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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

L'affaire Seznec, une enquête complète. Dominique Inchauspé in L'erreur judiciaire.


Monter en épingle tel ou tel épisode et oublier les autres éléments de l’affaire équivaut à succomber au syndrome d’Agatha Christie : un simple détail changerait l’explication générale d’un dossier.
Dominique Inchauspé.

Dans son livre "Affaire Seznec : L'impossible innocence"...

Michel Pierre écrit en page 280 :

"En 2010, l'avocat pénaliste Dominique Inchauspé traite également de l'affaire Seznec dans son livre L'Erreur judiciaire. Il reprend les faits, l'enquête, le procès et les différentes tentatives de révision. L'auteur s'interroge sur une "atmosphère d'erreur judiciaire alors que le dossier est accablant". Il montre a contrario, que l'instruction a été bien faite avec plusieurs centaines d'auditions et de confrontations avec les témoins, que la chambre d'accusation a ordonné des suppléments d'information. L'auteur considère aussi que "les procédures de révision étalées sur quatre-vingts ans sont tout-à-fait inutiles, car basées sur des faits fumeux" et il souligne combien les "experts cités par la défense de Seznec à partir de 1990" se sont ridiculisés. Et de conclure : "Au vrai le public, la presse et même certains professionnels ne veulent entendre, que des histoires d'innocents condamnés à tort, de policiers ripoux ou de vrais coupables châtiés avec dureté, plutôt que d'accepter la réalité du dossier ou même d'en prendre connaissance."

J'ai repris le livre de Dominique Inchauspé.

De la page 173 à la page 228.

Dominique Inchauspé est avocat au barreau de Paris et pratique le droit pénal depuis 1983. Il intervient souvent à l'étranger et est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la justice pénale, dont 'L'erreur Judiciaire' et 'L'innocence judiciaire' parus aux PUF en 2010 et 2012. Il enseigne à l'université. Il est aussi l'auteur de fictions ('Un homme dans l'empire', L'Âge d'homme, 2013).

Le plan de l'ouvrage :

 

"La recherche de la vérité, ambition de la justice pénale française, s’exprime dans l’affaire Seznec. Plus de quatre-vingts ans après la condamnation de Guillaume Seznec, le dossier d’instruction peut être consulté [1] : il contient plusieurs centaines de procès-verbaux d’auditions et de recherches. Les pages qui suivent en sont une synthèse.

[1]

[1] À l’occasion de la dernière requête en révision, la Cour de cassation en a fait établir une trentaine de copies."
…………………….....

"Chez Seznec, le commissaire Vidal trouve une Cadillac avec deux plaques d’identité du véhicule portant des indications de propriétaires différents : tantôt Seznec, tantôt une maison de Paris. En clair, la provenance du véhicule est maquillée. Les policiers saisissent aussi divers vêtements, dont un chapeau mou, à poils, qui porte une tache rouge derrière. Un incident se produit : la bonne tente de dissimuler un pantalon de travail bleu de Seznec. Il est saisi. On trouve aussi une boîte avec 24 cartouches à balles blindées de calibre 7.65."

Jamais entendu parler du chapeau mou, à poils, qui porte une tache rouge derrière.

"Un ancien partenaire d’affaires de Seznec et Quéméneur dépose. Du premier, il dit pis que pendre : indélicatesse pendant la guerre (fourniture de produits bas de gamme, etc.) et qualifie Seznec de commerçant louche, sans argent, « tapant » ses amis et… toujours armé !"

Pas terrible le portrait de Seznec, là !

Toujours début juillet, un mécanicien de la ville de Mayenne située à mi-chemin entre Le Mans et Rennes affirme avoir reconnu dans le journal L’Ouest-Éclair la photo de l’homme (Seznec) qui est passé à son garage le 27 mai – donc au moment du retour de Seznec à Morlaix –, car il avait eu une panne de véhicule. L’homme aurait dit au mécanicien qu’il était garagiste et qu’il venait livrer une voiture qu’il avait achetée. Un autre garagiste dit aussi que Seznec est passé chez lui ce jour-là. Il portait une salopette bleue de travail, avait une barbe de deux à trois jours et semblait très fatigué.

Seznec n'ayant pas le don d'ubiquité...

Il ne peut pas être le dimanche 27 mai à Mayenne et à Morlaix.

Mayenne - Morlaix = 275 km.

 

Ouest-Eclair du 5 juillet 1923

Mayenne-Rennes = 90 km sur la Nationale 12.

Rennes-Morlaix = 185 km.

Guide Michelin 1922. Archives personnelles.

"Toujours début juillet, le juge d’instruction de Brest se dessaisit de l’affaire au profit de celui de Morlaix. En effet, les éléments de l’affaire convergent vers Morlaix : les feuilles de timbres apposées sur les promesses de vente ne sont vendues qu’à Morlaix, aucune preuve n’existe qu’elles ont été signées à Brest et Seznec habite à Morlaix."

L'explication du changement de parquet de Brest à Morlaix.

"Puis, il ressort que deux relations d’affaires de Seznec ont reçu la visite de son chauffeur envoyé par Mme Seznec pour qu’elles disent avoir vu Seznec le 13 juin. La réponse a été un non catégorique. Le chef de gare de Houdan et son épouse confirment au juge que personne n’est descendu de la voiture lors de son entrée en gare."

Personne n'est descendu de voiture à Houdan.

"Seznec, entendu par le juge, maintient avoir laissé Quéméneur à la gare de Houdan. Ils ne se sont pas arrêtés dans la cour, car Seznec avait peur que la voiture ne redémarre pas. Le juge remarque qu’ils l’avaient pourtant laissée garée pendant leur dîner.

63Un employé des chemins de fer confirme au juge l’arrivée de la voiture (qu’il reconnaît au garage de Morlaix) à la gare, le fait que Quéméneur, qu’il identifie sur photo, lui a demandé la route pour Paris et que la voiture est repartie.

"Le même jour, le juge confronte Seznec et les personnels de la gare de Houdan. Ces derniers maintiennent leur version : la voiture arrivée à grande allure, Quéméneur qui demande la route pour Paris et le véhicule qui repart sans que personne n’en descende. Sur un plan que le juge montre à Seznec, celui-ci indique l’endroit où il aurait néanmoins laissé Quéméneur : après avoir quitté la gare et tourné à gauche (donc, personne n’a pu le voir). Il ajoute : « Je ne peux pas dire si Quéméneur est allé vers la gare. » Le chef de gare affirme que, si la voiture s’était arrêtée devant le café comme le dit Seznec, il l’aurait vue ; d’autant qu’il la suivait des yeux."

Personne n'est descendu de voiture à Houdan.

"Le juge réentend les commerçants et filles de salle de Houdan ayant vu Seznec et Quéméneur. Ces dernières confirment leur dîner passé 21 heures. Confrontées à Seznec, elles maintiennent. Lui affirme que le dîner a eu lieu plus tôt.

66Deux autres employés de la gare confirment que la voiture est passée autour de 22 heures. S’ils n’ont rien dit avant, c’est par crainte d’être mêlés à cette affaire."

 

"Dans les jours qui suivent, le juge fait des vérifications autour de la venue de Seznec à La Queue-lez-Yvelines. Une jeune fille de l’hôtel reconnaît dans la Cadillac de Seznec celle qu’elle a vue. Elle ne reconnaît pas Seznec, mais elle identifie la valise de Quéméneur retrouvée au Havre : ce serait celle qu’elle avait vue sur la banquette arrière de la voiture. Seznec nie qu’il s’agisse de la même."

Hélène Conogan...

"L’inspecteur Bony remet un rapport duquel il ressort qu’aucune trace de Quéméneur n’a été trouvée « dans les hôtels, garnis et meublés de Paris et de la banlieue ». Le même inspecteur collecte des renseignements favorables sur deux témoins qui ont déclaré avoir vu Seznec au Havre le 20 juin, jour de la découverte de la valise de Quéméneur. Des renseignements aussi favorables sont recueillis sur les témoins de la maison Chénouard. Idem quant à Quéméneur lui-même : malgré de gros revers de fortune en matière commerciale, sa situation est bonne ; pas de relations féminines, ni à Landerneau ni ailleurs (?) ; fréquentation des cafés de la région où « il jouissait de l’estime générale, tant par son affabilité que par ses largesses »."

Pierre Quémeneur aimé et respecté par tous.

"Dans les jours qui suivent, Garnier, de la gare de Houdan, réentendu par le juge, répète que personne n’est descendu de la voiture. Le véhicule est reparti vers Paris en se trompant d’abord de route. Seznec, confronté, nie. Les commerçants de Houdan confirment encore la venue de Seznec dont ils se souviennent à cause de ses cicatrices."

Personne n'est descendu de voiture à Houdan.

"Le juge réentend la domestique de l’hôtel-restaurant du Plat d’Étain, à Houdan. Elle confirme l’arrivée de Seznec et Quéméneur vers 21 h 30, car sa patronne venait d’arriver du dernier train de Paris. Confrontés, elle et Seznec sont d’accord sur tout sauf sur l’heure à laquelle les deux hommes ont quitté le restaurant : 21 h 15 pour Seznec, 22 heures pour la servante. Il est important pour Seznec d’avoir quitté assez tôt l’hôtel afin que Quéméneur ait pu « prendre le dernier train » pour Paris."

"D’une enquête sur la moralité de Seznec, il ressort qu’il avait créé une affaire importante de scierie et de garage automobile, mais qu’il était, à la veille du crime, talonné par des créanciers. Il a fait l’objet de diverses enquêtes sous l’inculpation de vol, toutes terminées par des non-lieux. La rumeur le qualifiait de « pilleur de stocks américains ». « Homme processif et extrêmement rusé, il excellait dans l’art de chicaner. Agissant, d’autre part sans loyauté ni scrupule dans ses transactions, ne reculant pas parfois devant l’emploi de moyens frauduleux et malhonnêtes […] il s’était attiré […] la réputation d’un individu “sournois” et “ficelle”. »"

Joli portrait de Seznec...

"Dans son ordonnance de renvoi devant la chambre d’accusation (qui devait, à l’époque, revoir le dossier avant d’en saisir la cour d’assises) du 12 mars 1924, le juge d’instruction résume l’affaire telle que décrite ci-dessus. Concernant Le Her, il estime que son témoignage n’est pas précis et que, si lui prétend avoir vu Quéméneur à Paris le 26 mai, le notaire dit l’avoir vu le même jour à Rennes. Le magistrat juge, comme le procureur, qu’il convient de renvoyer Seznec devant la cour d’assises pour assassinat et faux en écriture privée."

François Le Her, le faux témoin...

Combien avait-il été payé par la famille Seznec ???

Ce qui expliquerait ses odieux chantages à Jeanne Le Her.

"Lors de la rencontre de début juin entre les consorts Quéméneur venus aux nouvelles et Seznec, ce dernier décrit les cachets qu’auraient portés les prétendus courriers de « Sherdly » à Quéméneur, prétendument mis dans des enveloppes de la chambre de commerce américaine de Paris." 

(…)

Le commissaire Vidal vérifie qu’aucun tampon humide de la chambre de commerce américaine n’était utilisé pour timbrer les lettres. Il chronomètre la durée, à « pas de route », entre la chambre de commerce et le bureau de poste du boulevard Malesherbes : seize minutes."

Le commissaire Achille Vidal a fait une enquête poussée pour la chambre de commerce américaine...

"Le commissaire de police qui a saisi la machine à écrire chez Seznec répond au président de la cour d’assises qui le questionne par écrit. Lors de la première perquisition, il n’était pas allé jusqu’à fouiller l’usine attenante en raison du coût. Alerté par un télégramme de la police de Vichy parlant de la machine à écrire (un policier y connaissait l’un des deux inspecteurs des vendeurs de ce matériel qui s’étaient rendu au Havre) il y est retourné. Un appentis a été fouillé ; la rivière, draguée ; un tas de fumier, retourné. Au final, « les inspecteurs chauffeurs de la brigade, spécialement désignés en raison de leurs connaissances mécaniques pour les recherches dans la machinerie […], ont découvert dans la chambre du chauffeur, derrière un tableau de distribution d’énergie électrique, enveloppé dans un vieux tablier en toile de sac […]. »"

Et on lit toujours chez Anne-Sophie Martin et chez le broc, qu'il n'y a eu aucunes perquisitions à Morlaix…

"L’autre dossier date de février 1920, trois ans avant « l’affaire ». Il s’agit d’une affaire de vol de Cadillac dans laquelle Seznec est impliqué. Un de ses cousins informe la gendarmerie qu’il lui a laissé depuis trois semaines une Cadillac qu’il n’a pas reprise. Or, il est couvert de dettes et ne peut être propriétaire d’un tel véhicule. Seznec, entendu, affirme l’avoir acheté à un garagiste d’Annecy rencontré sur le Champs-de-Mars à Paris où sont encore exposés de nombreux véhicules en provenance des surplus américains. Seznec a produit un reçu du vendeur sur papier timbré. La vente se serait conclue dans un bistrot proche. Son beau-frère confirme, mais une relation de ce dernier ne se souvient d’aucun accord ni d’aucune acquisition ce jour-là. Cette affaire où Quéméneur n’a rien à voir établit donc un lien entre Seznec, les Cadillac américaines et le Champs-de-Mars à Paris."

C'est, bien entendu, Guillaume Seznec qui traficotait dans les bagnoles, pas Pierre Quémeneur !

"La succursale de la Banque de France de Quimper écrit au président des assises que, en mai 1923, 4 000 dollars américains cotaient 60 000 francs. Ainsi, à supposer que Seznec les ait remis à Quéméneur comme il le dit, ce dernier lui aurait donc vendu sa propriété 95 000 francs (35 000 francs sur la promesse de vente plus 60 000 francs, contre-valeur des 4 000 dollars or) alors que Quéméneur en voulait 140 000 francs. Le président fait alors vérifier auprès des banques de Morlaix si Seznec ne s’est pas inquiété d’un tel taux de change."

4.000 dollars américains = 60.000 francs.

"Le 4 novembre, les jurés condamnent Seznec pour faux en écriture privée (« la promesse de vente » datée du 23 mai relative à la propriété de Quéméneur) et surtout pour meurtre sans préméditation mais avec guet-apens. À l’époque, les jurés délibèrent seuls sur la culpabilité. Les trois magistrats de la cour statuent ensuite et de façon séparée sur la peine. C’est en 1941 – à l’instigation du régime de Vichy – que jurés et magistrats délibéreront ensemble sur la culpabilité et sur la peine. Comme le verdict rendu par les jurés de l’affaire Seznec n’est pas cohérent (le guet-apens implique la préméditation qui a pourtant été écartée), le président les renvoie délibérer, et ils reviennent alors avec une condamnation pour meurtre simple (sans préméditation). Après de nouvelles plaidoiries sur la peine, la cour (les trois magistrats sans les jurés) condamne, le même jour, Seznec aux travaux forcés à perpétuité. Il échappe à la peine de mort requise par l’avocat général. Dans deux autres arrêts, les juges annulent aussi la promesse de vente et accordent 1 franc de dommages-intérêts au frère de Quéméneur, partie civile dans le dossier et dont la douleur ne semble pas avoir ému la cour.

157Dans le dossier d’instruction figure aussi une coupure de presse de L’Ouest-Éclair du 15 décembre 1924, soit un mois et demi après la fin du procès. Le Her a été arrêté à Paris et incarcéré pour outrage à la pudeur sur une jeune femme."

Et surtout pour meurtre sans préméditation mais avec guet-apens.

"Les requêtes qui vont se succéder jusqu’à la Seconde Guerre mondiale critiquent des éléments déjà connus dans le dossier ou allèguent de nouvelles hypothèses que les enquêtes effectuées infirment. Ainsi d’une dénonciation selon laquelle les membres d’une famille Quemin près de Dreux auraient tué Quéméneur : c’est cette dénonciation que dénonçait l’industriel de La Queue-lez-Yvelines au président de la cour d’assises. L’enquête est reprise : auditions multiples et fouilles de la propriété des Quémin concluent à ce qu’il s’agit d’un règlement de comptes local."

Les Quemin ont été salis pour servir la cause de Seznec.

Combien d'autres familles ont-elles elles aussi été salies ?

Jestin, Picard, Rams, etc..

C'est moi qui ai mis en gras les phrases qui m'intéressaient dans l'analyse d'Inchauspé.

10 – L’affaire Seznec : analyse

192Le dossier d’instruction est clair : Guillaume Seznec a tué Pierre Quéméneur. Il est le dernier à l’avoir vu. Ses déclarations sur la façon dont il l’aurait laissé en gare de Houdan ne sont pas crédibles. Celles des personnels de la gare sont claires et concordantes : la voiture est entrée dans la cour après 22 heures et non avant comme le soutient Seznec, les passagers ont demandé la route pour Paris et sont repartis. Personne n’est descendu. Le dernier train pour Paris était passé bien avant 22 heures et c’est la raison pour laquelle Seznec s’obstine à dire que lui et Quéméneur ont dîné avant 21 heures au Plat d’Étain. Les filles de salle sont aussi formelles sur la tardiveté du dîner, et les horaires qu’elles indiquent s’articulent avec ceux indiqués par le couple de commerçants chez lequel les deux hommes achètent peu avant une lanterne pour la voiture. Si Seznec suggère que Quéméneur a pris le train pour Paris alors que c’est faux, la vérité à cacher doit être lourde. Comment croire, par ailleurs, qu’il ait parcouru plusieurs centaines de kilomètres en direction de Paris pour, rendu à 40 kilomètres de la capitale, rebrousser chemin ?

193Il est censé réaliser une affaire importante avec Quéméneur et il ne s’inquiète pas de ne pas avoir de nouvelles de lui dans la dizaine de jours qui suivent : à sa sœur et à son beau-frère venus aux nouvelles, il en demande. Aux enquêteurs, il explique que Quéméneur a pu s’embarquer pour les États-Unis. Il n’est pas crédible qu’un homme de 46 ans, menant une vie régulière, décide d’un tel voyage sur un coup de tête et sans en informer ses proches.

194Son explication sur l’affaire des Cadillac est irréaliste. Si un certain « Sherdly » propose à Quéméneur, négociant aisé, la vente à grande échelle de Cadillac au gouvernement russe, pourquoi avoir besoin d’un Seznec désargenté ? Il n’est pas sérieux d’expliquer que lui, Seznec, était utile pour recevoir les courriers que « Sherdly » adressait à Quéméneur. En revanche, au moment où cette « affaire » se met en place, Seznec seul a des liens avec ce genre de commerce : il est déjà propriétaire d’une Cadillac (gagée auprès de Quéméneur !) et il a déjà été poursuivi pour des malversations avec de tels véhicules à l’occasion desquelles il a indiqué s’être fourni sur le Champ-de-Mars, à Paris, lieu où, après la Première Guerre mondiale, les surplus américains étaient stockés en attendant d’être liquidés. Ainsi, c’est Seznec – et non Quéméneur – qui est lié aux Cadillac américaines. De plus, Gherdi/« Sherdly » ne sait pas écrire : il n’a pu envoyer aucune lettre à en-tête de la chambre de commerce des États-Unis. La description du timbre de cet organisme donnée par Seznec ne correspond pas à celui qui est utilisé : c’est donc une invention de Seznec. Aucun lien entre Gherdi, installé dans une brasserie du Champ-de-Mars, et la chambre de commerce américaine n’est établi. À l’évidence, c’est Seznec qui a convaincu Quéméneur de se lancer dans la prétendue affaire des Cadillac américaines à destination de la Russie ; non l’inverse.

195Seznec a un mobile : condamné pour de nombreuses dettes, il est aux abois. Or, il persuade à Quéméneur de se faire adresser à Paris un chèque très important. Encore Quéméneur avait-il demandé à ses proches une somme supérieure. Quelqu’un se présente deux fois au bureau de poste à Paris le 2 juin pour tenter de retirer le chèque que le commis de poste ne remet pas, ne le croyant pas arrivé. Or, ce 2 juin est aussi le jour où Seznec est à Paris pour rencontrer un avocat choisi au hasard dans l’annuaire et auquel il expose son affaire à toute allure. Il ne s’agit que d’un prétexte pour justifier le déplacement. Il faut noter que le commis de poste ne reconnaît pas Seznec sur photo, alors que des dizaines d’autres témoins seront formels à cause du bas de son visage brûlé : a-t-il un complice – « Sherdly » ? – ou était-ce bien lui qu’un employé distrait ou habitué à voir défiler des inconnus n’a pas mémorisé, parce que, aussi, la demande qui lui a été faite a dû être rapide ? On peut donc penser que Seznec se met en position de récupérer le chèque. Il se serait débrouillé ensuite pour l’encaisser. On a vu qu’il n’en est pas à un faux près.

196À ce stade, les charges contre Seznec sont graves et concordantes. La suite de l’affaire les rend précises et écrasantes.

197En effet, Seznec commet l’erreur fréquente d’en faire trop. Le 13 juin 1923, il se rend au Havre pour envoyer un télégramme aux consorts Quéméneur censé émaner de son compagnon qui annonce son proche retour. Une première erreur : il signe « Quéméneur » quand l’intéressé signait « Pierre ». Mais surtout, il laisse partout des traces d’une pareille expédition : se rendre de Morlaix au Havre pour y envoyer un télégramme et s’en retourner chez soi. Tous les témoins des endroits où il est passé se rappellent de lui à cause de son visage brûlé ; sauf ceux qu’il invoque pour justifier qu’il serait demeuré en Bretagne ! De plus, l’expertise graphologique identifie son écriture sur ce télégramme. Il se rend au Havre une seconde fois (!) le 20 juin pour y déposer la valise de Quéméneur sous un banc de la salle d’attente des troisièmes classes. De nouveau, même problème : tout le monde se souvient de lui. De plus, à ces erreurs répétées, il en ajoute encore. Il manipule le carnet de notes de Quéméneur : les experts-graphologues y discerneront à nouveau son écriture ! Puis, dans la liste des « dépenses » qu’y aurait reportées Quéméneur, il se trompe sur sa prétendue gare de départ : il note « Dreux » quand ce serait Houdan. Si Quéméneur était vraiment parti par le train, il aurait noté la bonne gare : Houdan, et non Dreux. Cette erreur de base, c’est Seznec qui la commet et non un Quéméneur distrait : en reconstitution, Seznec va d’abord à la gare de Dreux où il ne reconnaît pas les lieux, et c’est à Houdan qu’il se souvient car c’est bien là qu’a eu lieu l’incident de la voiture dans la cour de la gare. Autre erreur : quand il reporte sur ce carnet de Quéméneur le prix du billet Dreux-Paris, il oublie les taxes spécifiques perçues à Dreux. Il ne fait figurer que le prix de base de l’indicateur des chemins de fer. Un Quéméneur payant le billet de train de facto aurait fait figurer le prix qu’il avait acquitté. De plus, dans sa propre liste des dépenses du voyage vers Paris trouvée dans sa valise qu’il fait semblant de dissimuler quand il se rend au commissariat, il porte aussi la gare de Dreux au lieu de celle de Houdan. La même personne a commis deux fois la même erreur.

198Seznec commet encore une autre erreur, plus grave, qui lui est propre : il en veut trop. Après le chèque de Quéméneur à Paris, il convoite la propriété de ce dernier à Traou-Nez ; peut-être parce que la manœuvre initiale – capter le chèque – a échoué. Il est donc à nouveau obligé de mettre sur pied un processus complexe et donc d’en multiplier les traces : les employés de la maison Chénouard, les voyageurs du train Paris-Quimper, les témoins de Plouaret, tout le monde le voit avec sa machine à écrire ou avec un paquet sur le dos qui lui ressemble. Les expertises déterminent que cette machine, achetée le 13 juin 1923 après la disparition de Quéméneur, a servi à dactylographier les promesses de vente datées du 23 mai et signées de Seznec et de Quéméneur. Les experts graphologues affirment que les mentions manuscrites qui y figurent – dont la signature de Quéméneur – sont de la main de Seznec. Il est si glouton que, non content d’extorquer à un mort son consentement à cette vente, il prétend faire une bonne affaire : dans les promesses de vente, il « achète » la propriété au quart de son prix, essayant de faire croire que la différence aurait été réglée par la remise de ses dollars à Quéméneur. Or, aucune preuve n’existe qu’il les lui aurait remis. Enfin, la machine à écrire ayant servi à taper les promesses de vente est trouvée chez Seznec !

199Les « témoins de survie » ne sont pas crédibles. Tout d’abord, on ne comprend pas pourquoi Quéméneur ne donne pas signe de vie à sa famille alors que la presse locale et nationale, qu’il aurait lue s’il était vivant, ne parle que de sa mort, violente de surcroît. Ensuite, les dépositions de ces témoins sont imprécises et contradictoires. L’un est myope, l’autre n’est pas sûr. Quant à François Le Her, c’est un fou. Son pedigree avant et après l’affaire le démontre. Il est peut-être sincère quand il croit avoir parlé à un homme qu’il croit être Quéméneur. Il a pu aussi tout inventer. On connaît des tempéraments qui s’accusent de crimes qu’ils n’ont pas commis. On peut bien en concevoir d’autres qui témoignent de faits qu’ils ont inventés. D’ailleurs, selon les enquêtes, Le Her est perçu par son entourage professionnel comme menteur et hâbleur ; de surcroît malhonnête dans ses affaires.

200Si cette affaire est clairement une histoire d’argent, il faut noter que les tempéraments de Seznec et de Quéméneur sont voisins. Le premier est un affairiste indélicat, toujours à l’affût d’affaires qu’il ne sait pas conduire de façon honnête. Quéméneur est lui un affairiste légal. Son titre de « négociant » recouvre des activités sans création de valeur. Il s’enrichit pendant la Grande Guerre (au lieu de la faire) en vendant des poteaux de mines (pour lesquels il n’a pas acquitté tous ses impôts). Il cherche à revendre sa propriété de Traou-Nez en proposant un prix qui semble quatre à cinq fois supérieur à celui auquel il l’a achetée trois ans avant ; dans son bureau, on trouve une quantité de reconnaissances de dettes signées de membres de sa famille. Devant l’affaire des Cadillac, son goût de l’argent facile lui fait perdre la tête.

201Il est juste de dire que Seznec a des qualités : travailleur, habile de ses doigts, infatigable, entreprenant. Il est aussi le seul des protagonistes de cette affaire à avoir une vie privée « normale ». Il fait « bon ménage » avec sa femme, avec laquelle il a eu quatre enfants. Elle lui reste fidèle et loyale jusque dans ses tentatives de subornation de témoins. Quéméneur, à 46 ans, n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Le Her a des conceptions conjugales spéciales.

202Les énigmes de cette affaire ne sont pas celles auxquelles on pense. La première est la suivante : assassinat ou meurtre ? Le juge d’instruction, les parquets de Morlaix et de Rennes et la chambre d’accusation retiennent l’assassinat : Seznec a prémédité la mort de Quéméneur en lui tendant un premier piège. Il lui fait croire à une affaire fabuleuse qui incite l’autre à se faire adresser un chèque important à Paris. Le second piège est le long voyage sur la route afin de le tuer loin et de faire disparaître le corps de manière plus facile. Il se fera ensuite remettre le chèque à la poste de Paris (ou bien ce sera à « Sherdly »). Faussaire et habile de ses doigts, il serait parvenu à l’encaisser d’une façon ou d’une autre. En effet, l’histoire des Cadillac est si fantaisiste – aucune enquête n’en a jamais corroboré l’existence – que Seznec, s’il n’avait pas tué Quéméneur, aurait été obligé de lui expliquer, arrivé à Paris, que le marché du siècle ne pouvait plus se faire ; alors, de plus, qu’il l’avait convaincu d’envoyer un gros chèque. Il montre assez d’esprit tortueux et de suite dans les idées durant toute cette affaire pour avoir, dès le début, échafaudé un scénario compliqué.

203L’autre possibilité est celle du meurtre « simple ». Le voyage des deux hommes est une invraisemblable course d’obstacles, la voiture va de panne en panne et Quéméneur s’exaspère qu’une affaire aussi mirifique débute aussi mal. Les filles de salle du Plat d’Étain disent qu’il paraissait énervé. Quant à Seznec, il est capable de tout : le dossier le montre. Une querelle éclate. Seznec frappe Quéméneur avec le cric aux environs de La Queue-lez-Yvelines, le négociant errant qui cherche à faire une affaire fumeuse (vendre une centaine de Cadillac aux Russes). En faveur de cette thèse, il y a le fait que les deux hommes parcourent plusieurs centaines de kilomètres vers Paris pour que Seznec s’en retourne alors qu’il est tout proche de la capitale : un événement soudain l’a fait changer d’avis. À l’encontre de cette thèse, on relève qu’il aurait fallu que la dispute fût bien vive pour que Seznec tuât la poule aux œufs d’or, même sur un coup de sang. La cour d’assises rend un verdict mitigé : les jurés reviennent une première fois en condamnant Seznec pour meurtre mais avec guet-apens, c’est-à-dire avec préméditation ! Il faut que le président les renvoie délibérer à nouveau pour que, de retour une seconde fois, ils suppriment la circonstance du guet-apens et se cantonnent au meurtre.

204Au contraire de ce qui est seriné depuis quatre-vingts ans, l’instruction a été très bien faite. Plusieurs centaines d’auditions sont effectuées, dont soixante-sept pour le seul Seznec et trente confrontations avec les témoins. Ces derniers sont entendus à plusieurs reprises. Toutes les recherches matérielles ont été faites ; toutes les expertises, ordonnées. Mieux : le juge de Morlaix fait preuve d’une remarquable indépendance d’esprit. À deux reprises, il entend et confronte des magistrats (dont le procureur de Brest !) et des policiers parce que des informations collectées sur le terrain ne figureraient pas au dossier. Il convoque aussi un représentant de l’administration fiscale qui ne voulait pas répondre à ses demandes écrites. La chambre d’accusation de Rennes ordonne un supplément d’information. Le président de la cour d’assises fera faire lui-même de nouvelles recherches avant et pendant le procès.

205Seznec a-t-il été bien défendu ? Même si le dossier est accablant, il y avait matière à marquer un point très important : faire annuler la perquisition du 6 juillet 1923 quand la machine à écrire est découverte, et donc sa saisie, puis, selon les règles de la procédure, tous les actes subséquents, c’est-à-dire tout ce qui suit et en découle : les expertises, l’audition des témoins Chénouard, des voyageurs des différents trains qui le reconnaissent à l’aller comme au retourLa perquisition est irrégulière car elle est faite hors de la présence des habitants du lieu (Seznec est en prison, sa femme est absente et la bonne refuse d’y assister). Dans ce cas-là, le Code de procédure pénale oblige les enquêteurs à faire signer le procès-verbal par deux témoins qui ne sont pas placés sous leur autorité (par exemple, les voisins). Or, les policiers omettent la formalité. Les avocats de Seznec de l’époque ne soulèvent pas cette nullité évidente… Par ailleurs, il semble que les suivants ne demandent pas, jusqu’en 1955, l’autorisation de consulter le dossier !

206Ces procédures de révision étalées sur quatre-vingts ans sont tout à fait inutiles car basées sur des faits fumeux qui illustrent cette idée : dans un dossier d’instruction à la française, tout est déjà en procédure. En effet, hormis la découverte de Gherdi ou Sherdly en 1926, tout le reste ne sera qu’élucubrations. Encore cette « découverte » est-elle suspecte : c’est Seznec, à nouveau, qui, de passage au dépôt de l’île de Ré avant le bagne, y aurait collecté des informations permettant de l’identifier. Il était temps. Ce fait nouveau est singulier : Gherdi prétend ne pas connaître Seznec mais avoir entraperçu Quéméneur au Champ-de-Mars et l’avoir aidé à changer le pneu d’une voiture : quelle chance pour Seznec ! Mais la description que Gherdi en donne ne semble pas correspondre et Gherdi affirme n’avoir fait aucune affaire avec lui.

207Seznec a-t-il pu aussi, afin de colorer son mensonge d’un deal entre Quéméneur et un « Américain », raccrocher cette invention à un Gherdi dont il connaissait déjà l’existence pour être allé lui-même traficoter au Champ-de-Mars ? Il a expliqué dans un autre dossier s’y être rendu pour un achat de Cadillac à une personne de Nancy… Il aurait omis de donner les coordonnées de Gherdi pendant l’instruction pour éviter que des vérifications fassent tomber sa combinaison. Puis, en partance pour le bagne et jouant le tout pour le tout, il aurait balancé ses informations. Encore n’a-t-on aucune preuve qu’il les ait adressées de l’île de Ré. Elles apparaissent dans les requêtes en révision désordonnées de son épouse de 1926.

208Quant au reste… Les prétendus coups de feu à Plourivo, l’affaire Quémin, etc., autant de scénarios farfelus que les enquêtes de l’époque démontent sans peine. La manipulation policière ? Le sérieux de l’instruction, l’indépendance du juge de Morlaix démontrent qu’il n’en est rien. De plus, il eût fallu que des policiers de différents services fussent dans le coup : Vidal, Cunat et Doucet, qui multiplient les auditions et les vérifications, n’en donnent pas l’impression.

209Les experts cités par la défense de Seznec à partir de 1990 se ridiculisent : un haut responsable du Carme affirme que l’auteur des faux est Me Pouliquen, le notaire beau-frère de Quéméneur. Quelle sottise, à la mesure de la complaisance pour la pensée unique de cette affaire : Seznec innocent ! Rien dans le dossier ne fait présumer d’un tel comportement de la part du notaire ; outre qu’on en cherche l’intérêt pour lui. Selon cet « expert », le notaire serait aussi l’auteur de la lettre manuscrite écrite en 1926 au « témoin » Mme Petit. Il s’agissait de lui faire confirmer qu’elle avait vu Quéméneur après sa disparition ! L’expert près du tribunal de Marseille est aussi péremptoire que sa vanité. Il affirme que Seznec n’est pas l’auteur du télégramme signé « Quéméneur ». Outre que les experts de l’époque disent le contraire, il y a tous les témoins qui reconnaissent au Havre Seznec, dont le propre commis de la poste qui envoie ledit télégramme… Quant à l’expert près la Cour de cassation qui voit trois scripteurs dans les auteurs des faux mais pas Seznec, il est lui-même contredit par tous les éléments du dossier (multiples témoignages, concordances des horaires de chemins de fer, etc.). Il convient de rappeler que ces professionnels sollicités par la défense sont tous des experts judiciaires. La vérité est qu’un expert conclut toujours dans le sens désiré par son mandant. Cette affaire illustre cet adage jusqu’à la caricature.

210Quant aux accusations sur l’inspecteur Bonny, elles ne valent pas mieux. Comme relevé par la dernière cour de révision, le fait de s’être mal comporté en 1935 et surtout pendant la Seconde Guerre mondiale ne peut prouver d’autres faits survenus en 1923. Il n’est pas possible qu’un inspecteur stagiaire de 28 ans, de plus à la sûreté nationale de Paris, ait pu ourdir la machination qu’on lui prête : faire accuser un innocent du meurtre d’une notabilité en Bretagne. Et pourquoi tant de « frais » ? Quéméneur n’est qu’un élu local sans préoccupation politique (la sienne n’est que l’argent) ; Seznec n’est lui-même qu’un affairiste bretonnant. Selon les partisans de Seznec, il se serait agi de couvrir l’implication de personnalités de premier niveau dans un trafic international de Cadillac : quatre-vingts ans plus tard, on ne détient toujours aucune preuve d’un tel trafic.

211Plus intéressante est la constatation suivante : les faits nouveaux allégués ne concernent jamais que quelques points isolés du dossier. La découverte – suspecte – de l’existence de Gherdi ne validerait que l’explication du voyage en voiture à Paris. Elle laisse intacte la question de savoir pourquoi Seznec s’en est retourné en Bretagne après avoir roulé pendant 400 kilomètres, la question du télégramme, celles des voyages au Havre des 13 et 20 juin, les reconnaissances par les témoins, l’identification de l’écriture de Seznec sur les faux, etc. Idem pour les « témoins de survie » : les « apparitions » de Quéméneur après le 26 mai se heurtent aux éléments qui désignent Seznec comme suspect. Le problème du jour exact de la gelée nocturne est sans intérêt devant les témoignages concordants des personnels de la gare de Houdan sur l’arrivée de la voiture dans la cour, etc.

212Monter en épingle tel ou tel épisode et oublier les autres éléments de l’affaire équivaut à succomber au syndrome d’Agatha Christie : un simple détail changerait l’explication générale d’un dossier. C’est ne pas voir comment fonctionne l’instruction à la française : tout est dans le dossier. De sorte que tout est corroboré par d’autres éléments : si, par hasard, un des témoins de la maison Chénouard affirme s’être trompé quand il a reconnu Seznec, il y a les autres qui l’ont identifié. Si l’ensemble des témoins « Chénouard » paraissaient soudain flottants, il y a l’employé des postes du Havre qui reconnaît Seznec sur photo quand celui-ci envoie le télégramme du 13 juin. Il y a aussi les témoins de Plouaret qui le voient arriver en voiture, puis, deux jours plus tard, revenir chargé d’un sac. Si tout ceci est encore imprécis, il reste les témoins du train Paris-Quimper qui le reconnaissent à la gare Montparnasse. De toute façon, l’expertise de la machine trouvée chez Seznec montre qu’elle a été achetée chez Chénouard, etc.

213Après la question « meurtre ou assassinat ? », il y a dans ce dossier une seconde énigme : comment se fait-il qu’il soit entouré d’une telle atmosphère d’erreur judiciaire alors que le dossier est accablant ? La première raison en est l’absence de cadavre, qui fait courir les imaginations. C’est indiquer qu’il n’y a pas de lien direct avec Seznec même si toutes les présomptions convergent vers lui. La seconde raison tient à la qualité sociale des protagonistes : deux hommes d’affaires, dont un politique. Il ne s’agit pas d’un règlement de comptes sordide dans le Milieu ou d’un dérapage meurtrier dans le lumpenprolétariat sur fond d’alcool. Dès lors, dans les imaginations, l’explication de l’affaire peut s’avérer complexe et cela ouvre la porte à toutes les hypothèses. Pour faire « rebondir » l’énigme à partir de la fin de la guerre, il y a la personnalité de Bonny, spéciale il est vrai. Autre raison : l’obstination des défenseurs de la cause Seznec et leur douzaine de requêtes pendant quatre-vingts ans. On pourrait la croire inspirée par une juste conviction de l’innocence, mais le dossier montre le contraire.

214Au vrai, le public, la presse et même certains professionnels ne veulent entendre, en fait de justice, que des histoires d’innocents condamnés à tort, de policiers ripoux ou de vrais coupables châtiés avec dureté, plutôt que d’accepter la réalité du dossier ou même d’en prendre connaissance.

Même si je n'adhère pas avec tout ce qu'il a écrit...

C'est intéressant l'opinion d'un avocat pénaliste comme Inchauspé.

Je comprends mieux pourquoi Michel Pierre l'a cité dans son ouvrage.

Il allait dans son sens de "L'impossible innocence".

Vous avez noté, comme moi, pour la consultation possible du dossier Seznec :

[1] À l’occasion de la dernière requête en révision, la Cour de cassation en a fait établir une trentaine de copies."

Vous pouvez acquérir le chapitre de son ouvrage consacré à l'affaire Seznec...

Sur Cairn.Info pour 6 euros.

Mon travail consiste à publier tout ce qui touche de près ou de loin à l'affaire Seznec.

Je viens à l'instant même de recevoir "Les grandes affaires criminelles pour les nuls".

Je vous en parlerai bientôt.

 

Liliane Langellier

 

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