12 Avril 2018
Dans des temps de tromperie généralisée,
le seul fait de dire la vérité est un acte révolutionnaire.
George Orwell
Quand François Le Her vient témoigner au procès Seznec, fin octobre 1924, deux personnes sont surprises...
Très surprises...
D'apprendre que Pierre Quémeneur a survécu à la nuit du 25 au 26 Mai 1923.
Il s'agit en fait de Guillaume Seznec, dont nous savons maintenant qu'il a menti pour sauver la douce Marie-Jeanne...
Et de Pierre Pouliquen, notaire à Pont-L'abbé, beau-frère de Pierre Quémeneur.
Dont il a épousé la soeur Marie-Anne.
Guillaume Seznec ne peut plus faire grand chose...
Bouclé dans sa prison.
Mais Pouliquen, lui, va s'agiter pour trouver tout plein de témoignages démolissant François Le Her.
Ce qui n'était pas très difficile.
Vu le pedigree du dit témoin !
Qui est passé aux Assises et a échappé de peu à une sévère condamnation.
Pouliquen...
Qui va réagir vite.
Très vite.
Il avait aussi agi et réagi très vite dès l'absence du conseiller général.
Allons-y pour la Bretagne au mois de Juin !
Les citations qui suivent sont tirées de la primo enquête publiée par Bernez Rouz dans son ouvrage de la page 80 à la page 92.
Retour sur son mois de Juin 1923.
Pouliquen, avant son amour pour son beauf, il y a d'abord son amour pour son fric :
"Je télégraphiais moi-même le lundi 4 juin à la Société Générale à Paris pour savoir si mon chèque avait été touché ; le mardi matin, je recevais la réponse me disant que le chèque n'avait pas été présenté et que l'on prenait note de mon opposition. (...) Toujours plus inquiet, je télégraphiais immédiatement poste restante numéro trois à Paris, pour savoir si le chargement que j'avais expédié avait été retiré ; il me fut répondu négativement et je mis opposition désormais sur ce chargement."
On peut dire que ça traîne pas les affaires avec Me Pouliquen... Enfin, les siennes... Puisque le chèque lui a été retourné le 20 juin...
"Seznec racontait en outre qu'immobilisé à Dreux par une panne d'automobile, il n'avait pu regagner Paris mais avait rallié Morlaix par ses propres moyens.
Cette version me parut tellement étrange qu'à partir de ce moment je fus nettement convaincu de la culpabilité de Seznec et malgré moi je l'exprimais à ma belle-soeur. Nous étions au vendredi 8 juin et je lui faisais savoir que je ne pouvais tenir plus longtemps et que le lendemain samedi, je devais aller à Landerneau pour aller moi-même voir Seznec le dimanche matin et tirer cette affaire au clair. Je me flattais de confondre rapidement Seznec qu'en moi-même j'accusais nettement."
Donc, le vendredi 8 juin, soit 15 jours après le voyage de nos deux compères, Me Pouliquen est intimement convaincu de la culpabilité de Guillaume Seznec. Ce qui signifie que, pour lui, son beau-frère n'a pas disparu mais a bien été supprimé.
Et le dimanche 10 juin, n'y tenant plus, Pouliquen entraîne tout son petit monde (Louis Quemeneur et Guillaume Seznec) à la brigade mobile de Rennes.
Soit 15 jours après le voyage de nos deux zèbres.
Comme on ne lui déroule pas le tapis rouge, notre notaire décide d'aller à la Capitale :
"Arrivés à Paris le 12 juin au matin, nous commençâmes immédiatement nos recherches accompagnés d'un agent de renseignements."
Lors de l'audition par le juge Campion, le 30 juillet 1923, Jean Pouliquen dira (Note bas de page 87 chez Bernez Rouz) :
"Louis Quéméneur et moi nous nous sommes adressés à une agence de recherches dirigés par M. Delangle. Celui-ci nous accompagna Bd Malesherbes..."
Oui, c'est ce fameux Delangle...
Que personne n'a encore réussi à identifier.
Mais on ne perd pas espoir.
Revenons au Mardi 13 Juin 1923 :
"Le mardi matin 13, ma première démarche fut d'aller au palais de justice quai des Orfèvres. De là on m'indiqua la direction de la police de la Seine. Dans ce dernier bureau je ne pouvais préciser le lieu du crime et que mon beau-frère semblait avoir disparu à Dreux, son passage n'ayant été signalé nulle part à Paris on m'adressa à la Sûreté Générale, 11, rue des Saussais. Je demandais une audience au commissaire principal M. Rémond et je lui expliquais le but de ma visite. Ce dernier fit aussitôt appeler M. Vidal, commissaire, qu'il chargea d'éclaircir cette affaire. J'eus l'après midi un long entretien avec M. Vidal, à qui je racontai tout ce que je savais personnellement, tout ce que m'avait raconté Seznec et le résultat de mes recherches à Paris."
Tout cela a lieu avant l'arrivée du télégramme. Et avant que la valise ne soit trouvée. Et puis, c'est bien connu, vous et moi, quand on a un souci ou un doute, on file au quai des Orfèvres, puis à la direction de la police de la Seine, puis à la Sûreté Générale.
Les blogueurs de L'affaire Seznec revisitée insistent particulièrement sur ce point - qui n'est pas un détail - dans leur critique impertinente de "Nous, les Seznec" :
"p. 110 : “Le jour suivant, 11 juin, les deux hommes se rendent à la police judiciaire, rue des Saussaies, où ils reçoivent à peu près le même accueil qu’à Rennes…“
… sauf qu’entre Rennes et la Sûreté Générale à Paris, il y a passage au palais de Justice et à la Police Parisienne – or, dans l’hypothèse d’une machination policière, ceci n’est sans doute pas anodin."
Le 13 juin 1923, à Paris, Jean Pouliquen adresse une lettre au directeur de la Sûreté Générale :
Lettre adressée le 13 juin 1923 au directeur de la Sûreté par Me Jean Pouliquen
Transcription :
Paris le 13 juin 1923
Monsieur le Directeur de Sûreté Générale Paris
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance les faits suivants :
Monsieur Pierre Quéméneur, mon beau-frère, négociant en bois, Conseiller Général du Finistère, demeurant à Landerneau, a quitté son domicile le jeudi 24 mai 1923 ; il a pris à Landerneau l’express de 8 h 46 à destination de Paris ; il s’est arrêté à Rennes où il est arrivé à 13 h 46. Là il a été rejoint par M. Seznec marchand de bois demeurant à Morlaix qui avait fait le trajet de Morlaix-Rennes dans une automobile Cadillac qu’il pilotait lui-même. Ils ont tous deux passé la nuit à Rennes à l’Hôtel Parisien et sont repartis ensemble le lendemain vendredi 25 mai à 5 heures du matin pour Paris dans l’automobile de M. Seznec. Par suite de pannes et de crevaisons nombreuses, ils ne sont arrivés à Dreux qu’à 4 ou 5 heures de l’après-midi. Après avoir réparé la voiture au garage Hodey, 33, rue d’Orfeuil, à Dreux, ils ont de nouveau repris la direction de Paris. Mais la voiture ne leur donnant pas satisfaction – M. Quemeneur qui avait un rendez-vous d’affaires à Paris pour le lendemain matin à 8 heures et craignant de manquer le rendez-vous, faisait faire demi tour à la voiture au bout de quelques kilomètres et revenait à la gare de Dreux où M. Seznec prétend l’avoir quitté à la tombée de la nuit, c'est-à-dire vers 8 ou 9 heures du soir.
Depuis cette époque, M. Quemeneur ne nous a jamais donné de ses nouvelles et nul ne l’a vu. A-t-il pris à la gare de Dreux le dernier train se dirigeant sur Paris c'est-à-dire celui de 21 h 56 arrivant à la gare des Invalides à 23 h 34. C’est probable.
Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un sujet américain habitant Paris et donnant comme adresse 6, boulevard Malesherbes. Il s’appelait Chardy ou Cherdy et employait dans ses correspondances du papier à lettre portant l’en-tête de la Chambre Américaine de Paris, 52, rue Taitbout. C’est avec cette personne que mon beau-frère devait avoir un rendez-vous le samedi 26 mai à 8 heures du matin ; cette entrevue a-t-elle eu lieu comme il était convenu, nul ne le sait.
Mon beau-frère semble avoir correspondu avec un autre sujet américain nommé Ackermann, habitant à Paris 16, rue Popincourt.
D’après enquête personnelle faite par moi l’adresse donnée par M. Chardy semble fausse et je n’ai pu le retrouver ; quant à M. Ackermann il habite bien Paris à l’adresse indiquée, mais il prétend ne pas connaître mon beau-frère et ne l’avoir jamais vu.
Avant son départ pour Paris mon beau-frère m’avait prié de lui adresser à Paris Poste Restante n°3 un chèque de soixante mille francs sur la Société Générale. Je lui ai adressé sous pli chargé ce chèque à l’adresse indiquée et d’après renseignements pris à la poste même, ce chargement a bien été demandé dans la journée du 26 mai, alors qu’il n’était pas encore arrivé, n’ayant quitté Quimper le jour même. Depuis le chargement n’a plus été réclamé et mon beau-frère qui semblait cependant en avoir un besoin urgent pour traiter son affaire n’est plus revenu à la Poste Restante où le chargement est toujours en instance.
Dans ces conditions, étant donné la conduite régulière toujours menée par mon beau-frère et son éloignement de tout amusement futile je suis amené à formuler les présomptions les plus funestes. Un accident n’est même pas admissible car il portait sur lui toutes les pièces nécessaires pour l’établissement de son identité et nous en aurions été prévenus.
Ceci expliqué, je vous serais reconnaissant, Monsieur le Directeur, de vouloir bien prescrire toutes les recherches nécessaires pour éclaircir cette affaire.
Jean Pouliquen, notaire à Pont-l’Abbé (Finistère)
Il est bien sûr de lui, le notaire !
Mais il est bon de rappeler là qu'un notaire, en province, ce n'est pas rien.
C'est un notable.
Souvent, il est le maire de la ville où il exerce.
Notre notaire familial de Nogent-le-Roi, Maître Michel Beaujouan, il a été maire et conseiller général pendant 15 ans (1980/1995).
Un notaire, c'est au courant des affaires.
Oui, des affaires de famille : des terres, des maisons, des héritages, etc...
Vous vous souvenez la scène dans "La Terre" de Zola, quand ils vont chez le notaire ?
"Et il n’y a que le notaire Baillehache qui tire profit de ces luttes intestines : placide, il assiste aux querelles familiales pour gagner un sou, ne pas payer une chemise et ne pas céder un arpent de terre."
C'est juste histoire de dire : un notaire, ça se respecte.
Voire même ça se craint.
C'est encore le personnage d'Hubert Lavoisier, le notaire de Claude Chabrol dans "Poulet Au Vinaigre" (1983)
Chabrol a dépeint au vitriol les notables de province.
C'est aussi Léon Dupuis, le jeune clerc de notaire romantique de Madame Bovary dans le roman de Gustave Flaubert :
Lire sur Le Guichet du Savoir :
Les notaires, placés sous le double signe de la Plume et du Sceau, représentent la profession la plus puissante de France. Profession qui si elle souffre encore des clichés et du poids du passé, s’est transformée en médecin du patrimoine de chacun, doublé d’un pédagogue.
Oui, oui, un notaire, ça se respecte et ça se craint !
Ce même 13 juin, pendant que le notaire et son frangin sont à Paris, Jenny Quémeneur reçoit le fameux télégramme (in l'acte d'accusation) :
Il ressort de l’information avec la même évidence que le télégramme expédié le 13 juin 1923 du Havre, sous le nom de Quémeneur et adressé à la sœur de celui-ci pour lui donner de bonnes nouvelles, est un faux et que Seznec en est l’auteur. Une expertise a établi, avec la dernière évidence, que la minute de ce télégramme a été écrite par Seznec et non par Quémeneur. On n’a d’ailleurs trouvé aucune trace de passage de Quémeneur au Havre le 13 juin. Par contre, on sait que Seznec s’y trouvait ce jour-là.
Jean Pouliquen et Louis Quémeneur rentrent à Landerneau le 14 juin 1923 à 6 h 30. Où ils prennent connaissance du télégramme.
Après avoir reçu le télégramme, comme Louis Quemeneur ne veut pas écrire immédiatement à M. Vidal, Pouliquen reprend la plume : "J'écrivis de nouveau une lettre pressante et ma belle-soeur envoyait un télégramme, nous étions au 17 juin, cette fois la plainte fut déposée et la police se mit en campagne."
En note 188 chez Bernez Rouz : "La demande d'ouverture d'une information judiciaire ne sera adressée que le 21 juin au procureur de la République de Brest."
N'allez surtout pas croire que j'adhère aux thèses foldingues du juge Hervé. Qui ont été reprises jusqu'à plus soif. Mais on peut dire que, là, notre notaire n'a pas molli... 21 mai / 21 juin : juste un mois après le coup de fil de Seznec, l'information judiciaire est ouverte. Ne venez pas me dire qu'il a fait tout ça tout seul. Qu'il n'a pas eu des petits copains à droite ou à gauche pour le pistonner (mais oui, un notaire, surtout en Bretagne, ça a des clients dans la politique, dans la magistrature, dans la police, etc...). Mais réfléchissez bien : le notaire Jean Pouliquen était un homme déterminé. Qui avait risqué de perdre 60.000 francs (environ 60.000 euros actuels). Et qui a passé son temps et son énergie en ce beau printemps de 1923 à convaincre les autres de sa propre conviction : seul Guillaume Seznec pouvait être le meurtrier !
Le 25 juin la valise de Pierre Quémeneur est saisie au Havre.
Où elle avait été trouvée dans la gare le 20 juin.
Le 26 juin : première audition de Guillaume Seznec par le commissaire Jean-Baptiste Cunat de la Police mobile de Rennes.
Le jeudi 28 juin 1923, Guillaume Seznec se rend librement à Paris....
On connait la suite...
Le 29 juin 1923 :
"Une perquisition à "Ker Abri"
Brest 28 juin. - (De notre correspondant particulier). - L'actif juge d'instruction du Parquet de Brest doit se rendre demain matin à Landerneau, en vue d'opérer une perquisition à la villa Kerabri, domicile du conseiller général disparu."
C'est dans l'Ouest-Eclair Edition Rennes du 29 juin 1923, page 2, première colonne.
Et voilà que je découvre, dans l'Ouest-Eclair du 30 juin (page 2, 1ère colonne), un nouveau personnage : François Quemeneur :
"Une descente du Parquet à Landerneau
Ce matin, par le train de 7 heures, descendait à Landerneau M. le Procureur de la République Guilmard. assisté de M. Binet juge d'instruction, et d'un greffier. M. Binault, commissaire de police, les reçut à la gare,et tous se dirigèrent vers la villa Ker-Abri où habitait avec sa soeur le conseiller général de Sizun.
En présence de M. François Quéméneur, frère du disparu, arrivé à Landerneau mercredi soir, la correspondance de M. Quéméneur fut compulsée et étudiée minutieusement. On sait que le conseiller général, d'une activité inlassable, traitait de multiples affaires et le travail de dépouillement a été très long.
Ce soir, à 4 heures, cette opération judiciaire dont l'importance n'échappera à personne se poursuivait. Des détails fort intéressants ont sans doute été recueillis, qui aiguilleront l'enquête vers sa voie définitive, espérons-le.
Une interview du frère de M. Quéméneur
Pendant que le Parquet travaillait sans relâche, nous avons été reçu à Ker-Abri par M. François Quéméneur. Comme sa soeur, il observe une grande discrétion, mais son accueil est aimable et il tempère la rigueur de la consigne par de la bienveillance. M. F. Quéméneur réside à Plourivo (Côtes du Nord). "Je ne connais pas grand chose de l'affaire nous déclare-t-il sans ambages, et je ne pourrai certainement pas vous fournir un renseignement bien sensationnel. Vous avez aujourd'hui parlé de la propriété de TraouNez dans les Côtes du Nord. Elle est située à six kilomètres de chez moi et a une superficie de 90 hectares. Elle appartenait à mon frère qui m'avait chargé de m'occuper de ses intérêts. Il y a deux ans, elle était à vendre, Pierre ne voulait pas la conserver ; des annonces ont été insérées dans les journaux et de nombreuses offres d'achat ont été proposées. Seulement, elle avait une très grosse valeur, pensez donc, un domaine de 90 hectares avec une maison d'habitation et des dépendances. Il fallait être riche pour l'acheter. En dernier lieu, nous étions en pourparlers avec quelqu'un."
Nous l'interrompons :
- M. Sézenec a été l'acquéreur définitif. Un acte sous seing privé a été passé. Il a versé des dollars comme acompte.
- Cela, je n'en sais rien. Jamais mon frère ne m'a parlé de son intention de vendre à M. Sézenec que je connais d'ailleurs fort peu. Il y a seulement un an que je me suis trouvé en relations avec lui. Mon frère et lui se voyaient beaucoup et Pierre lui a avancé de l'argent.
M. Quéméneur fait sans doute allusion aux quinze mille francs prêtés à Sézenec, quinze mille francs qui étaient d'ailleurs garantis, ainsi que nous l'avons dit, par la "Cadillac" propriété personnelle de M. Sézenec."
(ndlr on tous compris que François Quéméneur, c'est en fait Louis Quéméneur)
Denis Langlois (Pages 81/83) :
"Vers 9 heures, quand le juge d'instruction et le procureur de la République Guilmart, flanqués d'un greffier, frappèrent à la porte, ils eurent la surprise d'être reçus non seulement par la soeur de Quemeneur, mais par son frère Louis et son beau-frère Pouliquen. Une réunion de famille.
Ils entrèrent dans le bureau de Quemeneur, au rez-de-chaussée, et là restèrent sans voix : des armoires grandes ouvertes, des tiroirs sortis, un coffre-fort béant, des casiers arrachés des murs, des tas de papiers partout, des registres, des agendas.
- Mais vous avez déjà fait notre travail ! s'exclama le juge Binet.
- Non, dit Pouliquen gêné, nous avons seulement cherché des affaires.
- Eh bien ! vous cherchez plutôt brutalement. C'est une vraie mise à sac ! Je suis obligé de le noter sur le procès-verbal. Je vous avoue que je suis très surpris que vous, un notaire, vous vous soyez livré à une telle opération.
Le commissaire Cunat arriva avec deux inspecteurs dont l'un débarquait de Paris et tout le monde commença à fouiller.
Dans le coffre, pas la moindre somme d'argent ni en francs ni en dollars. Aucune pièce, aucun billet.
- Bizarre ! dit le juge en se tournant vers Pouliquen. M. Quemeneur n'avait donc pas le moindre centime devant lui !
Dans le bas du coffre tout de même un paquet de reconnaissances de dettes. Une où Pouliquen, alors clerc de notaire à Châteaulin, s'engageait à rembourser à Quemeneur dès sa première réquisition la somme de 100 000 francs qui devait lui servir à acheter l'étude de Pont-l'Abbé. Une autre où Pouliquen reconnaissait devoir 60 000 francs remboursables le 1er août 1925.
Sur le bureau, par terre, dans les tiroirs, sur les étagères, des milliers de lettres, de factures, de documents divers. Toute une correspondance concernant un négoce de vins et de bois, mais pas de trace d'une comptabilité régulière ni de livres de commerce. Rien sur l'achat et la vente des Cadillac, aucune lettre échangée avec toi ou avec l'Américain Chardy.
Ah ! si, plusieurs doubles de lettres où Quemeneur, quelques jours avant sa disparition, demandait à des garagistes de la région s'ils avaient des voitures américaines à vendre. Des réponses négatives : "Non, nous n'en avons pas actuellement, mais nous connaissons des collègues qui en ont dans leurs garages." Un carnet couvert de toile noire, avec beaucoup de pages arrachées, mais tout de même une indication significative : "Les Cadillac de type 57 se vendront 28 000 francs en bon état de marche." Des résumés de lettres concernant la vente de la propriété de Plourivo. Le 21 avril 1922 : "Ecrit à Le Bail, notaire à Morlaix, lui disant que s'il trouvait acheteur pour Traou-Nez l'acte de vente serait établi à son étude, quoique dans ma famille il y ait des notaires." Le 20 octobre 1922 : "Ecrit à Gloro offrant Traou-Nez à 140 000 francs (100 000 francs comptant sous seing privé pour bois et 40 000 francs acte notarié pour éviter frais)."
Des carnets de chèques, des relevés de compte de la Société bretonne, des copies de lettres toujours écrites à la main, recopiées consciencieusement au crayon encre ou en se servant de carbones. Des photographies. Un livret militaire : "Quemeneur Pierre-Marie, exempté de service actif, placé en service auxiliaire en 1914." Des courriers envoyés en tant que conseiller général du Finistère.
Suant, soufflant, le juge ne savait plus où donner du tampon et du cachet de cire.
- Quel fouillis ! répétait-il en signant les étiquettes des scellés. Je n'ai jamais vu une perquisition s'effectuer dans de telles conditions. Quelle idée aussi de l'avoir annoncée dans la presse !"
Quel était l'intérêt du notaire Jean Pouliquen ?
Gil sur Justice Affaires Criminelles le 20 août 2007 :
L'entêtement de Pouliquen à faire condamner Seznec a paru suspect à certains. La rumeur, persistante, disait qu'il agissait ainsi afin qu'il puisse hériter de Quemeneur. Examinons les deux cas possibles :
1er cas : Seznec bénéficie d'un non-lieu.
Quemeneur est alors porté disparu, mais en vie, et la succession se fera dans 30 ans. Pouliquen ne touche pas l'héritage, mais la dette de 160000 F qu'il a contracté envers son beau-frère peut dormir au fond d'un tiroir pendant 30 ans.
2ème cas : Seznec est condamné et déclaré coupable de meurtre.
Quemeneur est juridiquement déclaré mort, et la succession est immédiate : les 10 frères et soeurs de Quemeneur touchent chacun 70000 F, mais Pouliquen doit rembourser 160000 F. Il doit donc sortir de sa poche 90000 F.
Conclusion :
Financièrement parlant, Pouliquen n'avait pas intérêt à voir Seznec condamné et reconnu coupable du meurtre de Quemeneur. Il a donc agi de manière désintéressée, et son acharnement prouve qu'il avait de l'aversion envers Seznec.
Kadillak sur le forum Justice Affaires Criminelles le 30 Mars 2008 :
Pouliquen : clerc ou notaire ?
une brève intervention pour détendre l'atmosphère qui règne ce jour ce le forum :
- dans tous les ouvrages (si je me trompe, vous me le dites), Jean Pouliquen est clerc de notaire lors de son mariage avec Marie-Anne Quéméner et jusqu'à son déménagement pour Pont-L'Abbé. Faux, le beau-frère devient notaire le 1er novembre 1918, ce qui signifie qu'à partir de cette date il est à même de signer des actes en l'étude de Chateaulin, un détail me direz-vous ? Peut-être pas. Au fait, ces deux études, à Chateaulin et Pont-L'abbé, les avez-vous lues mentionnées quelque part... entre deux paragraphes sur Bonny par exemple. Non, cela n'intéresse visiblement pas nos écrivains, et pourtant si je vous disais que J. Pouliquen travaillait chez Maître Danguy des Déserts, vous me diriez c'est pas possible, c'est pas vrai... vous auriez raison, il travaillait en effet chez son concurrent (ou confrère) de Chateaulin... et oui, dans la famille Danguy des Déserts un notaire peut en cacher un autre...
Oui, il a été actif.
Très actif.
Notre notaire Jean Pouliquen.
En ce beau mois de juin 1923.
Il a pris la direction des manoeuvres.
Sa primo-enquête est là pour le prouver.
J'attends l'ami Alain qui doit nous en parler.
Liliane Langellier
P.S. Lors de la disparition de Pierre Quemeneur, il reste 7 héritiers (jugement déclaratif de décès du tribunal civil de Brest du 8 avril 1925) :
- Louis Quéméner, négociant en bois, demeurant à Landerneau
- Mlle Jeanne Quéméneur, célibataire majeure, demeurant à Landerneau
- Marianne Marie Yvonne Quéméner, épouse de François Péron à Guiclan
- Madame Philomène Quéméner, épouse de Yves Péron à Guiclan
- Mr Henri Quéméner, religieux à la Trappe de Timadeuc
- Mr Yves Quéméner demeurant à Paris
- Madame Marie Anne Quéméner épouse Pouliquen à Pont l'Abbé.
P.S.2 Pour suivre le commentaire de Christophe sur ce blog...
Et au sujet de Viviane Santini, je vous cite un extrait des conclusions de l'avocat général Jean-Yves Launay :
Dans la critique impertinente de "Nous les Seznec" par SaintOp/Kadillak/Seznek :
p. 525 : “… car il était costaud Quéméneur…“
… cette précision fantaisiste extraite du témoignage de Mme Santini l’affaiblit sérieusement.
Il y avait déjà eu une discussion "Viviane Santini" sur le forum Justice Affaires Criminelles.
Ce qui est important, ce n'est pas tant le témoignage que la non transmission du témoignage par la Cour de Révision (Denis Seznec pages 525/526)
Oui, Viviane Santini aurait écrit au président de la Cour de Cassation qui n'aurait pas transmis ce témoignage.
Ce qui permet à Denis d'évoquer là le complot des autorités judiciaires.
P.S. 3 Skeptikos vient juste de nous pondre :
"Encore du Vacquié. Deuxième Chapître."
Et c'est hilarant.
Comme toujours.
Mais si, mais si, il y a des gens qui ont de l'humour dans l'affaire Seznec !
P.S.4 Merci à toutes et à tous pour les 2.255 visiteurs depuis le dimanche 1er avril 💪💋💪💋💪💋
P.S. 5 Ils sont malins, Vilain et Langlois quand même...
Comme ils n'ont plus rien à dire, suite aux fouilles ratées de Morlaix, ils mettent leur silence sur le dos du silence médiatique des fils de Petit Guillaume.
Ce qui leur permet, au passage de m'égratigner une fois de plus, car moi, j'aurais trahi la demande de silence de Jean-Yves et de Gabriel Seznec.
Oui, c'est malin..
Et méchant même, très méchant !
in Livre de Marthe Le Clech "Morlaix 1647 /2009 - De l'hôtel des Oriot à l'hôtel et au restaurant de l'Europe"