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Affaire Seznec Investigation

Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 1.100 articles.

Affaire Seznec : Guillaume Seznec a eu un procès équitable.

Guillaume Seznec a été condamné au bagne dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 novembre 1924.

En 2014, pour les 90 ans du procès, j'avais repris, jour par jour, les mots de Denis Langlois.

Pour ce qui est de ce dernier jour de procès...

Comme elle nous apparait désuète la plaidoirie de Me Kahn.

Et comme ses arguments peuvent être réduits à néant.

Reprenons...

…………………...

"A 20 h 30, on t’a reconduit dans la salle. La chaleur était encore plus étouffante, malgré les fenêtres ouvertes, le public encore plus entassé et agressif. Un groupe s’était même installé sur les marches au pied de l’estrade du président.

Celui-ci est arrivé avec une bonne demi-heure de retard. Pas moyen de se frayer un passage dans les couloirs. La robe en bataille, il s’est carré dans son fauteuil.

- La parole est à la défense !

Me Kahn s’est levé, blanc comme le col de sa chemise. Emu, il a commencé lire ses notes d’une voix hésitante.

- Vous avez entendu l’accusation. Voici la défense. Car, quelle que soit l’impression que vous ont laissée les paroles qui viennent d’être prononcées, vous ne pouvez pas, vous ne devez pas avoir une opinion déjà faite.

Tu voyais ses mains fines qui tremblaient et tu avais envie de lui venir en aide. Brusquement, il a posé son papier et respiré un grand coup. Sa voix est devenue plus ferme.

- Les chemins qui mènent à la vérité sont longs. Au stade où nous en sommes, je sais que vous aurez la volonté d’accomplir le dernier effort que je vous demande. Pour moi, à cette place, d’où aurait dû s’élever une éclatante voix, celle de Me de Moro-Giafferi, j’apporte à la cause que j’ai la responsabilité de défendre toute la force de ma jeunesse fervente et de ma conviction sincère.

Au mot « jeunesse », tu as vu l’avocat général baisser la tête et les jurés s’immobiliser, attentifs. D’un seul coup, tu a pris conscience que l’homme qui te défendait était un néophyte faisant ses premières armes. Tu as regardé son cou blanc, ses cheveux bien taillés, les plis impeccables de sa robe noire, son épitoge bordée de fourrure blanche, et tu as eu peur. Tu as cherché les visages de ta mère et de Marie-Jeanne. Ta mère a secoué la tête en souriant et cela t’a rassuré.

La voix jeune et claire de Me Kahn prenait du poids. Ses gestes se faisaient plus amples.

- On vous a dit que Seznec avait imaginé l’affaire des automobiles destinées à la Russie. C’est faux. Il n’était qu’un associé, la « cinquième roue du carrosse » comme il l’a dit lui-même. C’était Quemeneur qui avait la maîtrise de l’affaire, qui prenait les contacts, qui concluait les accords. La preuve, c’est que Seznec ne connaissait pas l’Américain qui avait proposé l’affaire. Il a été incapable de donner son nom et son adresse exacts. On a dit que Seznec avait intérêt à la disparition de Quemeneur. C’est faux. La promesse de vente ne pouvait se réaliser que si Quemeneur était vivant. Il n’y avait pas de reçu pour les 4 040 dollars et la famille n’aurait pas manqué – ce qu’elle a fait du reste – de contester la valeur d’un tel acte. Et cela Seznec, commerçant avisé, ne pouvait pas l’ignorer.

Tu as commencé à reprendre espoir. Le jeune ne se débrouillait pas trop mal. Tu regardais ses mains fines qui s’agitaient, son dos qui s’était redressé. Deux jurés prenaient des notes et l’avocat général baissait toujours le nez.

- Mais en fait Quemeneur est-il mort ? Personne n’en sait rien. Pas plus M. l’avocat général que moi-même. La disparition n’est pas la mort. On a écarté un peu trop vite l’hypothèse de la fugue amoureuse ou autre. Dans cette ville de Quimper, un homme, M. Soulière, directeur du Service agricole du Finistère, a disparu récemment sans donner de ses nouvelles. Quelles secrètes raisons l’ont déterminé à ce départ ? Qu’est-il devenu ? Personne ne le sait. Il est toujours difficile de savoir ce qui se passe dans la tête d’un homme, même lorsqu’il est riche, honorablement connu et apparemment à l’aise dans la vie. Je voudrais à ce sujet vous rappeler l’affaire de M. de la Pipardière, qui, il y a bien longtemps, disparut brusquement. On accusa sa femme de l’avoir assassiné et on la jeta en prison. Et un beau jour il réapparut, insouciant. Si demain cela se reproduisait pour Quemeneur, vous n’auriez pas d’excuses, car des témoins sont venus vous dire qu’ils l’avaient vu après la date de sa disparition. M. l’avocat général vous a dit que ce n’étaient pas de bons témoins et que leur parole n’avait aucune valeur. De quel droit ? Ils ont vu, ils ont prêté serment. Nous devons tenir compte de leurs déclarations.

Me Kahn s’est arrêté pour s’éponger le front. Les deux jurés continuaient à prendre des notes.

- Nous avons parlé de Quemeneur. Parlons maintenant de Seznec. On a dit qu’il était couvert de dettes, poursuivi sans cesse par des créanciers. C’est faux. Quand, six mois après son arrestation, on a examiné sa situation financière, elle était encore largement bénéficiaire. En fait, Seznec avait seulement des problèmes de trésorerie et, s’il avait expliqué sa situation à son banquier, il aurait certainement obtenu un prêt. On a dit qu’il était insensible. J’ai regretté moi aussi de ne pas voir sur son visage la trace d’une émotion. Mais si vous saviez combien l’innocence se revêt parfois de maladresse ! Ne jugez jamais un homme sur son attitude ! Insensible, Seznec ? Mais on pourrait reprocher aux témoins la même chose ! Ils étaient 125 à l’accuser dont certains le connaissaient depuis longtemps et aucun, vous m’entendez aucun, n’a dit qu’il était un père de famille affectueux et attentif et que, s’il cherchait à gagner de l’argent, c’était surtout pour ses quatre enfants. Insensible, Seznec ? Mais vous n’avez donc pas vu ses yeux remplis de larmes lorsqu’il a aperçu sa vieille mère dans la salle !

Tu n’as pas entendu la suite, tu pleurais. Tu as sorti ton mouchoir et essuyé tes larmes. Tu avais un peu honte devant tous ces gens. Me Kahn s’est retourné et vos regards se sont croisés.

Il s’adressait maintenant aux jurés.

- Quemeneur a-t-il été tué ? Je ne sais. Vit-il encore ? Je ne saurais répondre. On évoquait son souvenir, hier, jour des Morts. Songez aussi, messieurs, à tous ceux qui ont été victimes de l’erreur judiciaire, victimes de l’injustice es hommes. Songez à tous ceux qui sont morts de désespoir et d’effroi dans la torture d’un tourment immérité. Voici venir à vous leur troupe suppliante. Que cette vision douloureuse vous protège contre l’erreur et vous soit un avertissement. Malheur à vous, jurés bretons, si l’on peut dire un jour que vous avez condamné un innocent !

Il y a eu quelques applaudissements dans la salle, puis les choses ont alors été très vite. Le président t’a demandé si tu avais quelque chose à ajouter. Tu t’es levé et as secoué la tête. La cour et les jurés se sont retirés. On t’a ramené dans la petite pièce derrière le box. Un gendarme a regardé sa montre : minuit moins vingt."

………………..

1/ On vous a dit que Seznec avait imaginé l’affaire des automobiles destinées à la Russie. C’est faux. Il n’était qu’un associé, la « cinquième roue du carrosse » comme il l’a dit lui-même. C’était Quemeneur qui avait la maîtrise de l’affaire, qui prenait les contacts, qui concluait les accords. La preuve, c’est que Seznec ne connaissait pas l’Américain qui avait proposé l’affaire.

La suite de l'affaire nous prouvera bien que c'est Guillaume Seznec et non Pierre Quémeneur qui traficotait dans les bagnoles américaines (et autres).

En 1926, Seznec, mort de trouille à l'idée de Cayenne, se souviendra miraculeusement de Gherdi et du Café "Au Tambour" lieu de rendez-vous des trafiquants.

2/ On a dit que Seznec avait intérêt à la disparition de Quemeneur. C’est faux. La promesse de vente ne pouvait se réaliser que si Quemeneur était vivant. Il n’y avait pas de reçu pour les 4 040 dollars et la famille n’aurait pas manqué – ce qu’elle a fait du reste – de contester la valeur d’un tel acte. Et cela Seznec, commerçant avisé, ne pouvait pas l’ignorer.

Rappel de Michel Pierre (en page 52) :

"Certes, on pourrait dire que "promesse" de vente ne vaut pas "acte" de vente mais ce serait ignorer l'article 1589 du Code civil qui précise clairement que "la promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et le prix". Pour Seznec, procédurier et régulièrement confronté à des actions en  justice, fréquentant ou ayant affaire à des huissiers, des notaires et des avocats, c'est un article qu'il ne peut ignorer."

3/ On a dit qu’il était couvert de dettes, poursuivi sans cesse par des créanciers. C’est faux.

A lire, relire et méditer :

Dès 1922, Seznec était raide comme un passe-lacet.

……………………….

Et oui...

Comme ils paraissent désuets ces arguments de la défense en 1924.

Pour répondre à l'une des obsessions des Pieds-Nickelés, qui me rebattent les oreilles de leurs commentaires haineux….

Mon blog "Seznec Investigation" (235 articles) + mon blog "La Piste de Lormaye" (271 articles) alignent plus de 500 articles.

Aucun autre blog "Seznec" ne peut aligner ça depuis août 2010.

Aucun autre blog ne peut prétendre non plus parler au jour le jour des actualités Seznec.

Mon blog est donc de facto "Le premier blog Seznec".

Sicut dixit.

Ces articles sont faits pour êtres lus.

Et, éventuellement cités.

Denis Langlois et Michel Pierre m'ont citée, sans problèmes, dans leurs ouvrages.

Anne-Sophie Martin a joué la sangsue et n'a même pas reconnu l'origine du sang dont elle s'est gavée...

"There's only two classes : first class and no class".

Liliane Langellier

P.S. Lundi 4 novembre 2019...

C'est le jour ou jamais de lire sur mon blog "Chez Jeannette Fleurs" :

Du côté de chez Drouant : Cent-dix ans de vie littéraire chez les Goncourt

Mon blog et ses conseils de lectures marche très fort :

 

La Dépêche de Brest du mardi 4 novembre 1924.

La Dépêche de Brest du mardi 4 novembre 1924.

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