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La Petite Journaliste de Seznec

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur 'affaire Seznec. Plus de 990 articles.

Souvenirs d'un autre monde de René Guyomard....

Les souvenirs ne sont pas vrais.
Marcel Proust.

Souvenirs d'un autre monde...

Sous-titre : La vie quotidienne à Morlaix entre les deux guerres mondiales.

René Guyomard est un écrivain français.

Licencié en droit, il a fait une carrière administrative dans le Finistère. C'est l'administration départementale qu'il intégrera à Quimper, en 1940, puis à Morlaix, deux ans plus tard.

Rédacteur à partir de 1942 à la sous-préfecture de Morlaix, René Guyomard y a tout d'abord géré l'intendance. Il y deviendra ensuite secrétaire général de 1950 à 1975, avant de prendre sa retraite.

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Son livre est remarquable et il se lit très agréablement.

Son Français est irréprochable et sa connaissance de Morlaix indéniable.

Il a su parfaitement nous recréer "l'ambiance" de ces années-là.

Car elle est importante, l'ambiance, pour notre affaire Seznec.

Guillaume Seznec a vécu, avec sa famille, à Morlaix de 1918 à 1923.

C'est là qu'il a créé, d'abord une blanchisserie, puis une scierie.

Scierie dont il s'est fort peu occupé, féru comme il était des automobiles.

Voilà ce que nous écrit Guyomard sur l'affaire Seznec (en pages 122/123) :

"Le procès de Guillaume Seznec eut un tout autre retentissement puisqu'il intéressa et même passionna la France entière et suscita la rédaction de dizaines d'articles de presse et de nombreux volumes, pendant des décennies.

En 1923, le conseiller général du canton de Sizun, Quéméneur qui entretenait avec Seznec, propriétaire d'une scierie à Traon-ar-Velin, à l'entrée de Morlaix, route de Brest, des relations d'affaires, disparut au cours d'un voyage qu'il effectuait avec Seznec dans la région parisienne. Les faits sont trop connus pour qu'il soit besoin de les rappeler ici en détail. Bien que le cadavre e Quéméneur n'ait jamais été retrouvé, Seznec fut condamné, pour meurtre, au bagne à perpétuité. Il y avait là, paraît-il, une anomalie juridique, qui donna lieu à d'interminables controverses et entraîna pendant plusieurs années des demandes de procès en révision. L'abondante littérature née à la suite du verdict avait pour thème la question suivante : "Seznec est-il innocent ?" La personnalité de l'intéressé semblait, dès l'origine de l'affaire, sujette à caution. Dans sa majorité, l'opinion publique morlaisienne, imprudemment spontanée, n'acceptait guère la thèse de l'innocence du condamné. Certains de ses voisins ne prétendaient-ils pas se rappeler avoir senti, peu après la date du crime supposé, des odeurs qui pouvaient laisser penser que le cadavre litigieux avait été brûlé dans le four de la scierie ? Seznec n'avait-il pas, curieusement, dès ses premiers interrogatoires, déclaré : "Montrez-moi le cadavre" ?

Une machine à écrire achetée au Havre était une pièce à conviction importante du procès. Or, elle avait été découverte, dissimulée au domicile du présumé coupable. Il est vrai que c'était par l'inspecteur Bonny et la population n'avait alors apparemment aucune raison de se méfier d'un policier dont elle ne pouvait prévoir qu'il s'illustrerait, vingt ans après, sous l'Occupation, au service des Allemands.

Circonstance jugé aggravante pour Seznec, il avait voulu s'évader de la prison de Créach-Joly (qui ne fut désaffectée qu'après la deuxième Guerre mondiale) car il y avait été incarcéré pendant la durée de l'instruction, menée par un membre du tribunal de Morlaix. Il avait donc réussi, après avoir roulé ses draps pour s'en servir ultérieurement comme d'une corde, et s'être glissé à travers une étroite fenêtre, à atteindre la cour de la prison, où l'avait cueilli un gardien qui lui avait fait regagner illico sa cellule ou peut-être un lieu plus sûr.

Si donc en général, la population n'éprouvait pas a priori de sympathie pour celui qui allait devoir passer en principe le reste de sa vie au bagne de Cayenne, par contre elle plaignait sa famille.  L'un des enfants Seznec, un garçon de huit à dix ans, était élève de l'une des institutions religieuses de la ville. Ses camarades, qui l'aimaient bien, se souviennent qu'il n'était pas richement vêtu, portant un costume taillé, comme cela se faisait dans certains foyers modestes, dans la capote bleu horizon d'un parent (son père sans doute) rapportée quelques années plus tôt de la guerre. La famille Seznec ne semblait donc pas, en 1923, vivre dans l'abondance. Un jour, l'enfant ne reparut pas en classe et jamais ses camarades ne le revirent.

Mme Seznec, qui pouvait avoir dans les quarante ans, était une fort belle personne portant fièrement la coiffe et le costume noir à manches de velours des femmes de la région de Quimper. Profondément convaincue de l'innocence de son mari, elle multiplia les démarches pour obtenir la révision du procès, frappant à toutes les portes, y compris celles des ministères, celles des cabinets d'avocats réputés. Son courage, sa ténacité, sa dignité inspiraient le respect. Son malheur aussi : elle avait quitté Traon-ar-Velin et habitait, vers 1927, un petit logement dans le quartier de Saint-Mathieu, vivant très chichement. Le velours de ses robes s'élimait. Elle faisait maintenant ses courses "en cheveux", mais jamais elle ne voulut renoncer à l'espérance de pouvoir rendre la liberté à son mari, non plus qu'à sa fierté.

La mère de Seznec, elle, traînait rue Haute, courbée par l'âge et le chagrin sous sa coiffe bretonne toute jaunie, sous un paletot verdi et usé jusqu'à la trame, les restes misérables d'une vie désormais inutile : elle était la détresse incarnée."

René Guyomard nous cite encore de nombreux Morlaisiens..

Dont le notaire Vérant et sa femme Louise (en page 174) :

"La paix revenue, l'idée vint à M. et Mme Vérant d'offrir à nouveau aux Morlaisiens, dans ce beau cadre, des spectacles de plein air. C'est ainsi qu'ils y montèrent "Franche-Epée", pièce en vers de notre Louis Giblat. (...)

Et aussi l'imprimeur Lajat et sa faillite...

Ainsi qu'Emile Petitcolas, réacteur-en-chef de "L'Eclaireur".

Oui, il faut lire ce livre, pour sentir cette ambiance morlaisienne particulière d'entre les deux guerres.

Tous les sujets y sont traités.

Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ami Guyomard a une jolie plume...

Ce qui nous change, agréablement, des plumes lourdingues de nos trois derniers auteurs.

Je leur offre volontiers cette citation du grand Simenon :

« Ainsi font les gens : ce qu’ils ne savent pas, ils l’inventent, et le récit, ainsi fabriqué de toutes pièces, ils le tiennent pour vérité »

Georges Simenon ("Que ma mer l’ignore !", 1926, sous pseudonyme Jean Du Perry)

 

 

Liliane Langellier

 

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