diocèse du Mans.

Il est donc à penser que la famille du petit Émile, catholique tradi ne recourra jamais aux charlatans de l'au-delà.

Pourtant quand les journalistes affirment, péremptoires, sur la chaîne précitée, qu'aucun crime n'a jamais été résolu par un voyant...

Je ne peux m'empêcher de penser au récit de la somnambule de Nancy, Mme Camille, qui a permis de retrouver le corps de Cadiou...

Dans l'affaire du même nom...

 

Liliane Langellier

 

En 1922, le juge d'instruction François Richard avait, dans l'affaire " du corbeau de Tulle " (voir https://www.pierre-mazet42.com/croassements-meurtriers-au-dessus-de-tulle), organisé une séance d'hypnose pour tenter d'obtenir des témoignages. Cela lui avait valu les railleries de la presse et les foudres du pouvoir. Pourtant, dans l'histoire de la criminologie de la première moitié du XXème siècle, il n'était pas le premier à avoir eu recours à ce genre de méthode. En 1914, à l'aube de la guerre, la disparition de Louis Cadiou, industriel breton, donna son heure de gloire à Madame Camille, qui se qualifiait de " somnambule ".

L'au-delà au secours des enquêteurs.

Pour tenter de faire face au désarroi familial, causé par cette disparition, la belle-sœur du frère de madame Cadiou se rend à Nancy pour y consulter une célèbre somnambule (Madame Camille), qui aurait donné à une famille en deuil la clé d'une tragique énigme. C'est une certaine madame Sainby qui se chargea d'aller l'interroger. Endormie par sa marraine, elle fit la déclaration suivante :

" M. Cadiou a été tué près de son usine. Il y a deux assassins, l'un grand, barbu et châtain, l'autre plus petit. Ce dernier faisait le guet pendant que son compagnon, après avoir fait tomber M. Cadiou à l'aide d'une corde, l'assommait. Le premier coup a été porté à la tête, à gauche. Cherchez aux environs, à droite du moulin, près de l'eau, mais dans les bois. Le corps est sous très peu de terre. "

Ses propos furent transmis immédiatement à madame Cadiou. Cette dernière convaincue, que la justice ne prendrait pas au sérieux cette déclaration, chargea son beau-frère (Jean-Marie Cadiou) de faire procéder à de nouvelles recherches. Jean-Marie se met aussitôt en campagne. Voici le récit qu'en fait le journal " Le Matin " du 5 février :

" Il fouilla tous les buissons voisins du moulin et notamment les bois de M. Vacheront, maire de La Forest. Vers dix heures, il arriva dans un étroit sentier encaissé entre deux talus et aboutissant à un ruisseau. Écartant avec son bâton les branches de houx et de genêts, il arriva au pied d'un orme où la terre lui parut avoir été remuée depuis peu. Le cœur battant, il gratta avec l'extrémité de son bâton, découvrit un morceau d'étoffe et, pour aller plus loin, employa cette fois les ongles. Le malheureux reconnut bientôt le veston que portait son frère. Alors, il courut au moulin, ramena le contremaître de l'usine et c'est ce dernier qui, avec les mains, mit à jour le corps de son patron. "

C'est ainsi qu'après 34 jours de recherche, on découvrit le corps de Louis Cadiou. Le procureur de la République dépêcha sur les lieux, avec le juge d'instruction et un médecin-légiste, un gendarme qui déclara : " Je ne croyais pas à l'hypnotisme jusqu'ici, mais m'y voici converti bien sincèrement. "

Mais, qu'a donc vu la voyante ?

Si le gendarme accorde une confiance sans faille aux dires de la voyante, ce n'est pas le cas de nombre de journalistes. Ainsi L'Est républicain du 6 février écrit :

Personne ne peut croire à la double vue d'une somnambule en pareille occurrence. "

Alors qu'un ingénieur, Louis Pierre, directeur technique de l'usine de la Grand' Palud était arrêté, puis inculpé d'assassinat, il formulait l'hypothèse que " l'histoire de la somnambule est un stratagème employé par la famille, afin de soustraire à des représailles le dénonciateur de l'ingénieur Pierre " qui aurait touché 2 000 francs promis par Mme Cadiou à la personne qui découvrirait le corps de son mari et désirait garder l'anonymat.

Dès lors, madame Camille devint la gloire de Nancy. Elle eut les honneurs de la presse et du cinématographe. Le nombre de ses clients augmenta ainsi que ses tarifs. Un agent de police de Pont-à-Mousson pouvait regretter, auprès de Ludovic Chave, journaliste de L'Est républicain (15 février), qu'on ne recourût pas plus souvent aux sciences occultes dans les affaires criminelles :

" Ainsi nous avons épuisé en pure perte de temps et d'argent tous les moyens de prouver la culpabilité d'un individu sur qui, il y a deux ou trois ans, pesaient les plus lourdes présomptions ".

Il y avait, des non-convaincus, des sceptiques, des incrédules. Un journaliste (Le Matin, 10 février), recueillit l'opinion d'Hippolyte Bernheim ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Hippolyte_Bernheim). Celui-ci déclara : " Je me rappelle parfaitement avoir souvent assisté à des expériences du professeur Liébeault, au cours desquelles on endormait la petite Camille, alors âgée d'une quinzaine d'années. Je l'ai toujours considérée comme un sujet se prêtant facilement, et avec sincérité, aux nombreuses expériences scientifiques que nous faisions alors ; je n'ai cependant jamais observé, chez elle, de phénomènes merveilleux. Je n'ai, d'ailleurs, jamais pu obtenir, au cours de ma longue carrière, de phénomènes de vision à distance ni de divination."

 

 

Affaire Cadiou. Le mari la femme et l'amant

Et si, malgré toutes les supputations, l'affaire Cadiou, du nom de cet industriel retrouvé assassiné à Landerneau en 1913, ne se résumait en fait qu'à une histoire des plus triviales ? C'est aujourd'hui la conviction de Gilles Salaün.

 

En 1913, Louis Cadiou est le directeur de l'usine de la Grande-Palud, spécialisée dans le blanchiment de coton pour la fabrication de poudre de guerre. À la fin de cette même année, il disparaît. Son corps est retrouvé un mois plus tard, sommairement enterré dans un sous-bois, à quelques centaines de mètres de l'usine.
 

Un seul suspect inquiété


Cette disparition a été la grande affaire criminelle de l'époque, alimentant les conversations, les rubriques des gazettes et devenant même le sujet d'inspiration d'une série de cartes postales et de quelques chansons. Si le feuilleton a eu autant de succès, c'est d'abord parce que le crime n'a jamais été résolu. Quoi qu'il en soit, chose étrange, un seul et unique suspect a été inquiété tout au long de la procédure : Louis Pierre, l'ingénieur de l'usine et bras droit de la victime. Gilles Salaün, de l'association Histoire du patrimoine du pays de Landerneau-Daoulas, est retourné sur le lieu du crime. On l'appelait le « trou à Cadiou » et le paysan, propriétaire du bois, faisait alors payer le droit de visite aux curieux. Avec Martine Guen, l'historien a défriché l'endroit, découvrant notamment deux hêtres sur lesquels les « pèlerins » de l'époque gravaient leurs noms. Les arbres ont grandi, les inscriptions aussi. Impressionnant.
 

Une victime cocufiée ?


Mais, surtout, Gilles Salaün a retrouvé la trace d'une petite-nièce de la victime. Et même si, aux repas de famille, le sujet était bien évidemment remisé sous la nappe, une idée semblait cependant, selon elle, couramment admise : l'ingénieur Pierre et Mme Cadiou entretenaient une liaison. Le mobile du crime aurait donc peut-être un parfum de vaudeville. Gilles Salaün attire d'ailleurs notre attention sur ce passage de la revue « Crimes et châtiments ». Y est relaté le procès, qui date de 1919, à Quimper. « Connaissiez-vous personnellement Louis Pierre », demande le juge à la veuve. Le journaliste note alors : « Madame Cadiou qui, jusqu'alors, avait montré un très grand calme, manifesta certaines nervosités. Son visage très pâle et profondément douloureux, s'empourpra ».
 

Un magistrat peu tenace


On attend alors la réponse de Mme Cadiou : « Oui, je sais, s'écriait-elle avec indignation, certaines personnes ont insinué que Louis Pierre avait pu éprouver pour moi un sentiment coupable, qu'un flirt, même, avait existé entre nous, que sais-je, moi ? Mais c'est faux, Monsieur le juge, je vous le jure ». Le magistrat décide de ne pas continuer sur ce terrain et, s'abstenant d'asticoter la veuve, la libère sur le champ. Cette relation extraconjugale serait-elle suffisante pour habiller un mobile solide ? Pas si sûr. Tous les maris trompés ne finissent quand même pas sous les feuilles mortes.

 

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