Le blog de Liliane Langellier. Premier blog sur l'affaire Seznec. Plus de 850 articles.
20 Juin 2018
N'étant jamais définitivement modelé, l'homme est receleur de son contraire.
René Char
Quand mon grand-père de Lormaye, Auguste Courtois, est mort à Chaudon le 15 mai 1963...
En rangeant sa grande bibliothèque...
Nous avons découvert une multitude de petits carnets...
Il y écrivait ses courses...
Il y glissait ses tickets de rationnement,
Il y mentionnait le conseil d'un ami pour la taille de ses poiriers,
Il y commentait ses lectures passées ou en cours..
Chers petits calepins...
Mais saviez-vous que Landru a été perdu à cause de la découverte de deux calepins :
"En fouillant le logement de Landru, on avait trouvé les deux calepins qui devaient le perdre : celui où cet homme ordonné, mais imprudent, tenait la comptabilité de ses voyages à Gambais et celui où étaient inscrits les noms des disparus."
in "L'histoire vraie des brigades mobiles" de Marcel Montarron.
C'est aussi un petit carnet qui va contribuer à perdre Seznec.
Reprenons le récit de la journée du mercredi 20 juin 1923 :
1/ La découverte de la valise
Chez Me Philippe Lamour...
Dans sa plaidoirie du 5 octobre 1932 :
"Le 20 juin, au Havre.
Le 20 juin, en effet, il n’y a plus de doute. Le 20 juin, il se passe au Havre trois faits particulièrement graves :
a). Quatre employés de chemins de fer, des grades des plus différents d’ailleurs, voient un individu qui, dans la salle de troisième classe, place sous la banquette une valise. Cet individu reste deux heures et demie couché dans cette salle d’attente, et la preuve que cette valise c’est bien lui qui l’a mise, c’est que le premier employé, Pierre Achille l’a vu (cote 153), couché sur les deux valises : l’une sous la tête, l’autre sous le coude. C’est donc bien sa valise. Puis (cote 152) lorsque le train de Saint-Nazaire est arrivé, le surveillant Montel a vu sortir cet homme de la salle d’attente avec une seule valise. Il court jusqu’à lui avec l’autre : « Monsieur, vous oubliez une de vos valises. » L’homme lui a répondu : Celle-là n’est pas à moi.
Malheureusement pour lui, le troisième témoin, c’est à dire Leroy (cote 140), l’a vu pousser la valise sous la banquette.
Le Journal du 7 juillet 1923
Or, cette valise, c’est la valise de Pierre Quémeneur qu’un individu vient d’abandonner, un peu moins d’un mois après la disparition du conseiller général, sous la banquette de la salle d’attente de troisième classe en gare du Havre.
On fait venir les employés de gare et on les met en présence de Seznec dans le cabinet de M. Campion. Ils sont unanimes. Ce n’est pas là l’homme qui a abandonné
Il paraît qu’à la Cour d’Assises, M. l’avocat général a déclaré que cet individu avait été retrouvé ; qu’il n’était pour rien dans l’affaire ; qu’il avait eu simplement la curiosité de jeter un coup d’oeil sur une valise qu’il avait trouvée et qui n’était pas à lui, mais qu’en trouvant des papiers prouvant qu’elle avait appartenu à Quémeneur, il avait pris peur, toute la presse parlant alors de cette affaire, et l’aurait repoussée vivement sous la banquette.
Rien de tout cela n’est au dossier et, en tout cas, si ces faits s’expliquent si facilement, il eût été normal et désirable que cela fût au dossier et que l’on recueillit les déclarations de cet individu. On ne les recueillera plus parce qu’il est mort depuis, et c’est deux fois dommage, mais cette piste sera reprise sous les garanties de l’article 433, je l’espère. Et peut-être donnera-t-elle de curieux résultats dont je n’ai pas à préjuger ici car cela appartient à la recherche et que je ne veux apporter ici que des certitudes."
Ouest-Eclair 1er juillet 1923
Ouest-Eclair 15 juillet 1923
2/ L'état de la valise
"La valise portait des traces de boue et de sable de mer. De même, la serviette était maculée de terre. Le carnet et les papiers étaient trempés comme s'ils avaient été plongés dans l'eau. Un examen attentif permit en outre de déceler, sur les parois extérieures de la valise, principalement sur le couvercle et près de la serrure, huit petites tâches de sang qui, plus tard, à l'analyse, se révéleront être du sang humain.Sur la serviette, on releva également cinq petites tâches de sang."
in Guy Penaud en page 115.
3/ Le contenu de la valise
Dans l'acte d'accusation :
"Au nombre des papiers dont la présence fut constatée dans la valise de Quémeneur, quand elle fut ouverte, figure en effet un exemplaire d’un acte sous-seing privé, en date à Brest du 22 mai 1923, aux termes duquel Quémeneur était censé promettre à Seznec, au prix de 35.000 francs, une importante propriété de
(...)
"Il sera dit plus loin comment, après la disparition de Quémeneur, Seznec conserva la valise dont celui-ci s’était muni à son départ de Landerneau et comment cette valise fut découverte le 20 juin, à la gare du Havre. Au nombre des objets qu’on y a retrouvés, figure un carnet de poche sur lequel Quémeneur avait l’habitude d’inscrire diverses annotations relatives à ses affaires. Et aux lignes 5 et 7 du feuillet 46, parmi des mentions de déboursés prétendument faits au cours de son voyage avec Seznec, on y lit celles de deux dépenses : l’une de 11 fr. 40, l’autre de 31 fr. 70, pour deux billets de seconde classe de Dreux à Paris, et de Paris au Havre.
Or, ces dépenses ne concordent pas avec le prix réel de ces billets, celui qui est imprimé sur les tickets et celui qu’aurait dû payer Quémeneur s’il avait fait réellement les deux voyages. Elles ont été calculées d’après le barême kilométrique qui figure en tête de tous les indicateurs de chemins de fer et elles ne font état, ni du timbre quittance de 25 centimes, ni d’une taxe locale de 20 centimes perçue à Dreux, lorsque le montant de ces deux perceptions aurait dû être ajouté à la somme théorique ainsi obtenue.
Il est donc visible que cette double inscription est l’œuvre d’une personne insuffisamment renseignée, qui a voulu faire croire faussement que Quémeneur a parcouru, en chemin de fer, le double trajet de Dreux à Paris et de Paris au Havre. Cette personne n’est autre que Seznec lui-même. Une expertise a apporté la preuve que toutes les mentions inscrites sur le feuillet 46 du carnet de Quémeneur sont de sa main. L’ingénieuse précaution qu’il avait prise pour accréditer le récit de sa séparation de Quémeneur à Dreux se retourne contre lui car elle apporte, avec la pleine valeur d’un aveu, la preuve et de son mensonge et de son souci de le faire accepter."
Le Matin du 6 juillet 1923
Si on reprend l'hypothèse de Jean-Yves et de Gabriel Seznec...
Guillaume Seznec aurait donc emporté cette valise au Havre.
(Ou aurait-il demandé de l'aider à Kerné ? Qui ressemble étrangement à la description du suspect vu en gare du Havre...)
Le Havre parce que : le port pour l'Amérique !
Il y aurait volontairement glissé un exemplaire du contrat de vente de Traou Nez...
Contrat qu'il est LE SEUL à posséder.
Et une carte de visite d'Ackermann pour détourner les recherches de Morlaix.
Il aurait également truqué le petit carnet pour rendre véridique leur voyage à Paris.
Et la prise par le conseiller général d'un train retour en gare de Dreux.
Ce n'est pas là l'oeuvre d'un escroc international...
Mais plutôt celle d'un mari perdu qui veut à tout prix épargner sa femme.
En noyant la partie adverse - les Quémeneur Pouliquen - sous de fausses preuves.
Jenny Quémeneur constatera toutefois qu'il manquait un "complet neuf" que son frère avait emporté...
"Un veston neuf en laine et de couleur gris foncé uni".
Est-ce ce complet qui a servi de dernier costume pour habiller le défunt Pierre Quémeneur ?
Avant sa dernière sépulture ?
Le Matin du 29 juin 1923
Le Matin du 27 juin 1923