Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur 'affaire Seznec. Plus de 1.000 articles.
21 Octobre 2022
Ma grand-mère disait: quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup…
Martine Aubry.
Guillaume Seznec :
Le Journal du mercredi 27 juin 1923 :
"Brest, le 26 juin.
Ce que dit M.Sézenec.
C'est à M.Sézenec, principal témoin de l'affaire, que j'ai demandé d'en éclairer la trame mystérieuse. Il n'ignore pas les rumeurs hostiles qui le visent. Il ne s'en émeut guère.
"Je ne connais même pas ce Charly, me dit-il, ni l'orthographe exacte de son nom qui peut être le Chersky d'un Russe aussi bien que le Charly américain.
Quoiqu'il en soit, Quémeneur avait échangé une correspondance assez volumineuse avec cet individu et cela déjà un mois avant notre départ pour Paris. Ces lettres lui parvinrent par mon intermédiaire. [ndlr 25 avril 1923]
- De quelle affaire s'agissait-il au juste et pourquoi M. Quémeneur usa-t-il de votre truchement ?
C'est très simple. Quémeneur eut recours à moi parce que sa situation de conseiller général ne lui permettait pas de paraître en nom. C'est alors qu'il me prit pour associé. Quant au principe de l'affaire, il reposait sur la vente à l'Amérique et à la Russie d'automobiles, livrées à Paris au nommé Charly qui, sur chaque voiture vendue, devait toucher une commission de 2.000 francs. Le prix offert par l'acheteur se fixait aux environs de 30.000 francs, ce qui laissait espérer d'intéressants bénéfices, et Charly se chargeait en outre, d'indiquer à Quémeneur de nombreux propriétaires d'automobiles désireux de vendre leur voiture. Moi-même je proposai à Quémeneur de vendre mon automobile et il était convenu qu'elle devait, dans le marché, passer une des premières. Sur celle-ci, d'ailleurs, il possédait une garantie car, voici dix mois environ, Quémeneur m'avait consenti un prêt de 15.000 francs.
- M. Quémeneur dites-vous, vous pris pour associé ? Comment avez-vous réuni les fonds importants que votre entreprise exigeait ?
Nous avons d'abord demandé à la Société Bretonne à Brest, de nous ouvrir un crédit de 100.000 francs. La société refusa. Cela affecta Quémeneur. Je lui offris alors 4.000 dollars que je possédais en pièces d'or. Ce même jour - le 22 Mai - il télégraphiait à son beau-frère, notaire à Pont-L'Abbé, de lui expédier à Paris un chèque de 60.000 francs et se rendait à Rennes, où je devais le rejoindre avec ma voiture que je revins chercher à Morlaix. Mon court voyage de Morlaix à Rennes fut entravé par plusieurs crevaisons. Néanmoins, j'arrivai à Rennes, où je retrouvai Quémeneur. Nous descendîmes à l'hôtel Parisien.
- Quelle somme à ce moment, M. Quémeneur avait-il sur lui ?
- Plus de 10.000 francs certainement, car il avait un cautionnement de 10.000 francs à verser à Charly en arrivant à Paris.
M. Sézenec me fait alors un récit détaillé du voyage accompli en auto de Rennes à Dreux, voyage sur lequel on a tant épilogué."
Marie-Jeanne Seznec :
L'Ouest-Eclair du 27 juin 1923 :
"Madame Seznec nous a aimablement reçus. Elle ne sait rien de plus que ce qu'a relaté fidèlement l'Ouest-Eclair. C'est son mari qui a vu le dernier M.Quémeneur dont il était le grand ami et qu'il estimait fort.
"Nous ne savons pas, dit-elle, quelle somme il possédait sur lui. S'il a été tué, c'est par quelqu'un qui devait le connaître encore mieux que nous. Nous sommes profondément affectés de tout ce malheur. Si mon mari avait fait route sur Paris avec M.Quéméneur, il aurait certainement partagé son sort."
Mme Seznec nous fait remarquer en terminant que lorsqu'il était parti, M. Quémeneur avait laissé prévoir une absence d'un mois."
La Dépêche de Brest du 29 juin 1923 :
"Nous avons soumis ce télégramme à Mme Seznec, qui nous a exposé ce qui suit :
- Je me plaignais depuis déjà longtemps d'habiter Morlaix à cause surtout des injustices qu'on faisait subir à mon mari. Comme je le faisais devant M. Quémeneur, qui fréquentait notre maison où il couchait lorsqu'il venait à Morlaix, il me dit un jour :
- Pourquoi donc n'achetez-vous pas la propriété que je possède à Plourivo dans les Côtes-du-Nord ? Elle est très bien située et comporte environ 90 hectares de terrain.
Je savais, par lui-même, que M. Quémeneur avait coupé une partie importante de cette propriété et qu'il en avait tiré pour 100.000 francs environ de poteaux de mines ; aussi nous discutâmes le prix.
Vers la fin d'avril, [ndlr avril 1923] mon mari et moi, nous accompagnions M. Quémeneur à sa propriété, qu'il tenait à nous faire visiter. Elle nous plut. Mais la somme qui nous était demandée nous paraissait trop forte."
Bernez Rouz en page 31 (déposition Marie-Jeanne devant Cunat, le 29 juin 1923) :
"Pierre Quémeneur venait souvent nous voir à Morlaix. Il couchait de temps en temps chez nous. Nous étions très intimes avec lui, il y avait une grande amitié entre nous."
L'Ouest-Eclair du 30 juin 1923 :
"Mon mari et lui étaient inséparables. Quand il venait à Morlaix, il descendait chaque fois chez nous. Nous aurait-il demandé toute notre fortune, nous la lui aurions donnée, ils se rendaient mutuellement service ; tout le monde le sait ici."
Dans la primo-enquête de Me Pouliquen....
"Quelques mois auparavant" :
"Arrivés à Landerneau vers 8 heures, nous nous trouvions à table vers 8 heures et demie quand nous entendîmes appeler au téléphone ; mon beau[-frère] s’est levé immédiatement de table pour entrer en son bureau qui n’est séparé de la salle que par un couloir. Les portes étant restées ouvertes, je perçus un échange de quelques mots, mais la communication fut assez brève. Mon beau-frère est rentré presque aussitôt en disant que c’était Seznec de Morlaix qui l’avait appelé pour lui fixer un rendez-vous pour le lendemain matin à Brest.
Je profitais de l’occasion pour mettre mon beau-frère en garde contre Seznec, car mon beau-frère m’avait auparavant avoué avoir prêté à Seznec une somme de quinze mille francs garantie par le dépôt à Landerneau d’une automobile Cadillac. Je ne lui ai pas caché la déplorable impression que m’avait produite Seznec quelques mois auparavant, et je lui fis remarquer qu’avec un pareil individu il n’y avait à mon avis que des risques à courir ; que j’avais ouï dire que ses affaires ne paraissaient pas brillantes. Mon beau-frère, tout en reconnaissant qu’en effet les affaires de Seznec n’étaient pas prospères et que sa situation était plutôt grevée, me fit valoir qu’il possédait cependant une propriété à Plomodiern, traversée par la voie ferrée de Crozon à Châteaulin, d’une valeur de soixante mille francs environ ; qu’en outre, il possédait à Morlaix une installation de 300.000 fr. environ.
Je fis observer à mon beau-frère que les évaluations me semblaient exagérées, qu’en tout cas si elles étaient conformes à la réalité, je ne pouvais m’expliquer comment Seznec s’était vu dans l’obligation de mettre son automobile en dépôt à Landerneau pour un prêt de quinze mille francs ; qu’il ferait bien de se renseigner exactement sur la situation de Seznec, qui semblait ne plus avoir guère de crédit, et que si la propriété de Plomodiern existait réellement elle devait être grevée d’hypothèques.
Nous changeâmes de conversation et mon beau-frère ne fit mention ce jour-là d’aucune affaire avec Seznec."
Chez les auteurs...
Bernez Rouz en page 31 :
"Une amitié de trois ans.
Seznec chez le juge Campion le 23 juillet 1923 :
"J'ai rencontré Pierre Quéméneur pour la première fois en 1919 je crois. Il avait acheté un lot de bois à Plouigneau. Ce n'est que depuis environ un an que nous avons repris nos relations et nous étions devenus amis. Nous nous rencontrions souvent et Pierre Quéméneur couchait parfois chez moi. Lorsque j'allais à Landerneau je couchais moi-même chez lui."
Denis Langlois en page 17 :
"Voilà. Les deux acteurs principaux, Quémeneur et Seznec, sont campés. Il ne reste plus qu'à les faire se rencontrer. Pas difficile. Seznec a besoin de bois pour sa scierie et Quémeneur en vend, ou du moins sait où il y en a. Les deux "profiteurs" font affaire et deviennent amis, plutôt complices."
Ouest-Eclair du 16 novembre 1919. En page 8.
Michel Pierre en pages 24/25 :
"En ces années d’après-guerre, ce qui intéresse Pierre Quéméneur, ce sont ses activités commerciales. Il demeure à l’affût de toute opération susceptible de conforter sa prospérité. Parmi ces dernières, la revente de lots de couvertures après achat aux enchères publiques, peut-être celle ayant eu lieu au camp de Kerhuon le 17 novembre 1919 de « 3100 couvertures usagées par petits et gros lots ». Pour cette affaire, il s‘est associé avec son ami Guillaume Seznec. Les deux hommes semblent avoir été aussi en relations pour un marché de lots de bois, cette même année 1919."
En page 31 :
"La première rencontre professionnelle de Pierre Quémeneur et de Guillaume Seznec se situe dans ce climat d'affaires, d'achats et d'échanges pour ne pas dire de trafics."
Je vous épargne les délires de Denis Seznec.
Corrigés une fois de plus par Seznek :
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La grand-mère de Martine Aubry disait : "Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !"
Et, là, pour être flou, c'est flou.
Pour ma part...
Je m'en tiendrais à la version de Julien Legrand.
Quand Seznec a cherché à lui fourguer sa Cadillac en gage contre 15.000 Francs de prêt...
Il l'a envoyé directo à Pierre Quémeneur.
Qui a accepté le deal.
Nous sommes là le 25 octobre 1922.
Jeudi 25 janvier. Trois mois s’étant écoulés depuis le 25 octobre 1922, la Cadillac de Guillaume Seznec devient la propriété de Pierre Quéméner, selon les termes de leur accord, car Seznec n’a pas encore remboursé son emprunt de 15.000 francs (Bernez Rouz 2006, page 59).
Nos deux zigs ne se connaissaient pas avant.
Mais, je pense, et cela n'engage que moi, que lorsque Seznec a vu qu'il avait pu soutirer 15.000 Francs à Pierre Quémeneur...
Il s'est dit qu'il pouvait lui en soutirer plus...
Beaucoup plus !
Liliane Langellier